Sénégal: A Dakar, les médias peaufinent leur plan de couverture de la CAN et de la présidentielle

Par Amadou Bâ

Dakar, 12 jan (APS) - Avoir de la matière. Cette expression trouve tout son sens dans le journalisme où elle est même rangée dans le registre du jargon. Et de la matière, la presse sénégalaise ne pouvait rêver mieux. Deux actualités la lui offrent : la trente-quatrième Coupe d'Afrique des nations (CAN) de football, en Côte d'Ivoire, qui démarre ce samedi, et l'élection présidentielle du 25 février.

Deux évènements qui feront battre le pouls du Sénégal pendant deux mois. Pour le premier, qui se tient du 13 janvier au 11 février, le Sénégal aura à coeur de défendre son titre de champion d'Afrique. Pour le second, il s'agira de choisir, le 25 février, l'homme ou la femme qui présidera aux destinées du pays durant les cinq prochaines années.

Du pain béni pour les rédactions sénégalaises. Dans deux d'entre elles, le quotidien L'Observateur et le site d'informations Seneweb, sises à Dakar, on a presque fini de peaufiner les plans de couverture de ces deux évènements, qui se chevauchent quasiment. En effet, si l'équipe nationale du Sénégal arrive jusqu'à la finale de la compétition, l'on sera dans le même temps dans la ferveur de la CAN et de la campagne électorale qui démarre le 4 février.

A L'Observateur, quotidien dakarois parmi les plus forts tirages, la coïncidence entre la compétition continentale de football et le début de la campagne pour le scrutin présidentiel sénégalais ne signifie pas une plus grande pression pour l'équipe éditoriale.

"L'expérience des grands évènements"

"Nous avons l'expérience des grands évènements avec des journalistes qui ont l'habitude de couvrir la CAN et les échéances électorales sénégalaises", confie, sans fausse modestie, Saliou Gackou, le rédacteur en chef.

En cette veille de CAN, le service des Sports est évidemment mis en première ligne. Son principal responsable, Idrissa Sané, a déjà la tête en Côte d'Ivoire. Il devrait y aller en compagnie d'un autre journaliste et d'un photographe. La politique des quotas établie par la Confédération africaine de football pour faire face à un nombre record de demandes d'accréditation, en hausse de 90% par rapport à l'édition précédente, au Cameroun, ne permet pas à son journal d'envoyer une équipe plus conséquente de reporters.

Pour autant, Sané, quatre CAN et deux Coupe du monde à son actif, maintient intact son enthousiasme. "Il faut se réinventer à chaque CAN pour offrir à nos lecteurs une bonne couverture - nous le leur devons, mais également rivaliser avec la concurrence", dit-il.

A en croire son rédacteur en chef, Gackou, "L'Observateur mettra l'accent sur des papiers découvertes et des papiers magazine". "Comme nous l'avions fait lors de la dernière édition, en 2019, avec des plongées dans les familles de joueurs", renchérit Sané, qui se remémore "l'immersion", un reportage de leur correspondant à Louga (nord), dans la famille de Pape Guèye, le milieu de terrain sénégalais.

"Pour la présente, nous privilégierons les dossiers, les reportages, les enquêtes et portraits, notamment dans les pays voisins qui partagent le même groupe à la CAN avec le Sénégal : la Gambie et la Guinée", ajoute Gakou. "Il s'agit de faire plus que ce que nous avions l'habitude de faire, c'est-à-dire ne pas seulement se limiter aux comptes-rendus de matchs et à ce qui tourne seulement autour de la compétition. L'instantanéité de la radio et de la télé, qui a l'avantage de montrer des images, nous commande d'aller au-delà », poursuit-il.

Une couverture décalée

Pour la campagne électorale et le scrutin proprement dit, "nous avons concocté un plan de couverture avec des innovations que je ne vais pas divulguer, bien entendu", fait savoir Gackou, avec un léger sourire. L'homme n'est pas très disert. De sa voix posée, il répond néanmoins à toutes les questions sans trop entrer dans les détails.

Une prudence compréhensible, sans doute guidée par la volonté de ne pas dévoiler la cuisine interne de son canard. Tout juste consent-il à dire que "les journalistes des autres desks seront mis à contribution pour la couverture, de même que nos dix correspondants dans les régions, et les journalistes de tout le groupe Futures Médias", qui compte également en son sein une radio, une télé et un site d'informations.

A Seneweb, l'un des médias en ligne sénégalais les plus visités, on met les bouchées doubles pour assurer une bonne couverture de la CAN et de la présidentielle. Le site éponyme et la chaîne Youtube du média sont en pleins préparatifs. Pour l'évènement footballistique, "nous avons pris les dispositions idoines", assure le rédacteur en chef, Adama Ndiaye. Plus précisément, "une équipe d'une dizaine de journalistes et de cadreurs sera dépêchée en Côte d'Ivoire". Dans ce groupe d'envoyés spéciaux figurent même des présentateurs, car "il est prévu de réaliser des plateaux télé", ajoute-t-il.

