L'Elue 111, Toussiane Raïchatou Ebou Badélé, à l'état civil, est une étoile montante de la musique burkinabè. Nombre d'acteurs du showbiz ne tarissent pas d'éloges sur son talent. Elle dispose d'atouts pour se construire une belle carrière musicale au plan national et international. Pour mieux découvrir la jeune artiste à la voix mélodieuse et qui « déménage » sur scènes, Sidwaya l'a rencontrée. Son histoire avec la musique, ses rêves et les réalités du showbiz, son vécu, ses ambitions...lisez plutôt !
Une voix mélodieuse, conquérante, une présence scénique captivante... du talent, du potentiel artistique, musical. « Son timbre vocal et ses nuances dans la manière de développer son chant sont ses atouts artistiques majeurs », dit d'elle l'artiste Amity Méria. L'Elue 111, Toussiane Raïchatou Ebou Badélé à l'état civil, est une valeur montante de la musique burkinabè. Son dernier single clipé, « on s'en fou de ça », sorti le 6 octobre 2023, se joue en boucle sur les chaines de télé et radio de la place.
A peine arrivée sur la scène musicale, la jeune artiste de 26 ans se fraie déjà un chemin, commence à se faire un nom. Un an après la sortie de son premier album de 10 titres, « Visage », en octobre 2022 à Koudougou, sa ville natale, la scène semble l'avoir déjà adoptée. Au-delà des prestations au niveau national, dans les villes comme Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Koudougou, Tenkodogo, Manga, l'Elue 111 s'est déjà produite sur des scènes de la sous-région, dans des capitales comme Accra, Bamako, Abidjan, offrant du spectacle bien enlevé et bien apprécié des mélomanes.
Dans son premier opus, avec des titres comme « à moitié pardonné », « Teegue wendé », « Y a rien dedans », « Faut pas t'amuser », « mon amour pour toi », elle chante, en Mooré et en Français, l'amour, la foi en Dieu, le pardon, etc. « On ne peut rien faire sans amour. Avec mon éducation religieuse, chanter la foi en Dieu est pour moi, un devoir de rappeler que ces valeurs religieuses sont la base de tout », confie-t-elle.
Le choix de « Visage » comme nom de son premier album n'est pas fortuit, pour l'artiste en début de carrière. « Visage, parce que je ne suis pas encore un artiste à style particulier qui fait exclusivement du coupé décalé, du reggae, du tradi-moderne. Visage pour montrer mes différents goûts musicaux, facettes, couleurs de mon album. J'ai des difficultés à m'identifier à un style, un genre particulier. Je ne sais pas si cela est dû au fait que j'ai beaucoup fait dans l'interprétation », fait-elle savoir ; bien qu'elle se sente très à l'aise dans les chansons à voix, c'est-à-dire piano-voix, guitare-voix.
Son nom d'artiste, « L'Elue 111 », vient de sa date de naissance. Née le 1er jour (1) du onzième (11) mois de l'année, elle se définit comme une élue de Dieu en ce jour. « Dieu m'a élue le 1er novembre pour une mission précise. Pour moi, nous sommes tous élus pour une mission ici-bas », se convainc-t-elle.
Demi-finaliste à Faso Academy 2017
Son histoire avec le chant et la danse remonte à sa tendre enfance. Elle s'y adonnait depuis l'école primaire, l'église, l'internat au lycée. « Depuis l'âge de 7 ans, je chantais. Un jour, à la chorale des enfants CV-AV, Constant Zongo a remarqué mon timbre vocal et a décidé de travailler avec moi. Depuis lors, je participais à ses prestations à l'église », se remémore-t-elle. En 2017, le baccalauréat en poche, la fille de Koudougou décide de mettre à l'épreuve son talent artistique. Elle s'inscrit au concours musical « Faso Academy » de la Radiodiffusion télévision du Burkina (RTB) et parvient à se hisser en demi-finale, où elle quitte la compétition, mais sans démériter.
A l'issue de cette révélation, avec les encouragements de ses amis et camardes étudiants de l'ISPP, elle décide d'entrer en studio en 2018 pour son premier single, « tu es parti ». « Cela a surpris tout le monde, y compris moi-même. Les parents savaient déjà ma passion pour la chanson. Mais pour eux, ce n'était pas pour en faire mon métier. J'ai réalisé mon single sans les informer », confie-t-elle. Ses parents, dit-elle, ne sont pas du genre à lui imposer leur vision des choses, ils cherchent plutôt à la raisonner, à l'orienter. Quand son père s'en est rendu compte, son message a été clair : « je ne suis pas contre que tu fasses la musique, mais si c'est pour abandonner l'école au profit d'une carrière musicale, enlève cela de ta tête ! ».
