Afrique: Les repères pour comprendre l'élection présidentielle aux Comores

Ce dimanche 14 janvier 2024, les Comores élisent leur président ainsi que les gouverneurs des îles de cet archipel de l'océan Indien qui compte 836 000 habitants selon la Banque mondiale. Voici ce qu'il faut savoir sur la situation de ce pays situé au large des côtes est-africaines.

  • Quelle est son histoire récente ?

Ancienne colonie française, l'archipel des Comores a accédé à l'indépendance en 1975. Mais la quatrième île, Mayotte, a choisi de rester dans le giron français, devenant ainsi un département d'outre-mer, malgré les résolutions de l'ONU.

Depuis son indépendance, le pays a connu près d'une dizaine de changements ou de réformes constitutionnelles. Après une longue période de plusieurs crises politiques post-indépendance marquées par des coups d'État et la présence des mercenaires dirigés par le Français Bob Denard, le pays a tourné la page de cette période depuis plus de 20 ans.

La dernière crise en date remonte à 1997, quand l'île d'Anjouan a voulu faire sécession. Deux ans plus tard, le colonel Azali Assoumani - actuel président du pays - s'est emparé du pouvoir en organisant un putsch. Celui-ci a notamment failli faire imploser le pays.

Mais l'Union africaine et la communauté internationale ont apporté leur médiation, ce qui a permis, avec l'implication de plusieurs leaders des îles, de solidifier l'union des îles comoriennes dans le cadre d'un nouvel ensemble issu de l'Accord de Fomboni du 23 décembre 2001.

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Le colonel Azali a finalement été élu en 2002, basant son pouvoir sur le nouvel ensemble constitutionnel issu de ces accords.

  • Comment fonctionnent politiquement les Comores en théorie ?

En théorie, l'Union des Comores est, depuis la révision constitutionnelle de juillet 2018, transformée en État unitaire décentralisé et déconcentré où le pouvoir est partagé entre le gouvernement central, basé à Moroni, et les gouvernorats insulaires.

Le gouvernement central est dirigé par un président élu au suffrage universel direct majoritaire après un scrutin à deux tours, pour un mandat de cinq ans, occupant la position de chef de l'État et de commandant en chef des forces armées.

Chaque île dispose également de son propre gouvernement, dirigé par un gouverneur élu pour une période de cinq ans.

Depuis 2010, ces élections présidentielles et des gouverneurs ont donc lieu tous les cinq ans, suivies des législatives et des communales l'année suivante, tous pour un mandat de cinq ans.

  • Quelle est la réalité politique ?

Cependant, la réalité politique de l'Union des Comores est souvent complexe, marquée par des défis liés à la situation de Mayotte, à des enjeux démocratiques persistants ou à la gestion de la « tournante ».

Cette tournante, un principe clé inscrit dans la Constitution comorienne, stipule que la présidence de l'Union doit alterner entre toutes les îles, après chaque mandat présidentiel (et cela en attendant le retour de Mayotte). Mais, en pratique, son fonctionnement se fait au gré des leaders politiques en place.

Ainsi, de 2002 à 2006, Azali Assoumani a dirigé le pays, représentant la Grande Comore. Élu en 2006 pour un mandat de quatre ans, dans le cadre du tour d'Anjouan, son successeur, Ahmed Abdallah Sambi - condamné en novembre 2022 à la réclusion à perpétuité pour corruption - est finalement resté au pouvoir pendant cinq ans.

Déclaré vainqueur de la présidentielle en 2010, le docteur Ikililou Dhoinine, représentant l'île de Mohéli, a attendu six mois avec le titre de président élu avant de prêter serment en 2011.

En 2016, après 10 ans, le tour est revenu à la Grande Comore et Azali Assoumani l'a emporté lors d'une élection partielle inédite organisée dans certaines localités d'Anjouan, face à l'ancien vice-président d'Ikililou Dhoinine, Mohamed Ali Soilihi, aujourd'hui en exil en France.

De retour au pouvoir, l'ex-putschiste a invité les Comoriens à voter, après des assises nationales, pour un changement constitutionnel en 2018. Un changement supprimant les postes de vice-présidents du pays (un par île) et faisant disparaitre une Cour constitutionnelle reléguée à une section constitutionnelle et électorale au sein de la cour suprême. Avant cette réforme, les membres de la Cour constitutionnelle étaient nommés par le Président, mais aussi les trois gouverneurs des îles, les trois vice-présidents des Comores et le président de l'Assemblée nationale.

Le texte a été adopté malgré les contestations de l'opposition. Dorénavant, la nouvelle constitution permet à une île d'accéder à deux mandats successifs. C'est sur cette base qu'Azali, élu en 2019 malgré un scrutin contesté, se représente ce 14 janvier 2024 pour un mandat de 5 ans, soit jusqu'en 2029.

Bien que les 20 dernières années aient connu une alternance politique pacifique, l'opposition critique vivement l'État de droit, la démocratie et la privation des libertés individuelles. Les élections sont souvent boycottées, et les mêmes hommes politiques se succèdent au pouvoir, bien que de bords différents.

Une fois au pouvoir, des mesures jugées liberticides sont prises, comme l'interdiction de manifester. Une décision prise lors du pouvoir de l'ancien président Ahmed Abdallah Sambi et qui est aujourd'hui utilisée par Azali Assoumani, mais décriée par ceux qui l'ont prise il y a quelques années.

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