Il nous souvient que pendant les années politiques de braises, dans la décennie 1990-2000, à l'issue des Conférences nationales souveraines qui à l'exception de celle de notre pays, avaient ébranlé les régimes politiques oligarchiques installées en 1960 pratiquement sur toute l'aire géographique de la Francafrique, il avait été dit par d'aucuns que le Cameroun avait l'opposition la plus bête d'Afrique.
S'il faut aujourd'hui pour les besoins de la cause commune, quelque peu tempérer ce sévère jugement de valeur aujourd'hui ne serait-ce que parce que comparaison n'est pas forcément raison, il y a tout de même cependant lieu aussi de reconnaître qu'après les années intrépides de la lutte pour l'indépendance qui courent de 1945 à 1960, pendant lesquelles s'étaient brillamment illustrés sur le continent et sur la face du monde les dirigeants nationalistes camerounais, Ruben Um Nyobe, Roland Félix Moumié, Ernest Ouandie, Abel Kingue, et, ensuite pour boucler ce cycle historique de croissance exponentielle des revendications légitimes politiques de notre peuple, Ossende Afana et Woungly-Massaga, d'abord avec l'implantation de foyers de luttes armées sur la frontière sud du pays, et après l'assassinat du président Ernest Ouandie en 1971, pour le Cdt Kissamba, en lançant avec succès le Courant du Manidem (Manifeste National pour l'Instauration de la Démocratie), il y avait de bonnes raisons d'arriver à ce genre de jugement auquel l'on préféra plutôt affubler le sobriquet de crétinisme politique. Et nous faisons nôtre la tempérance ce sévère jugement de valeur.
C'est ce crétinisme politique ambiant caractérisant encore aujourd'hui le Cameroun qui a manifestement fait oublier que pour passer du régime néo colonial en place depuis 1960 au régime nationaliste et populaire que préconisaient l'UPC et les patriotes alliés à cette cause dans les années 1955-1960, que toutes les élections qui se sont jusqu'à présent déroulées au Cameroun auraient pu amener à faire la révolution au Cameroun par les urnes, mais que l'élection présidentielle de 2025 pourrait encore en offrir une nouvelle occasion rêvée.
Un crétinisme politique nourri d'une part, par un establishment politique sans réelle profondeur idéologique et sans véritable capacité organisationnelle parce que fabriqué artificiellement comme un simple apport supplétif pour les besoins de la cause néo coloniale, et d'autre part, par de pseudo intellectuels, essentiellement acquis aux idées réactionnaires et passéistes ne pouvant pas contribuer au besoin d'évolution progressiste du monde, et qui plus est, à cause de la paresse intellectuelle qui les caractérise, s'interdisent même de prendre le temps d'observer attentivement la maturation des phénomènes politiques et sociaux dans le but d'entreprendre sérieusement de les analyser, étudier et décrire. Une situation qui a pour première conséquence depuis la mise à l'écart des patriotes et nationaliste, à ne circonscrire l'offre politique rabougrie qu'à ce qui se fait dans le cadre volontairement étriqué du néo colonialisme alors même qu'objectivement la demande exige des attentes qui vont très largement au-delà.
Avant de poursuivre la réflexion sur cette problématique d'une complexité dont on ne prend pas encore toute la mesure dans notre société naissance, ou l'urgence est malheureusement plus existentielle, c'est-à-dire, pose plus des problèmes immédiats de survie, qu'existentialiste, c'est-à-dire, qui poserait plutôt les problèmes de l'être non seulement dans la durée mais aussi dans toutes leurs traduction anthropologique, philosophique et sociologique, il nous paraît très important pour la compréhension générale des choses, de d'abord dire ce que c'est qu'une révolution.
LA RÉVOLUTION : UNE SCIENCE, UN ART, UN MÉTIER ET UN SACERDOCE
La révolution est généralement définie comme un changement de régime politique brusque et brutal qui peut emprunter, soit la voie des armes, soit celle d'un soulèvement populaire civil. Lorsque qu'elle emprunte la voie des armes, elle peut être militaire, civile ou la conjonction et l'interaction des deux à la fois. Et lorsqu'elle prend la forme d'un soulèvement populaire civil, elle peut être purement civile, militaire au sens où les méthodes militaires sont appliquées par ses acteurs, ou le mélange inter actif des deux à la fois. La plupart des réflexions qui ont portés sur ce sujet extrêmement sensible, n'ont généralement planché que sur ces deux cas de figure et malheureusement omis la possibilité qu'offrent pourtant les urnes dans un régime démocratique, d'aboutir dans des conditions et des conséquences différents aux mêmes résultats que les deux cas classiques cités plus haut.
