Ile Maurice: «Prendre le maximum des entreprises et des contribuables pour le distribuer le moment venu»

interview

Après Eric Ng, c'est au tour de l'économiste Rajeev Hasnah de partager sommairement ses réflexions sur les priorités économiques en cette année électorale. Selon lui, tout est lié à la philosophie économique du gouvernement du jour, qui se résume à prendre le maximum des opérateurs économiques et autres travailleurs du pays pour le redistribuer le moment venu à la population.

L'année 2024 sera marquée par des élections générales. Peut-on parler de priorités économiques quand on sait pertinemment bien que l'économie sera reléguée au second plan ?

Il faut noter que la philosophie qui a dicté la conduite de l'économie mauricienne a changé drastiquement, plus particulièrement depuis 2014, accentuée surtout par l'avènement du Covid-19. Cette philosophie peut être résumée ainsi: prendre le maximum des acteurs économiques (entreprises et travailleurs y compris) de façon indirecte afin qu'on puisse le redistribuer au moment propice. Cette pratique a résulté en une augmentation record de la dette publique, d'une impression conséquente de billets, l'introduction d'une nouvelle taxe déguisée sous la forme de la Contribution sociale généralisée (CSG) et d'une augmentation massive de la TVA collectée et d'autres taxes indirectes pendant ces derniers quatre ans. Toute cette masse d'argent a été récupérée aux dépens des contribuables, petits et grands, pour renflouer les caisses de l'État. Cette manne équivaut à plusieurs centaines de milliards de roupies!

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Il va de soi que tout gouvernement en fin de mandat est contraint de se livrer à certaines largesses économiques et sociales pour amadouer son électorat, la dernière étant le paiement de la pension de Rs 13 500 aux retraités de 75 ans et plus. Comment ainsi faire la part des choses entre les impératifs économiques et l'opération «labous dou» ?

Après que les Mauriciens de manière générale ont souffert d'une baisse de pouvoir d'achat conséquente ces dernières années, l'année 2024 pourrait bien être celle où on essaiera de rectifier le tir. À titre d'exemple, le salaire minimum introduit en janvier 2018 était de Rs 8 500; aujourd'hui, on l'a effectivement augmenté à Rs 18 500 ; plus que le double en seulement cinq ans ! Ce que cela veut dire, c'est que le même panier coûte deux fois plus cher depuis quelques années. Évidemment, les impératifs économiques auraient dû être au centre des priorités de tout gouvernement à tout moment, mais on sait pertinemment bien qu'on a ce qu'on appelle le political business cycle en économie. La différence se fait dans la manière et la proportion dont ce cycle est exécuté dans un pays comme le nôtre.

Des appréhensions ont été exprimées par certains entrepreneurs privés quant à l'impact de la hausse du salaire minimum et du quantum de la compensation salariale sur leur trésorerie, le tout à payer ce mois-ci. Ne pensez-vous que ce sujet devrait constituer une des priorités des dirigeants du pays afin d'éviter une crise sociale ?

On aura la réponse dans la manière dont on va gérer cette situation à court et moyen termes. Comme vous l'avez dit, il est probable que 2024 soit l'année des élections générales. Du coup, les priorités des dirigeants du pays ne seront forcément pas les mêmes que celles des autres acteurs économiques et des spécialistes.

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