Cela pourrait être une lettre à mes amis artistes et musiciens. Ce n'est peut-être au fond qu'un cri d'alarme. Voire encore le refus obstiné de vivre avec son temps.
Les temps modernes et la musique urbaine semblent nous imposer, au Congo comme ailleurs, de plus en plus de shows au détriment de vrais concerts joués avec des musiciens. Il est permis de croire que de nombreux artistes congolais soient toujours montés sur scène avec pour seul line-up quelques MP3. Et de nous interroger sur le rapport intime que peuvent entretenir ces artistes avec la musique et, par extension, avec les musiciens.
Dans l'environnement d'un studio d'enregistrement, une large part d'entre eux n'est, en effet, confrontée qu'au seul clavier maître du beat maker et de ses instruments virtuels sortis de son computer. Forcément et plus tard, « ça va sonner propre » sur la scène où l'artiste sera accompagné d'un seul DJ pour envoyer le MP3 au moment voulu. Cela peut-être un joli show - pourquoi pas ? - mais aucunement un concert au sens où peuvent l'entendre certains puristes. Et laissons de côté le playback car autant dire, dans ce cas, que nous voilà proche d'un pitoyable karaoké.
Pour en venir au semi-live, cette pratique hélas habituelle fait encourir à l'artiste le risque majeur de se sentir perdu s'il se doit d'être accompagné par de vrais instruments et de musiciens. Certains s'en sont, d'ailleurs, mordus les doigts d'avoir tenté cette belle expérience, d'autres n'ont jamais osé franchir le pas.
Car, privé de ses repères sonores, voilà l'artiste devenu comme « étranger » devant l'intrusion d'une musique vivante autour de lui. Forcément « ça va sonner moins propre », forcément « ça va sonner plus live » ; avec le charme de l'adrénaline, les possibles flottements et imprécisions, les rebonds habiles lors des « couacs », tout ce qu'il faut maîtriser, tout autant individuellement que collectivement ; sans oublier, au préalable et sur le plan humain, les nécessaires complicités et confiance auprès des musiciens, la compréhension de leur langage musical, le temps chronophage des répétitions.
Cela peut paraître peu, voire banal, mais c'est en réalité beaucoup plus exigeant qu'on ne le croit. Vraiment ! Pour beaucoup d'artistes, le semi live reste donc une véritable zone de confort, accentuée d'une plus value économique, qui se détache inconsciemment du sens d'une véritable performance artistique. Cette évolution de la musique nous entraine vers un déficit d'une certaine authenticité, tirant là malencontreusement un trait sur les vraies vibes musicales, celles qu'il est toujours bon de partager entre artistes, musiciens et public confondus.