Ile Maurice: Le CEO sud-africain suspendu

On ne sait pas exactement pourquoi ce professionnel sud-africain a été suspendu. L'Utility Regulatory Authority (URA) avait octroyé ses premières licences aux producteurs d'énergie indépendants en mai 2023. L'occasion aussi pour nous de revenir sur l'énergie renouvelable que les ministres récitaient, mais décourageant manifestement à travers le Central Electricity Board (CEB).

Aucune communication officielle n'a été faite concernant cette suspension. Même Air Mauritius avait émis un communiqué, certes très sommaire, après la suspension de l'ex-Chief Executive Officer (CEO) Krešimir Kucko et l'ex-Chief Financial Officer Jean Laval Ah Chip. Le Sud-africain Mbulelo Ncetezo (photo) avait été nommé, le 26 juillet 2022, à la tête de l'URA pour trois ans. Ce n'est pas n'importe qui puisqu'il avait auparavant été directeur exécutif de l'Electricity Regulation Division du National Energy Regulator of South Africa (NERSA) pendant environ 11 ans.

Durant son mandat à la NERSA, il avait pu faire démarrer plusieurs projets et avait présidé le Grid Code Advisory Committee pour le Grid Code sud-africain entre 2007 et 2017. Il touchait un salaire mensuel de Rs 152 000 à l'URA. Son CV est impressionnant au niveau de ses qualifications: il détient un BSc en physique et chimie de l'université sud-africaine de Fort Hare, un BSc en génie électrique de la Marquette University de Wisconsin, aux États-Unis, et un master en génie électrique de l'université de Minneapolis. Il a aussi travaillé comme ingénieur électrique chez Tescor aux États-Unis et chez Escom en Afrique du Sud. C'est pour dire que Mbulelo Ncetezo n'est pas n'importe qui et l'on n'a rien noté de négatif au cours de sa carrière. Sauf qu'à Maurice, où on l'accuse, officieusement, un peu de tout.

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Sollicité, le service de communication du ministre Joe Lesjongard ne nous a pas répondu quant aux raisons de la suspension du Sud-africain.

Pour rappel, le 11 mai 2023, l'URA avait octroyé les premières licences à quatre producteurs indépendants d'électricité. Depuis, on n'a rien entendu. Il faut savoir qu'il a fallu attendre plusieurs années pour que l'URA puisse émettre des licences pour la production d'énergie à la place du CEB, qui est, lui aussi, un producteur. Le 15 décembre 2020, le député Osman Mahomed, rappelant, lors de son discours sur le Central Electricity Board (Amendment) Bill, sa question parlementaire de septembre 2016, constatait que «the URA, short for Utility Regulatory Authority, does not have as at date the requisite power to issue licences nor to determine tariffs for the whole utility landscape».

Même si, désormais, c'est l'URA qui émet les licences pour les gros producteurs d'électricité, il faut savoir que pour les petits producteurs individuels, c'est le CEB qui accorde les licences. Même pour les gros producteurs, c'est le CEB qui doit auparavant donner son approbation. Voici comment cela se passait avant le 28 novembre 2023.

Transition énergétique et les freins du CEB

Pour pouvoir même penser à produire vous-même votre électricité, il faut obtenir au préalable la permission du CEB. Car toute personne qui désire en produire sous le Small-Scale Distrbuited Generation et Medium-Scale Distributed Generation (SSDG et MSDG) Scheme, doit se brancher sur le réseau du CEB, soit pour avoir partiellement recours à l'électricité produite par le CEB ou en vendre à ce dernier si la personne produit plus qu'il n'en a besoin. On ne sait pas si l'individu pourra être dispensé de l'obligation d'être connecté au réseau du CEB au cas où il produit 100 % de ses besoins et ne veut pas en exporter.

C'est pour cela qu'il était imposé à toute personne désirant, par exemple, installer des panneaux photovoltaïques sur le toit de sa maison ou de son entreprise de rechercher l'approbation du CEB au préalable. Et c'était au board du CEB d'en décider. L'approbation prenait, jusqu'en novembre 2023, trois ans, le temps que le dernier batch soit testé et mis en service. Le batch ne devait pas dépasser plus de 12 demandes. Et ce n'était qu'après huit mois supplémentaires que la licence de production d'énergie renouvelable est délivrée. Et encore, elle ne l'était que si le CEB était assuré que son réseau pouvait absorber la quantité d'énergie produite. La Finance Act de 2018 avait même inclus en catimini une loi rendant illégale toute installation de système de production électrique hybride sans l'aval du board du CEB, et ce, jusqu'en 2028.

Le CEB vient de changer ces conditions qui, pour en dire le moins, étaient décourageantes et surtout inexplicables. «C'était comme si le CEB ne voulait pas que le pays se mette aux énergies renouvelables et propres», nous dit un demandeur qui attendait tellement qu'il a fini par abandonner son projet. Normalement, une amélioration dans les procédures visant à faciliter les démarches des Mauriciens est annoncée en fanfare par le ministre concerné lui-même, avec la convocation de toute la presse et une cérémonie d'inauguration, surtout si elle concerne la production d'énergie renouvelable. Combien de fois n'a-t-on pas entendu les ministres Lesjongard ou Ramano déclamer que tel ou tel projet «s'inscrit dans le cadre de l'objectif ambitieux du gouvernement de produire jusqu'à 60 % d'énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays vers 2030».

Or, un communiqué émis par le CEB, le 28 novembre 2023, annonçant qu'il changeait enfin le système d'enregistrement des SSDG et MSDG pour le faire en Rolling-Over n'est paru que dans un seul titre de presse. Sans plus. Pourtant, c'est une grande nouvelle pour ceux qui patientaient depuis des années pour avoir cette autorisation. Beaucoup de personnes n'en étaient pas au courant.

Pourquoi ce retard à l'allumage ?

Ce qui change, c'est que ceux qui veulent produire de l'électricité renouvelable peuvent désormais en faire la demande au CEB pendant toute l'année au lieu des trois ans, plus huit mois. La question qui se pose : pourquoi le CEB a-t-il pris toutes ces années pour passer à l'enregistrement continu des producteurs privés d'énergie renouvelable ? Il semble que l'échec du projet CorexSolar en soit au moins une des raisons. Mais encore ? Pourquoi le CEB décourageait-il les producteurs individuels ? «Si les Mauriciens produisaient eux-mêmes leur énergie», nous dit Joanna Bérenger, celle qui a dévoilé le scandale CorexSolar, «comment certains obtiendront-ils leurs commissions sur les carburants importés ?»

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