Une mise en garde parentale bien comprise. Puisque l'artiste, titulaire d'une licence en communication/marketing, poursuit ses études en master management des projets, conciliant ainsi études et musique. Quant à sa mère, elle avait sa préoccupation à elle : veiller à ce que la musique ne fasse pas dévier sa fille des valeurs dans lesquelles elle a été éduquée. « Ma mère était plutôt préoccupée par les valeurs, mon comportement. Elle est très regardante sur mon habillement. Elle ne veut pas me voir dans des tenues sexy, dégradantes ou dévalorisantes. En dehors de cela, je peux dire qu'elle est mon manager, elle est toujours présente à mes spectacles », rigole-t-elle. Aux parents, L'Elue 111 les invite à ne pas imposer des choix de métier ou de carrière à leurs progénitures ; il faudrait plutôt respecter leur choix, tout en les canalisant, préconise celle qui rêvait d'être journaliste télé.
Les coups durs du milieu du showbiz
« Depuis toute petite, en faisant les concerts, j'avais déjà le goût du public, l'envie d'être au-devant de la scène. Surtout, en voyant maman Vanessa Touré à la télé, toute super belle, je rêvais d'être comme elle. En plus, les gens trouvent que je parle beaucoup, même si paradoxalement certains me trouvent timide. Ils me taquinaient en me disant que je ferais bien d'être journaliste », relate-t-elle. Ce rêve d'être femme de médias, confie-t-elle, n'est pas encore totalement éteinte, bien qu'elle se soit déjà rendu compte qu'être journaliste ou artiste sous nos tropiques n'est pas chose aisée !
Dans ce milieu difficile du showbiz où l'on boxe souvent en dessous de la ceinture, ce ne sont pas les coups fourrés qui manquent. De sa petite carrière d'artiste débutant, elle en a déjà eu pour son compte. « Des coups, j'en ai déjà énormément reçus. Des cachets promis jamais reçus, l'hypocrisie des gens, etc. Mais, il faudrait apprendre à en donner souvent pour ne pas se faire marcher dessus à tout moment », rigole-t-elle. Par moment, l'envie de tout abandonner, de mettre fin à sa jeune carrière musicale lui traverse la tête. Elle se demande comment les ainés ont su se tirer d'affaires pour être là où ils sont arrivés aujourd'hui !
Mais en fille battante, elle rêve, en dépit des adversités, de se bâtir une carrière au plan national voire international. Car, malgré tout, il y a des lueurs d'espoir. « Pour être honnête, il y a aussi des motifs de satisfaction, de quoi être fier. Certes, ce n'est pas simple mais l'espoir est permis », affirme-t-elle. En plus, elle n'a pas envie de décevoir tous ces mélomanes qui croient en elle. « Après chaque scène, surtout mon concert à Koudougou, où j'ai fait le plein du Théâtre de l'amitié, je me pose tas de questions. Faut-il décevoir tout ce monde ?
Non, il faut continuer », se convainc l'élue du 1er novembre. Déjà, elle rêve de remplir le stade municipal de Ouagadougou, voire le stade du 4-Août. Pour atteindre le succès souhaité, elle ne dort pas sur ses qualités artistiques. Au quotidien, elle bosse avec acharnement, va à l'apprentissage du métier ! Elle ne peut passer une journée sans suivre des formations en techniques vocales sur les réseaux sociaux, YouTube, fait-elle savoir, convaincue que derrière les prédispositions naturelles, il y a des efforts personnels à fournir permanemment pour bonifier, optimiser son potentiel. « Les cordes vocales sont des muscles, quand on ne les travaille pas, elles meurent. Quand on aime, on ne peut s'en passer », argue-t-elle. Sur le plan instrumental, en plus du Djembé qu'elle maitrise, elle s'essaie à la guitare.
Des atouts pour une carrière internationale
Son talent, nombre d'acteurs du showbiz le lui reconnaissent et soutiennent qu'elle a les ressources nécessaires pour se construire une belle carrière. « Elle a beaucoup de talent et sa musique est tendance. Je pense sincèrement qu'elle ira très loin. Je lui souhaite beaucoup de courage », laisse entendre la diva de la musique burkinabè, Amity Meria. Tout en insistant sur la nécessité pour la jeune artiste de se faire entourer d'une équipe professionnelle et dynamique pour réussir sa communication, la gestion de sa carrière.
Pour le jeune artiste-musicien burkinabè, Young Ced, en sus de sa « très belle voix », l'Elue 111 sait se laisser aller sur scène, emporter son public tout au long de son spectacle. « Les thématiques qu'elle aborde sont d'actualité et ses sons ont toujours été de qualité. Elle a les qualités pour représenter le Burkina Faso hors de nos frontières. Elle est en pleine ascension, elle mérite une très grande carrière », ajoute-t-il.
