Au Sénégal, la présidentielle du 25 février prochain continue de cristalliser les attentions. En effet, après la saga judiciaire du leader du parti dissous Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (PASTEF), Ousmane Sonko, qui a tenu le pays en haleine pendant plus de deux ans dans les conditions que l'on sait, un autre feuilleton est en train de s'écrire autour de la validation des candidatures à la magistrature suprême par le Conseil constitutionnel. Et ce, à l'issue de la première phase de l'opération bouclée le 7 janvier dernier, et qui a vu seulement 9 candidats sur les 93 au départ, réussir à franchir cette étape.
Une vingtaine d'autres candidats parmi lesquels figurent plusieurs anciens ministres, sont appelés à compléter leurs dossiers de parrainages pendant que la grande masse des autres postulants au fauteuil présidentiel a été recalée. C'est dans ce contexte que vingt-huit candidats et pas des moindres, ont pris en grippe l'instance judiciaire en contestant la fiabilité du système de contrôle des parrainages. Ils ont formellement déposé, le 8 janvier dernier, un recours devant le Conseil des Sages.
Le Conseil constitutionnel doit faire preuve de transparence sur toute la ligne
Ils appellent d'urgence à des correctifs au niveau du fichier électoral suite à l'invalidation de milliers de parrains de leurs dossiers respectifs de candidatures, tout en exigeant des garanties de transparence. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la course à la succession du président Macky Sall qui est officiellement non partant pour un troisième mandat dont l'opposition lui prêtait l'intention, déchaîne les passions au Sénégal. Et dans cette compétition électorale où le Conseil constitutionnel est appelé à jouer les arbitres, le moins que l'on puisse lui demander, c'est de rester à équidistance des chapelles politiques en n'ayant que le droit comme seule boussole. C'est dire s'il doit soigneusement éviter de rentrer dans le jeu malsain des considérations politiques, pour ne pas prendre le parti d'un camp au détriment de l'autre.
En cela, si un candidat répond aux critères et autres conditions édictées par la loi, que sa candidature soit validée dans les règles de l'art. Dans le cas contraire, que les griefs portés à son encontre lui soient clairement signifiés sur la base de preuves tangibles et irréfutables pour qu'il ait la pleine conscience des manquements qui viendraient éventuellement à justifier l'invalidation de sa candidature. En un mot comme en mille, dans le contexte actuel de crispation, le Conseil constitutionnel doit faire preuve de transparence sur toute la ligne pour ne pas prêter le flanc.
Cela est d'autant plus nécessaire qu'au-delà de sa propre crédibilité, c'est la paix sociale qui est, ici, en jeu, au regard des violences parfois meurtrières qui ont entouré les dossiers judiciaires d'un de prétendants au trône, en la personne de Ousmane Sonko. Et c'est peu dire que si des candidats devaient se sentir arbitrairement recalés par l'institution judiciaire, cela pourrait remettre le feu aux poudres. Or, à quelques semaines de la tenue du vote, il faut éviter d'en rajouter à la tension sociopolitique qui peine encore à retomber, suite aux différentes condamnations judiciaires du maire de Ziguinchor qui n'est cependant pas prêt à renoncer à ses ambitions présidentielles.
L'enjeu est de garantir des élections libres, transparentes et équitables
Le Sénégal n'a pas besoin de ça. C'est pourquoi, pour le bien de la démocratie dont le pays de la Teranga peut encore se targuer d'être l'une des vitrines sous nos tropiques, le Conseil constitutionnel doit se mettre à la hauteur de l'histoire. D'autant plus que de ses décisions, pourrait dépendre la paix sociale au Sénégal où la confiance ne semble pas la chose la mieux partagée entre les acteurs politiques. L'opposition ne manquant aucune occasion de mettre à l'index les institutions de la République qu'elle accuse d'être à la solde du pouvoir. Et quand ce n'est pas la Justice qui est suspectée de se laisser instrumentaliser comme ne cesse de le répéter l'opposant Ousmane Sonko dont la candidature, soit dit en passant, a été jugée « incomplète » et rejetée par le Conseil des sages, c'est le Conseil constitutionnel qui est accusé d'opacité dans le processus de validation des candidatures.
C'est pourquoi il appartient aux « Grands sages » de travailler à rassurer tous les candidats en vue de restaurer la confiance de la population en général et des candidats en particulier dans l'intégrité du processus électoral. Cela, à l'effet d'étouffer la flamme de la contestation naissante afin de lever toute incertitude sur le processus électoral en cours. Le jeu en vaut d'autant plus la chandelle que l'enjeu est de garantir des élections libres, transparentes et équitables, où tous les prétendants au trône auront la possibilité de concourir à égalité de chances. Il y va de la sérénité du scrutin et de l'intérêt du Sénégal qui a besoin de préserver son image de phare de la démocratie dans une Afrique de plus en plus en proie à la résurgence des coups d'Etat.