La révolution par les urnes est possible en 2025 au Cameroun à condition que trois éléments soient réunis : 1- l'existence d'un régime démocratique ; 2- l'existence d'un parti révolutionnaire authentique sur les plans organisationnel et humain ; 3 - l'occasion d'une élection. Au Cameroun malheureusement, ces trois éléments ne sont plus ou pas réunis. Mais ne pas l'être ne signifie pas qu'ils ne sont pas atteignables comme objectif politique car l'une des caractéristiques de la politique, c'est justement l'art de rendre possible ce qui est soit souhaité ou bien souhaitable. Le gros problème lorsqu'on applique cette définition au Cameroun est que les conditions d'une révolution par les urnes qui sont objectivement pourtant théoriquement plus faciles à réaliser est concrètement plus difficile à faire ici qu'une révolution de type classique. Pourquoi ? Simplement parce que si les conditions politiques objectives d'une révolution existent au Cameroun, mais que les éléments politiques subjectifs n'y sont pas réunis.
Nous entendons par conditions politiques objectives le marasme politique ambiant depuis 1982, qui se distingue essentiellement par la transformation d'une république en une sorte de monarchie républicaine. Un basculement incestueux qui englobe et explique toutes les autres dérives qui en découlent et, que l'on a pas vraiment besoin ni de répertorier ni d'expliquer une fois que cela a été admis et compris. Et nous entendons par éléments politiques subjectifs l'inexistence d'un parti révolutionnaire étant dirigé par des révolutionnaires professionnels dont Woungly-Massaga était l'exemple type non seulement dans notre pays mais aussi en Afrique. Pour faire la révolution, il faut absolument l'un et l'autre.
Et à ce sujet, voici deux citations de Mao Tsé-Toung, le grand révolutionnaire chinois : « Pour faire la révolution, il faut qu'il y ait un parti révolutionnaire. Sans un parti révolutionnaire, sans un parti fondé sur la théorie révolutionnaire maxrxiste-léniniste et le style révolutionnaire marxiste-léniniste, il est impossible de conduire la classe ouvrière et les grandes masses populaires à la victoire dans leur lutte contre l'impérialisme et ses valets », et, « Un parti qui dirige un grand mouvement révolutionnaire ne saurait le mener à la victoire sans théorie révolutionnaire, sans connaissance de l'histoire, sans une compréhension profonde du mouvement dans sa réalité ». L'intérêt de ces deux citations n'est pas de transposer ce que les révolutionnaires chinois ont fait dans le contexte chinois en Afrique.
Il est de faire comprendre aux révolutionnaires africains que la révolution est une science qui a ses propres règles qu'il leur appartient d'assimiler et d'adapter aux réalités africaines. La révolution n'est pas une science qui s'accommode d'amateurisme. Elle est au même titre que la politique, une science, un art, un métier et un sacerdoce. Même lorsqu'elle emprunte des voies calmes comme celles que procurent les urnes dans un contexte démocratique, elle ne tolère aucun amateurisme.
La révolution par les urnes est donc possible au Cameroun en 2025 grâce à l'élection présidentielle qui se tiendra cette année-là. Pour la rendre effective, il faut absolument en créer concomitamment et inséparablement les conditions objectives qui sont comme nous l'avons dit plus haut au nombre de trois :
Premièrement, travailler à mettre en place un régime démocratique. Ceci ne peut se faire que par la lutte et la mobilisation politique et sociale des larges masses.
Deuxièmement, s'assurer de l'existence d'un parti révolutionnaire authentique sur les plans organisationnel, doctrinal et directionnel. Un incontournable qui requiert à minima entre autres choses le regroupement ou un front uni de tous ceux qui militent pour ce mode opératoire et pour cet objectif.
Et troisièmement enfin, mettre à profit l'occasion que va constituer la fin du 7ème mandat du président Paul Biya, et l'élection présidentielle prévue pour choisir par la voie des urnes un nouveau président pour le pays. Pour ce dernier point, il n'est pas question de tâtonner, mais de procéder avec la précision d'un métronome. Il faut donc pour ce faire des professionnels de la révolution.