Johannesbourg — Les activistes et les détracteurs sont pris pour cible ; les attaques contre les réfugiés et les groupes à risque se multiplient
Les gouvernements d'Afrique australe ont ciblé et réprimé les opposants politiques, les activistes et les journalistes en 2023, a déclaré Human Rights Watch dans son Rapport mondial 2024.
L'Afrique australe a historiquement été confrontée à des difficultés comme l'instabilité politique et à des problèmes touchant aux libertés d'expression, d'association et de participation égale. En 2023, ces préoccupations ont concerné de près les élections libres et équitables, les réponses abusives aux troubles politiques et la répression des espaces civiques. Ces actions ont contribué à une baisse constante de la protection et des garanties des droits dans la région.
« Les autorités devraient s'attaquer immédiatement à la multiplication des cas d'enlèvements, de détentions arbitraires, de torture et de meurtres de militants politiques de l'opposition », a déclaré Allan Ngari, directeur du plaidoyer auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « L'absence de tolérance à l'égard de la pluralité politique et des libertés d'expression et d'association indique une dégradation des garanties des droits humains des citoyens. »
Dans son Rapport mondial 2024, sa 34e édition qui compte 740 pages, Human Rights Watch analyse les pratiques en matière de droits humains dans plus de 100 pays. Dans son essai introductif, la directrice exécutive Tirana Hassan affirme que 2023 a été une année lourde de conséquences, non seulement à cause de la répression des droits humains et des atrocités liées aux conflits armés, mais aussi en raison de l'indignation sélective et de la diplomatie transactionnelle. Ces pratiques gouvernementales, indique-t-elle, ont profondément porté atteinte aux droits de tous ceux restés en marge de « deals » inavoués. Une voie différente et porteuse d'espoir est possible, affirme-t-elle cependant, appelant les gouvernements à rester cohérents en respectant leurs obligations en matière de droits humains.
En Afrique australe, les élections ont donné l'opportunité de consolider et renforcer les droits humains, la démocratie et l'État de droit. Cependant, les périodes avant, pendant et après les élections ont été entachées de graves violations des droits humains. Plusieurs membres du parlement, militants politiques d'opposition et défenseurs des droits humains ont été kidnappés, torturés et tués.
Les gouvernements de certains pays de la région ont été critiqués pour avoir muselé les voix de l'opposition, réprimé l'espace civique et restreint le journalisme indépendant. Les observateurs électoraux ont conclu qu'au Zimbabwe, les élections générales en août et les élections législatives partielles en décembre n'étaient pas conformes aux normes régionales et internationales régissant les élections démocratiques.
Des activistes et des membres de la Coalition citoyenne pour le changement (Citizens Coalition for Change, CCC), le principal parti politique d'opposition au Zimbabwe, ont été pris pour cible par des assaillants prétendument liés à des équipes de la police d'État menant des opérations secrètes, dont une communément appelée « Équipe Ferret ». Dans un de ces cas, Tapfumeyi Masaya, un activiste politique, a été retrouvé mort le 13 novembre dans la ferme de Chabwino, dans la province du Mashonaland Est.
L'Eswatini a organisé des élections législatives en septembre. Thulani Maseko, le leader d'une coalition de partis politiques d'opposition et d'organisations de la société civile, le Forum multipartite pro-démocratie (Multi-Stakeholder Forum, MSF), a été assassiné quelques heures après que le roi a averti les personnes appelant à des réformes démocratiques que des mercenaires s'occuperaient d'elles. Les partis politiques sont interdits en Eswatini depuis 1973 et le roi détient le pouvoir absolu.
En Zambie, les libertés de réunion et d'association ont été sous pression en 2023, alors que les autorités ont utilisé la loi sur l'ordre public pour perturber les activités de l'opposition, notamment en refusant d'autoriser les réunions et les rassemblements de l'opposition. Malgré les promesses du président Haikande Hichilema d'abroger la loi no 16 sur les ONG de 2009, son administration n'en a rien fait. La loi restreint de manière injustifiée les activités des organisations non gouvernementales et des groupes de la société civile, notamment en les plaçant sous l'autorité d'un comité d'enregistrement des ONG contrôlé par le gouvernement.
