Ile Maurice: Peut mieux faire !

opinion

Cette «kronik» a été signée KC Ranzé pendant longtemps pour essayer de privilégier les faits et les arguments et ne pas les noyer dans des considérations d'ordre émotionnel et personnel liées au passé d'une signature. Cet objectif a été largement atteint et, l'anonymat étant de moins en moins préservé, il est temps, peut-être, de solder le nom de plume. L'état d'esprit de la chronique ne changera pas, c'est promis !

Le nouveau Chairman de la Mauritius Ports Authority (MPA), Jérôme Boulle, est un homme charmant. À son humble avis, il faut un «rethinking complet des business modelset du mode de fonctionnement de la MPA et de la Cargo Handling Corporation Limited». Il récuse l'immobilisme et prévoit des «actions vigoureuses et des initiatives innovantes». À la bonne heure...

C'est donc, à nouveau, le moment de lui rappeler qu'un des problèmes principaux du port (et de plusieurs autres corps paraétatiques du pays d'ailleurs), c'est le monopole ! Le gouvernement le sait bien puisqu'il a créé et soutenu un Competition Commission dont le but principal est de s'assurer que, découlant de compétitions saines et libres, émergent des opérations plus efficientes qui améliorent la productivité nationale et donc le bonheur de tous... En effet, si les comportements oligopolistiques ou monopolistiques sont interdits au secteur privé pour de bonnes raisons, qu'est-ce qui pourrait bien exempter le secteur public de la même logique ?

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Imaginez seulement la SBM, par exemple, sans la stimulation vivifiante de la compétition directe en secteur bancaire et, Dieu nous garde, si elle était un monopole d'État et l'unique operateur de services bancaires du pays ! Imaginons Mauritius Telecom sans la compétition d'Emtel et de Mahanagar ! Qui pense que le pays et ses habitants seraient mieux servis si la Santé et l' Éducation publiques n'avaient pas leurs concurrents privés agissant comme balises ? Si Air Mauritius n'a pas toujours été un succès ronflant, peut-on imaginer ce qu'aurait été cette compagnie si elle avait le monopole de la desserte sur Maurice ? Et à quoi ressemblerait, aujourd'hui, le secteur hôtelier, en conséquence ?

On peut concéder que la réalité logistique et les exigences d'économies d'échelle ne rendent pas toujours la compétition possible. Au CEB, par exemple, si la production d'énergie n'est plus un monopole, il paraît être plus difficile (même si pas impossible...) de mettre la distribution en compétition. Le dédoublement du réseau et du stockage de l'eau semble improbable au même titre. Ce sont des monopoles qu'il faut cadrer autrement. Peut-être avec des KPIs (Key Performance Indicators) exigeants ? Ou un Performance Management System(PMS) que l'on prend enfin au sérieux ? (*)

Mais qu'est-ce qui pourrait jamais justifier le monopole de la MBC ? Et qu'est-ce qui pourrait empêcher de considérer privatiser, pour commencer, la moitié des quais du port et les mettre en compétition avec la Cargo Handling Corporation Limited ? Ou, si l'on voit plus grand, d'investir quelques dizaines de milliards dans un port moderne à Mahébourg qui, privatisé, pourrait donner des sueurs froides (et des gains de productivité majeurs !) à notre infrastructure portuaire actuelle ; lamentable 327e des 344 ports étudiés par la Banque mondiale dans son rapport de 2022 sur «The Container Port Performance Index» ?

L'interview de M. Boulle la semaine dernière indique qu'il attend pour «bientôt» la mise à jour du Port Master Plan rédigé par des consultants, sélectionnés en juillet 2022, mais dont l'identité n'est pas dévoilée à ce stade. Depuis l'annulation du «Break water Project» et du port de pêche, on semble avoir favorisé la voie du progrès «par petites touches», sans bousculade, sans révolution... Et tant pis donc pour le «rethinking», les «actions vigoureuses» ainsi que les «initiatives innovantes» ?

Passer une loi, comme la Financial Crimes Commission, ou construire un by-pass ou un Tower, est relativement facile. C'est bien gérer le quotidien qui est difficile ! Que ce soit à l'Éducation, à la MBC, à la santé, à la CWA, à Airport Holdings ou au port ! Et parmi ce qu'il ne faut absolument PAS faire pour bien gérer un service, c'est de nommer des 'protégés' aux postes à responsabilités, privilégiant la loyauté et le contrôle maximum, sur la compétence et l'indépendance de réflexion.

C'est tout comme pour une équipe de football, finalement ! Le manager 'gagnant' choisit ses footballeurs en fonction de leur seule compétence, y compris celle de bien travailler en équipe. Choisir d'abord 'parents, amis et connaissances', même pétris d'une loyauté de première qualité, mènera par contre à la défaite et éventuellementà la relégation... Pensez 327/344. Pensez PISA (Programme for International Student Assessment).

La compétition, c'est la santé !

La bonne gestion de l'argent public est sûrement un des objectifs majeurs de tout gouvernement qui se respecte ?

