À l'approche des commémorations de l'enlèvement et de l'assassinat de Martinez Zogo, l'ombre persiste sur cette affaire complexe. Des soupçons de crime d'État, liés à des règlements de compte politiques en fin de règne, planent de plus en plus au sommet de l'État, dans les milieux du contre-espionnage national et international, ainsi que parmi les journalistes d'investigation.
Depuis quelques jours, la journaliste Amélie Tulet et son équipe de RFI mènent une enquête au Cameroun, se penchant particulièrement sur la piste du second commando dans l'affaire Martinez Zogo. Le média français a dépêché cette équipe pour faire la lumière sur un dossier de plus en plus intrigant, notamment après les récentes révélations et événements tels que l'affaire du juge Sikati, qui renforcent la conviction que ce crime pourrait être lié à des enjeux politiques majeurs.
L'enquête de RFI survient un an après les prétendues "révélations" de l'ONG Reporters Sans Frontières (RSF), qui ont été remises en question par des avocats, des enquêtes de la commission mixte, et du juge d'instruction militaire Sikati. Contrairement aux affirmations de RSF, il est aujourd'hui établi que Martinez Zogo n'a pas été torturé au sous-sol de l'immeuble Ekang, comme initialement avancé. Les perquisitions de la gendarmerie ont révélé l'absence de sous-sol dans cet immeuble, confirmé par les procès-verbaux des membres du commando et le rapport de la commission mixte, indiquant que la torture a eu lieu dans un bosquet sur la route de Soa, pendant une heure.
De plus, les allégations de RSF présentant le colonel Etoundi Nsoe comme celui ayant remis 35 millions de francs CFA à Justin Danwe pour l'opération ont été réfutées par la justice militaire. Aucune preuve n'a été établie pour étayer ces accusations, et aucun lien n'a été prouvé entre Etoundi Nsoe et Justin Danwe.
Plus troublant encore, le prétendu coup de fil entre Jean Pierre Amougou Belinga et le ministre de la Justice, Laurent Esso, à minuit, n'a jamais eu lieu. L'analyse des listings d'appels d'Amougou Belinga ne mentionne pas cet appel, et il est souligné que le ministre de la Justice ne possède pas de téléphone.
En outre, le procès-verbal d'audition cité par RSF, supposément obtenu par leur représentant au Cameroun, directeur de publication d'un journal douteux appelé "La Voix du Centre", semble être inexistant. L'avocat de Justin Danwe, Me Mbuni, a déclaré publiquement qu'il n'avait jamais eu connaissance d'un tel document.
Tous ces éléments alimentent la thèse d'une affaire d'État, renforcée par les déclarations de Justin Danwe affirmant qu'il pense qu'il y a eu "un coup dans le coup". Ebo'o Clément de la DGRE a également indiqué au juge d'instruction Sikati que le lieu de la découverte du corps à Ebogo II n'était pas le lieu de la torture, confirmé par les médecins légistes qui ont conclu que cet endroit était "la seconde scène de crime".
Dans ce contexte complexe, neuf mois après la mise en détention provisoire des membres du premier commando, Martin Stéphane Savom, maire de Bibey et proche du secrétaire général de la présidence, est inculpé par le tribunal militaire dans l'affaire Martinez Zogo pour "complicité de torture et autres". Sa détention confirme les soupçons d'implications d'autres individus toujours en liberté, alimentant ainsi la piste du second commando, sur laquelle enquêtent à la fois les journalistes et le tribunal militaire. La quête de vérité dans cette affaire complexe semble loin d'arriver à son terme.