A la prison de Kondengui à Yaoundé, la faim justifie les moyens. Ceci s'atteste par certaines pratiques lubriques observées au principal pénitencier de Yaoundé.
C'est le cas notamment de ces jeunes gens qui se prostituent pour survivre. Il ne se passe pas de jour ou mieux, de nuit, sans qu'on signale des actes de sodomie dans l'un des deux plus populeux quartiers de la prison. Les quartiers 8 et 9 comptent environ 3000 détenus, soit plus de la moitié des quelque 5000 personnes incarcérées ici. Le plus récent cas date de quelques jours à peine, lorsque le jeune A. C., à son corps défendant, a défrayé la chronique.
Quand il est interné au quartier 8 dans le local 85, il ne se doute pas des dangers qui le guettent. Comment en effet se méfierait-on d'un bienfaiteur qui, dans cet enfer, vous tend généreusement la main ? Ainsi d'H.B. qui, spontanément, a pris sous son aile le pauvre A.C. à son arrivée. Ce dernier, privé de visite, est soumis au « Régime intérieur ».
Autrement dit, il doit se contenter de la nourriture que lui offre l'administration : à peine une poignée de maïs sec bouilli et teinté d'huile rouge (Le haricot qui devrait l'accompagner se retrouve en vente parallèle dans la prison). Appelée ration, cette pitance quotidienne peu ragoûtante, est servie une fois par jour, et il faut jouer des muscles, quand on n'a pas de relation, pour en avoir. Ce « Kontchap », est l'apanage des plus pauvres, surnommés les « Flottants ». Une expression fort imagée qui rend relativement compte de la réalité.
Amants cocus
On imagine aisément la surpopulation et la promiscuité qui règnent dans cet endroit. Dans un local de quelque 4/4m tel celui où vivent nos deux gaillards, il n'est pas rare de trouver plus d'une trentaine d'occupants. Les plus vernis ont leur « mandat », c'est-à-dire une couchette d'une place sur un lit à étages.
Chaque lit comporte trois mandats. Selon les moyens, l'ancienneté, la longueur de la peine ou simplement la puissance financière, on peut se permettre d'occuper tout seul son mandat, ou le partager.
Beaucoup de démunis, qui n'ont donc pas les moyens de s'offrir une couchette, « flottent » littéralement dans le quartier, dormant soit à terre dans le local (ce sont les bien nommés « dormaterres »), soit sur des bancs de fortune en plein air dans la cour. Car ils n'ont pas où dormir, bien qu'officiellement affectés dans un local. L'on comprend donc que A.C. se soit senti privilégié quand H.B lui a offert sa protection, et surtout, de la nourriture. Il faut dire qu'H.B. est un « tacleur » c'est-à-dire un vendeur ambulant qui arpente toute la prison pour proposer sa marchandise. Celle-ci est constituée pour l'essentiel, des objets personnels (vêtements, montres, chaussures, appareils etc.) que d'autres prisonniers dans le besoin (les nouveaux venus généralement), lui confient à vendre contre une commission. C'est dire s'il a de l'argent.
Des sources disent donc que le commerçant a introduit des amphétamines dans des aliments qu'il a donnés à son protégé. A.C a mangé et, une fois sous l'emprise de la drogue, a subi les assauts de son « bienfaiteur », lequel lui a copieusement labouré le derrière. Pris sur le fait, les deux compères ont connu des fortunes diverses : AC. a été jeté en cellule disciplinaire, tandis que H.B a continué sereinement ses occupations. Son argent a sans doute parlé. La loi du mieux disant sans doute. Quoiqu'il en soit, cette affaire, la énième du genre, pose le problème de la sexualité des détenus.
Privés de leurs compagnes pour les hommes, et de leurs compagnons pour les femmes, les détenus de Kondengui sont contraints, pour satisfaire leur libido, de se livrer à des amours clandestines. Bien que l'homosexualité soit réprimée par la loi, certains détenus sont, par la force des choses, devenus de pédés notoires. Dans le langage cru du milieu, on les appelle les « baiseurs d'anus ». Ce sont pour la plupart, des condamnés à de longues peines. Les plus jeunes sont leurs proies favorites. Des couples sont officiellement constitués dans l'obscurité de certains mandats. On sait ainsi et ça se chuchote, que tel est « la femme » de tel autre. Le condom étant interdit ici, la pratique est au full contact, avec toutes les conséquences que l'on imagine.
Certaines femmes sont aussi transformées en lesbiennes, pour bénéficier des largesses de leurs camarades d'infortune plus nanties. Bien entendu, il y a que individus que la nature a prédisposés à ces penchants.
Ceux que ces pratiques rebutent, se débrouillent comme ils peuvent : soit ils se masturbent en cachette, soit ils entretiennent des relations platoniques avec des détenues qu'ils entretiennent ; au risque de mourir eux-mêmes de faim. Il se passe alors un intense échange épistolaire, par coursiers interposés, où les déclarations d'amour enflammées des dames sont immédiatement suivies d'une demande d'argent...pour manger. En retour, et à défaut de faveurs charnelles, il reçoivent parfois des plats de nourriture préparée par une femme : un vrai luxe ! Des prisonniers se ruinent alors pour tenir leur rang auprès leurs « femmes ». Ces dernières, sans scrupules, regardent ailleurs à la moindre défaillance financière du Jules.
D'ailleurs, elles ne se gênent pas pour entretenir plusieurs idylles. Un ex Directeur de l'administration centrale en a fait la frustrante épreuve. Ce riche et honorable père de famille d'une soixantaine d'années, s'est filmé nu. Il a ensuite envoyé l'appareil numérique à sa dulcinée du quartier féminin, afin qu'elle contemple sa plastique. Seulement, le coursier, par retour de courrier (la belle avait à son tour posé en tenue d'Adam), s'est trompé de destinataire et l'a remis a un autre amant de la jeune femme. Lequel, pour se venger, s'est empressé de remettre l'appareil aux autorités pénitentiaires.
L'ancien haut fonctionnaire, naguère locataire du quartier 12, a été muté disciplinairement au quartier 3. Un endroit beaucoup moins huppé ; mais il aurait pu connaître pire. Il est courant que de pauvres quidams se fassent rectifier le portrait pour avoir seulement jeté un regard concupiscent sur « un dossier réservé ». Pour cette fois, notre Directeur en a été quitte pour quelques sarcasmes. Et des regards goguenards qui, en d'autres temps et lieux, auraient valu à leurs auteurs un séjour ... à la prison de Kondengui.