Burkina Faso: Populations déplacées de Bango - L'aide humanitaire écorche le vivre-ensemble

Dans la nuit du 21 au 22 mai 2023, les populations du village de Bango, situé dans la commune de Thiou, à environ quinze kilomètres de Ouahigouya, ont été déplacées à Ouahigouya pour raisons de sécurité. Elles sont installées de part et d'autre dans les périphéries de la ville, dans les quartiers non lotis que sont Gourga, Gondologo et Goinré. Le statut de déplacé serait un motif qui menacerait l'entente et le vivre-ensemble entre ces personnes du même village. Le manque de communication entre le chef de Bango, Yacouba Ouédraogo, le vice-président du Comité villageois de développement (CVD), Ali Ganamé et l'ex-conseiller municipal, Souleymane Diallo seraient à l'origine. Comment cela est-il arrivé ? Explication.

Cela fait plus de 7 mois que le chef du village de Bango, Yacouba Ouédraogo, a trouvé refuge dans la concession de son cousin dans le quartier non loti de Goinré, au secteur 14 de Ouahigouya. Après s'être inscrit sur la liste des personnes déplacées internes de la commune de Thiou, il n'a plus eu des nouvelles de ses collaborateurs directs que sont le vice-président du Comité villageois de développement (CVD), Ali Ganamé et l'ex-conseiller, Souleymane Diallo. « Je me sens abandonné.

J'ai ouï dire que mes populations reçoivent des dons et que ce sont mes deux collaborateurs qui sont toujours au-devant des choses », confie-t-il. En effet, après son inscription, le chef dit avoir reçu du Conseil national de secours d'urgence et de réhabilitation (CONASUR), un don constitué de trois nattes, deux marmites, trois moustiquaires, trois couvertures et de plats. Ensuite, il aurait reçu une deuxième dotation composée de riz, de mil, d'huile et de savon.

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« Ces informations, je les ai entendues de bouche à oreille, car je n'ai pas reçu officiellement l'information. Après cela, j'ai aussi appris sans être informé que des cartes contenant de l'argent, dont les sommes varient entre 12 500 à 47 000 FCFA, ont été remises à des déplacés de Bango par des ONG pour s'acheter des vivres. En outre, il y a eu l'inscription pour la dotation d'une trentaine de tentes qui ont été réceptionnées et qui sont en voie de distribution. Ce qui est choquant, c'est qu'elles seront distribuées dans les autres quartiers, excepté le mien.

Le village compte douze quartiers. Ce qui provoque la grogne au sein d'une frange de la jeunesse», fulmine-t-il. « Pourtant, avec mon statut de chef et bien que sexagénaire, je dors toujours sous une tente fabriquée à l'aide de tiges de bois recouverte d'une bâche déchirée dans ce temps de froid. Jamais, aucun de mes deux collaborateurs n'est venu en personne me donner l'information.

Je n'arrive pas à comprendre leur attitude », explique, le chef de Bango. A l'entendre, depuis qu'ils se sont retrouvés à Ouahigouya par la force des choses, aucun d'eux n'est venu prendre de ses nouvelles à plus forte raison lui dire quoi que ce soit. « Ce comportement n'est pas bon pour notre vivre-ensemble », ajoute-t-il. Selon lui, en tant que premier responsable du village, même s'ils sont en situation irrégulière, il doit être informé pour chaque action à l'endroit des déplacés de Bango. Celui-ci accuse Ali Ganamé et Souleymane Diallo de se partager les dons et de les distribuer à leurs parents et connaissances sans songer à son quartier et lui.

Un malentendu dissipé

« J'étais toujours informé de tout ce qui se passait dans mon village, mais depuis que nous sommes venus ici, j'ai l'impression que c'est chacun pour soi. Ce qui pourrait mettre à mal notre vivre-ensemble », déplore-t-il.

Le vice-président CVD reconnait les faits qui lui sont reprochés. « Effectivement, le chef n'est plus informé, ni consulté pour quoi que ce soit. Je reconnais qu'il y a un vrai problème de communication. Le véritable handicap est le fait que chacun vit loin de l'autre. Aussi, je ne suis pas directement contacté pour les dons. Je ne fais qu'apprendre les informations comme tous les autres. C'est l'ex-conseiller qui est contacté toujours pour ces actions », clarifie Ali Ganamé.

Reconnaissant son tort, il a présenté ses excuses au chef et s'engage désormais à se comporter comme auparavant lorsqu'ils étaient à Bango. « Au contraire, notre situation actuelle devrait renforcer notre vivre-ensemble au lieu de le menacer », estime-t-il. L'ex-conseiller du village, Souleymane Diallo, lui, s'étonne que le chef du village était en colère contre lui à cause de son comportement.

« J'avoue que je ne savais pas que j'avais offensé le chef. J'ai été contacté à plusieurs reprises pour informer les bénéficiaires des dons. Et toutes les fois, j'ai toujours informé M. Ganamé. Je croyais fermement que monsieur Aly Ganamé relayait l'information au chef, compte tenu du fait qu'ils vivent dans le même quartier. J'habite Gourga et la distance fait que je ne peux pas me déplacer à tout moment chez le chef pour l'informer », soutient-il.

En dehors des dons de la CONASUR que tout le monde a reçus à leur arrivée à Ouahigouya, M. Diallo rassure le chef qu'il n'a jamais détourné de don à des fins personnelles. « Cela n'est même pas possible. Je ne suis qu'un intermédiaire à cause de mon statut d'ancien conseiller. Je n'ai jamais reçu de tentes à plus forte raison les partager à mes connaissances », rassure M. Diallo. La confrontation entre ces trois « protagonistes » a permis de dissiper le malentendu et désormais, chacun s'engage à jouer pleinement son rôle et à toujours agir pour le vivre-ensemble entre eux.

« Nous allons bientôt repartir à Bango et il ne faudrait pas que cette situation entache notre cohésion sociale à notre retour après la crise sécuritaire », déclare l'ex-conseiller. Le chef, pour sa part, n'attendait que cela. Il a accepté les excuses de chacun et tous ont enterré la hache de guerre pour ne laisser régner que l'entente et la communication sur toute action entreprise à l'endroit des populations de Bango.

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