Au Mozambique, des tentatives similaires des autorités ont été battues en brèche lorsque les membres du parlement ont révisé un projet de loi qui mélangeait les activités des groupes non gouvernementaux avec les mesures de lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent, notamment en prévoyant un contrôle gouvernemental excessif et la fermeture des organisations sans recours à un examen judiciaire.
Les forces de sécurité ont ciblé des groupes civiques et des membres de l'opposition politique qui participaient à des manifestations largement pacifiques en octobre, en faisant usage d'une force excessive. De nombreux civils ont été tués alors que le conflit au Cabo Delgado se poursuit sans relâche.
En Angola, les forces de sécurité commettent depuis des décennies des meurtres illégaux, recourent à une force excessive contre les manifestants et arrêtent et détiennent arbitrairement des militants de l'opposition. En 2023, elles ont perpétré plus d'une dizaine de meurtres illégaux et de nombreuses autres violations graves à l'encontre de militants politiques et de manifestants pacifiques.
La restriction des droits civils et politiques a été aggravée par les disparités sociales et économiques, qui ont exacerbé les sentiments hostiles aux immigrés et la xénophobie à l'approche des élections générales de 2024 en Afrique du Sud. Le ministère sud-africain de l'Intérieur a publié un Livre blanc sur la citoyenneté, l'immigration et la protection des réfugiés, qui vise à réformer son système de migration, en passant au crible ou en se retirant de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et du Protocole de 1967 en vue d'y adhérer avec des réserves. Des groupes d'autodéfense, tels qu'Opération Dudula (mot de la langue zouloue qui signifie « chasser »), auraient violemment ciblé et harcelé des ressortissants étrangers.
Le silence et l'inaction du gouvernement face aux discours de haine anti-immigrés, y compris de la part de fonctionnaires, qui empêchent les ressortissants étrangers d'accéder aux soins de santé et qui perquisitionnent et ferment des entreprises appartenant à des ressortissants étrangers, sont une plaie pour les obligations constitutionnelles et internationales de l'Afrique du Sud en matière de droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Les autorités devraient mener des enquêtes sur tous les abus signalés à l'encontre des migrants, des demandeurs d'asile et des réfugiés par les autorités ou des civils en garantissant la responsabilisation, notamment par des mesures légales appropriées, et devraient mettre en oeuvre des réformes et des systèmes de supervision.
Au Malawi, les réfugiés ont également été les plus durement touchés par les excès du gouvernement. Depuis mai 2023, le ministère de la Sécurité intérieure a détenu et déplacé de force 902 réfugiés et demandeurs d'asile, y compris des enfants, vers le camp de réfugiés de Dzaleka. Le gouvernement a déclaré que les réfugiés et les demandeurs d'asile n'ont pas suivi les « procédures appropriées » et a violé leurs droits à la liberté de circulation, à l'éducation et à un niveau de vie élémentaire.
Au cours de l'année écoulée, les gouvernements d'Afrique australe n'ont pas été à la hauteur dans leur engagement en faveur des droits humains et de l'État de droit sur lesquels reposent les démocraties efficaces, en raison du démantèlement progressif des freins et contrepoids au pouvoir exécutif, notamment la restriction des parlements et de l'indépendance du pouvoir judiciaire, ainsi que la violation des droits et des libertés d'association et d'expression des citoyens.
Les autorités devraient faire davantage pour respecter et protéger les droits humains, répondre aux besoins fondamentaux de chacun et renforcer la protection de tous les groupes, y compris les réfugiés et les personnes déplacées internes, conformément aux obligations nationales et internationales des gouvernements.