Afrique: Présidentielle 2024 - Autant dire que les carottes sont cuites pour Ousmane Sonko

analyse

Sauf extraordinaire retournement de situation, c'en est fini de la candidature d'Ousmane Sonko à la présidentielle sénégalaise de février 2024, avec ces deux revers rédhibitoires qu'il a essuyés, coup sur coup, la semaine dernière : d'abord, la confirmation par la Cour suprême le 4 janvier dernier, de sa condamnation à 6 mois de prison avec sursis au terme du procès pour diffamation intenté contre lui par le ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang ; puis, le rejet de son dossier le lendemain 5 janvier par le Conseil constitutionnel, ce dernier arguant du fait qu'il n'a pas présenté l'attestation de la Caisse de dépôts et de consignations qui prouve qu'il a versé la caution de 30 millions de F CFA exigée pour faire acte de candidature à la plus haute fonction du pays.

Ces deux décisions ont fait l'effet d'une douche froide en plein hiver chez les partisans de l'enfant terrible de la Casamance, même si tous se doutaient déjà que la saga politico-judiciaire autour de sa candidature allait in fine déboucher inévitablement sur sa disqualification à la course pour la future présidentielle.

Pour le remettre en selle, il va falloir, en effet, que ses avocats arrivent à faire casser l'arrêt rendu par la Cour suprême en milieu de semaine dernière, et à apporter la preuve que le document manquant cité par le Conseil constitutionnel dans l'exposé des motifs ...de rejet figure bel et bien dans le dossier.

Ousmane Sonko pourrait sortir affaibli de ce "harcèlement" judiciaire

Ses partisans devront, en outre, implorer la Providence pour qu'il ne soit pas condamné avant l'élection de février 2024, pour les huit chefs d'accusation dont celui d'appel à l'insurrection retenus toujours contre lui. De quoi ruiner son parti dans un improbable calcul de probabilités, à moins de deux mois du rendez-vous électoral, et à quelques jours de la publication de la liste définitive des candidats.

Pour parer aux tirs de barrage contre Ousmane Sonko, les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (Pastef) dont ce dernier est le leader a prévu une solution de secours, en misant sur le Secrétaire général du parti Bassirou Diomaye Faye. Seulement voilà, ce fidèle compagnon d'Ousmane Sonko, est lui aussi, inculpé et placé sous mandat de dépôt depuis le 18 avril 2023 pour « outrage à magistrat », « diffamation à l'encontre d'un corps constitué », et surtout pour « actes de nature à compromettre la paix publique » qui pourrait lui valoir la réclusion à perpétuité s'il venait à être condamné.

Le Pastef a également déposé un autre dossier en parallèle, celui d'Habib Sy, au cas où les deux premiers responsables du parti seraient mis hors de course par le Conseil constitutionnel. L'on saura dans les prochaines heures ou prochaines semaines lequel des trois sera en lice pour le compte des Patriotes, face au grandissime favori de la coalition gouvernementale Benno Bokk Yakaar, l'ancien Premier ministre Amadou Ba. Si Bassirou Diomaye Faye et Habib Sy ont encore des chances de passer entre les mailles du filet des Sages du Conseil constitutionnel, autant dire que les carottes sont déjà cuites pour le "Patriote en chef", même s'il restera tout de même un leader politique charismatique adoubé par la jeunesse citadine.

Ousmane Sonko pourrait sortir affaibli de ce "harcèlement" judiciaire et de l'invalidation plus que probable de sa candidature au scrutin de février prochain, mais un "Gaîndé" politique de sa trempe ne perdra pas pour autant sa crinière et pourrait continuer à rugir partout dans la savane sénégalaise dans les années à venir.

La démocratie sénégalaise ne mérite pas d'être saccagée par ses propres acteurs

En attendant que les juges des élections ne dressent la liste des prétendants finaux au fauteuil qui sera bientôt libéré par le président sortant Macky Sall, c'est la soupe à la grimace dans les rangs du Pastef, car tous sont convaincus que les seconds couteaux qu'ils veulent envoyer à la conquête du Graal ne seront pas assez tranchants ou ne feront pas le poids face aux vieux routards de la politique que sont Khalifa Sall, Idrissa Seck et Amadou Ba, pour ne citer que ceux-là.

Pour autant, les partisans du maire de Ziguinchor ne vont pas baisser les bras et se résigner, l'important, étant, comme le disait Pierre de Coubertin à propos des Jeux olympiques, de participer à cette échéance dont l'issue ne fait guère de doute au regard des forces actuelles en présence. On espère qu'ils ne vont pas appeler à boycotter le scrutin en désespoir de cause, ou jouer les mauvais perdants en refusant de reconnaitre le futur vainqueur en ruant dans les brancards après la proclamation des résultats.

Tout est possible, et le Pastef a plus d'une fois montré de quoi il est capable quand il s'agit de se faire entendre, même si les effets ont souvent été désastreux pour l'image du parti et celle de ses leaders. La démocratie sénégalaise, qui est l'une des plus belles d'Afrique, ne mérite pas d'être saccagée par ses propres acteurs, surtout pas dans le contexte sous-régional actuel où toute crise politique est une occasion pour ceux qui n'ont pas, en principe, vocation à gérer le pouvoir d'Etat, de s'en emparer avec tout ce que cela pourrait avoir comme conséquences négatives sur les libertés individuelles et collectives.

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