La reine du slam burkinabè, Malika la Slamazone, connait bien L'Elue 111 pour l'avoir eue à ses côtés comme choriste. Elle ne tarit pas d'éloges pour son ancienne collaboratrice. « L'Elue 111 était une très bonne choriste. J'en ai eu plusieurs, mais elle est celle qui a le plus duré à mes côtés, car je l'appréciais énormément, pour ce qu'elle dégage sur scène, mais aussi pour sa capacité à s'adapter à tous les milieux, surtout à retenir mes textes. Elle était mon pilier sur le live. Comme tout artiste, il m'arrive souvent, sur scène, d'oublier mes textes ; lorsque je me tourne vers elle, nous nous comprenons ! Franchement, elle était mon repère sur scène », relate la Slmazone. La maitrise de la scène live fait partie des atouts de L'Elue 111. Le fait d'avoir commencé comme choriste fait d'elle une artiste tout terrain qui s'adapte à toutes les situations, à tous les genres musicaux ; elle maitrise toutes les gammes, tous les rouages, les rythmes, précise Malika la Slamazone, qui conclut que ce n'est pas surprenant, qu'à son début de carrière, la mayonnaise commence à bien prendre !
Au-delà de ses qualités artistiques, la jeune originaire de Dassa, dans la province du Sanguié, séduit également par son humilité, son attachement à des valeurs. La tête sur les épaules, toujours à l'écoute des autres, sans se laisser perturber par son succès montant. « Elle a toujours eu la main sur le coeur ; elle aide franchement », dit d'elle Young Ced.
« Une fille très bien éduquée »
Pour Malika la Slamazone, le talent seul ne suffit pas pour garantir le succès ; le comportement compte pour beaucoup dans la construction de la carrière de l'artiste. Et sur ce plan, l'Elue 111, qu'elle qualifie de décomplexée, très respectueuse et de très bien éduquée, a un comportement exemplaire.
« Tout le mal que je lui souhaite est qu'elle puisse faire mieux que moi, s'imposer sur la scène internationale, surtout qu'elle puisse contribuer à redorer l'image de la femme artiste qui souffre d'énormes préjugés », lâche-t-elle. Le talent de la jeune artiste lui a valu le trophée de la révélation de l'année lors des 12 PCA (Personnalités culturelles de l'année), le 5 janvier 2024, à Ouagadougou. La dignité, le pardon, la foi sont des valeurs qui sont chères à la jeune artiste ; elle ne cautionne pas le mépris d'autrui. « Je ne vois aucune raison qui puisse pousser l'être humain à être hautain vis-à-vis de son semblable », affirme l'artiste-musicienne.
Elle déplore le regard négatif que les gens portent mécaniquement sur les artistes, surtout la femme artiste. Pour elle, de brebis galeuses, on en dénombre dans toutes les strates de la société. « Chacun y vient avec ses valeurs, son comportement, son éducation. Ce n'est pas seulement dans la musique, dans tous les corps de métier, au marché comme dans les services, il y a des tares, des dérives, des gens aux moeurs légères. Je suis contre le fait qu'on ternisse l'image des femmes qui sont dans ce métier », s'offusque-t-elle.
Sur les maux qui minent la culture burkinabè, L'Elue 111 y voit le fait que ce secteur ne soit pas encore perçu comme une industrie rentable où il faut investir. « Il faut sensibiliser les gens à investir dans la culture, comme ils iraient investir à Dubaï, suggère-t-elle ; car, il y a du business à faire, peut-être qu'ils ne le savent pas ». L'absence d'une culture de mécénat, doublée d'un manque de solidarité véritable, constitue un autre frein au développement de la filière musique au pays des Hommes intègres. « Promouvoir la musique burkinabè n'est pas une question de compétitions entre artistes au plan national, interne, il faut qu'on en sorte », suggère-t-elle.
Face à la crise sécuritaire qui secoue son pays et qui impacte négativement la quasi-totalité des secteurs de développement, y compris celui de la culture, le souhait de l'Elue 111 est de voir le Burkina Faso recouvrer la paix et l'intégrité de son territoire. « Quand les gens meurent, il est difficile d'être en joie à travers des spectacles ; quand tu montes sur scène, la situation sécuritaire te revient à la face », fait savoir l'artiste qui garde un douloureux souvenir de l'attaque de son village, Dassa, la veille de son grand concert à Koudougou. Mais malgré cette adversité, le Burkina Faso doit rester debout ; et les expressions culturelles participent à la résilience du peuple burkinabè, conclut-elle.
Si la ravissante et talentueuse jeune musicienne, qui raffole d'attiéké au poisson thon, n'est pas mariée, elle n'est pas non plus un coeur à prendre !