À ce titre, «bangoler» Rs 5,6 milliards dans le dossier Betamax, parce que l'on souhaitait, pour faire simple, punir le gouvernement précèdent, sans juger si le Red Eagle serait, à la longue, favorable pour le pays, ne ressemble pas à de la bonne gestion. Y rajouter Rs 1,8 milliard pour compenser Patel Engineering à qui on enlevait sa concession de terrains sur le port, «for a steal» précisait à l'époque le CEO de Neotown, ne paraît pas plus malin. Dans les deux cas, le nouveau gouvernement Lepep avait préféré le geste machiste (et très risqué !) de l'annulation unilatérale des contrats, plutôt que d'établir d'abord toute malversation alléguée et, si établies, d'exiger des renégociations aux contrats...

Ainsi, ne pas donner priorité et une forte médiatisation aux réformes apportées à la suite des rapports du directeur d'Audit relève d'un fout-pas-malisme scandaleux. Quand, en plus, le directeur de l'Audit commence à s'entendre dire que certains dossiers ne lui seront plus accessibles, on touche à l'inadmissible !

Et que dire des projets à capitaux lourds qui dépassent systématiquement leurs budgets, ainsi que le délai qui leur est imparti pour devenir réalité ? N'est-il pas temps pour nos gouvernements d'être transparents sur la question et de poster sur leur websites, projet par projet, les estimations initiales de coût et de durée, ainsi que les dépassements de prix et de temps qui s'ensuivent ? Voilà bien un KPI sur lequel devrait s'engager tout parti désirant se voir confier la gestion de l'argent public...

On a ramené, lundi, à Port-Louis, 300 kilos de drogue saisis en haute mer. Le CP Dip en est très fier, ce qui est bien compréhensible. Ce n'est d'ailleurs pas la première saisie de drogue dans le pays ; le PM, lors des débats sur le dernier Budget, avançant que les saisies avaient atteint environ Rs 15 milliards depuis 2015. Même si l'on fait quelques ajustements aux estimations de prix/kilo généralement généreuses de la police (des primes sont-elles payées en conséquence ?) et les rapports du Forensic Science Laboratory qui occasionnellement confirment de la farine là où l'on croit avoir trouvé de l'héroïne ; c'est beaucoup ! Beaucoup trop !

Deux réflexions

D'abord, dans notre pays, on ne semble pas avoir jamais capturé les El Chapo de ces trafics de drogue ! Or, les fonds de roulement requis pour mobiliser certaines grosses consignations sont énormes et ce ne sont pas les «ti marsan» qui ont de tels moyens... D'autant que, contrairement au pétrole de la STC, on n'importe pas de la drogue en payant en roupies...

Ensuite, les saisies tentent de réduire l'offre, mais ne touchent évidemment pas à la demande. Ne serait-il pas donc avisé d'investir dans de nombreuses facilités de grande qualité, où l'on pourrait emmurer les accrocs de drogues divers et les libérer de leur dépendance ? Priver quelqu'un de sa liberté pour le guérir pourrait sembler extrême, voire inacceptable, mais quand un citoyen est devenu accroc au point d'être un danger autour de lui, ne s'est-il pas déjà privé de sa liberté, notamment au profit des marchands de la mort ? N'est-ce pas là un moyen de juguler la demande ?

L'idée mérite d'être fouillée. Dans l'exercice de 'coûts et bénéfices' que cette idée réclame, il faudrait aussi prendre en compte que, passé un certain volume de réussite dans le commerce de la mort (Rs 15 milliards de saisies représente, en fait, quel pourcentage du TOTAL commercé ?), il s'ensuit naturellement... les cartels armés qui dictent leurs lois aux nations, comme au Mexique, dans la République d'Equateur, en Syrie (80 % de la production mondiale d'amphétamine et de théophylline sous forme de Captagon), en Albanie...

Pour prévenir et éviter un tel malheur, agir, en amont, au niveau de la demande mérite considération ? Gouverner, c'est toujours prévoir ?

On a beau parler de l'industrie de la culture depuis des années, qu'ici nous sommes toujours au pays qui 'fatigue' et annule concerts et Port-Louis by night....

Pendant ce temps, Tananarive prend tant d'initiatives, (Fondation H, musée de la photo, Hakanto, Maison Gallieni) qu'elle est classée parmi les 52 endroits qu'il FAUT visiter en 2024, selon le New York Times (**). Aucun site mauricien n'est de la liste... Bravo au ministère des Arts et de la Culture ! De Ma....

(*) Le rapport du Pay Research Bureau de 2021 signale ainsi qu'environ 60 % des corps para étatiques n'avaient toujours pas mis en oeuvre un PMS, une décade entière après que le projet a été lancé. De plus, si les budgets de formation ne sont utilisés qu'à hauteur de 63 % dans le service civil, ce chiffre s'écrase à 35.6 % pour le paraétatique...

(**) https://www.nytimes.com/interactive/2024/ travel/places-to-travel-destinations-2024.html

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