Pour mettre tout ce beau monde dans les meilleures conditions de travail, "Seneweb a pris en location ses propres locaux, à Abidjan et à Yamoussoukro", confie ce jeune rédacteur en chef, passé par Nouvel Horizon et Intelligences Magazine. Il ajoute : "Nos équipes resteront jusqu'à la fin de la compétition, quels que soient les résultats obtenus par l'équipe du Sénégal". D'ores et déjà, quelques journalistes et cadreurs sont sur place, appuyés par la rédaction d'Ivoire Matin, l'autre site d'informations de Seneweb ouvert à Abidjan.

Bien que le média en ligne dakarois n'ait pas encore arrêté un plan définitif de couverture de la présidentielle, "la rédaction multiplie les réunions, en attendant la publication de la liste définitive des candidats", précise Adama. Mais, jure-t-il, "ça sera une couverture qui sortira de l'ordinaire".

De nouvelles rubriques pour la CAN

A Seneweb, l'équipe éditoriale a fait preuve de créativité. "Pour la CAN, nous avons lancé de nouvelles rubriques dont certaines, +En route pour la CAN+, par exemple, ont déjà démarré »', informe le chef de la rédaction. "En plus des reportages sur la CAN, des chroniques, des entretiens avec des spécialistes du football", ses équipes en réaliseront de plus "décalés, sur la vie de tous les jours dans des villes ivoiriennes. Nous allons prendre l'accent ivoirien", sourit-il. Le nouchi - ce savoureux argot, mélange de dioula, de français et de malinké parlé notamment par les jeunes au pays d'Ahmadou Kourouma ? Voire.

Toujours est-il que "la rédaction de Seneweb organisera des plateaux spéciaux, diffusera des duplex sur sa chaîne YouTube", fait savoir Adama. L'un des journalistes préposés à leur animation piaffe d'impatience à l'idée de les présenter. Ndèye Astou Konaté, journaliste multitâches, n'est pas du genre à se limiter à un seul desk. Elle rédige des articles pour le site internet et anime des émissions sur la chaîne YouTube. "Je suis polyvalente", dit-elle, dans un sourire à faire fondre le plus obtus des prédicateurs.

C'est pour cette polyvalence qu'elle a été choisie pour faire partie de la délégation devant se rendre en Côte d'Ivoire. Dans la spacieuse salle de rédaction de Seneweb, où elle reçoit, un détail a toute son importance : la prédominance de journalistes féminins...

À Abidjan, la capitale économique ivoirienne et à Yamoussoukro, le camp de base de l'équipe nationale du Sénégal, qui abrite la célèbre basilique Notre-Dame-de-la Paix, Ndèye Astou s'acquittera, "bien sûr de la couverture de la CAN proprement dite, mais également de la production de sujets décalés, plus softs, portant sur des volets sociaux, culturels, économiques, le quotidien de villes ivoiriennes". Sans doute de quartiers emblématiques d'Abidjan (Cocody, la coquette ; Treichville, le quartier le plus sénégalais de Côte d'Ivoire ; la populaire et noctambule Yopougon ...).

La journaliste n'est pas novice dans la couverture de la CAN. Elle en sera à sa deuxième, après celle qui a vu les »Lions » du Sénégal remporter au Cameroun, le premier titre continental de leur histoire. Sans se risquer à un pronostic, elle croit toutefois en leur chance, et "espère que la bande à Sadio Mané rééditera le coup de 2019".

Le coût de l'investissement humain et logistique

Pour réussir l'ambitieux pari d'une couverture inoubliable de la CAN et de la présidentielle, Seneweb n'a pas hésité à casser sa tirelire pour renforcer son équipe éditoriale et ses moyens logistiques. Selon le rédacteur en chef, " des recrutements et des acquisitions de nouveaux matériels vidéo ont été opérés pour la couverture des deux évènements". Et le média n'entend pas s'arrêter là. A en croire Adama, "l'objectif est d'avoir jusqu'à une quinzaine de nouveaux collaborateurs : des rédacteurs et des cadreurs, pour également étoffer notre équipe de veille à la rédaction centrale et assurer un plus large maillage du territoire avec plus de correspondants régionaux."

Dans le cadre de ces recrutements et le financement de la couverture de la CAN, l'équipe commerciale de Seneweb, sous la houlette de Mme Diallo Fatou Kiné Diouf, a fait preuve d'ingéniosité. "Rien que pour la CAN, un budget prévisionnel de plus d'une dizaine de millions de francs CFA est exécuté sous forme de préfinancement sur fonds propres, après nous être assuré de l'apport des sponsors et de nos partenaires", explique-t-elle.

Elle sera d'ailleurs du déplacement en côte d'Ivoire pour démarcher de nouveaux prospects, "convaincre certains annonceurs partis en Côte d'Ivoire à cause des évènements politico-judiciaires sanglants de mars 2021".

Pour Mme Diallo, le plus grand rendez-vous évènementiel du continent, dans la première puissance économique de la zone ouest-africaine, de surcroît, offre de réelles opportunités marketing.

En attendant, dans les rédactions de Seneweb et de L'Observateur, les plans de couverture de la CAN ivoirienne et de la présidentielle sénégalaise sont déjà peaufinés et les journalistes fins prêts.

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