Burkina Faso: Accès à l'eau et l'assainissement dans les Cascades - La croix et la bannière pour se procurer le liquide précieux par endroit

10 Janvier 2024

La région des Cascades est l'une des régions les mieux arrosées du Burkina Faso, avec une pluviométrie moyenne qui varie entre 800 et 1 200 mm d'eau selon les chiffres de la météo. Malgré cette bonne pluviométrie, la région a un faible taux d'accès à l'eau potable et à l'assainissement. Les dernières statistiques (2018) du Programme d'approvisionnement en eau et d'assainissement (PAEA) enregistrent un taux d'accès de 59,3% à l'eau potable et seulement 11,2% à l'assainissement. Conséquences, les populations de certaines localités vivent la croix et la bannière pour se procurer le liquide précieux.

Son bébé d'à peine un an au dos, à pas de course, sous un soleil (16 heures), poussant une charrette remplie de huit bidons de 20 litres, Alimata Sombié (nom d'emprunt), habitante du quartier Kossara de Banfora, accourt à l'une des trois bornes fontaines de son secteur pour se ravitailler en eau potable, ce lundi 20 novembre 2023. « Habituellement, c'est mon fils qui va chercher l'eau pour moi. Mais avec la rentrée des classes, si je dois attendre leur sortie à 17 heures, nous avons la chance de passer la nuit d'aujourd'hui sans eau, parce que dans une heure, le robinet sera à sec », laisse-t-elle entendre à la question de savoir pourquoi cette corvée avec le bambin sous ce soleil.

Les trois bornes fontaines de l'Office national de l'eau et de l'assainissement (ONEA), poursuit-elle sous anonymat (ndlr, elle estime ne pas être la personne la mieux indiquée (un homme) pour discuter de ce problème), n'arrivent pas à couvrir les besoins en eau du quartier, surtout avec les coupures « intempestives ». Dans ce quartier situé sur une colline, à moins de cinq kilomètres du centre-ville de la cité du Paysan noir, l'eau coule dans les robinets à des heures précises.

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Gérante d'une des trois points de vente de l'or bleu, Yanahanmi Souratié, maitrise les horaires depuis cinq ans qu'elle est à cette tâche. « L'eau vient entre 3 heures ou 4 heures du matin jusqu'à 7 heures ou 8 heures avant de couper. Les jours où nous avons la chance, nous pouvons ravitailler nos clients jusqu'à 10 heures. Après ces heures, il faut attendre aux environs 16 heures pour espérer en avoir, et ça, juste pour une heure », détaille-t-elle, non sans évoquer le faible débit.

Pour Bibata Sirima, co-gérante de la 2e borne fontaine de Kossara, il s'agit d'une « lourde responsabilité » qui pèse sur ses épaules. « Chaque jour, je suis seule ici avec ma petite torche à 4 heures du matin pour remplir les barriques et les bidons que les femmes ont déposés pour espérer avoir de quoi étancher leur soif au réveil. Contente ou pas, tu vas écourter ton sommeil pour venir les satisfaire », narre-t-elle.

Des corvées interminables

La corvée d'eau, témoigne Massièdolmi Soulama, gérante de l'une des bornes fontaines de Kossara, est un véritable calvaire pour les femmes dans ce quartier. Les multiples démarches pour améliorer la situation et mettre fin à leurs souffrances, dit-elle, sont restées vaines. « Nous n'arrivons pas à comprendre qu'à moins de 5 kilomètres de la ville nous puissions a voir autant de soucis d'approvisionnement en eau potable depuis des années. Plusieurs fois, nous avons interpellé les responsables de l'ONEA sans suite », raconte-elle, toute dépitée.

Si la situation géographique de cette bourgade de la capitale de la région des Cascades est visiblement la raison des difficultés d'approvisionnement en eau potable, le cas du quartier Tatana, au secteur 15 de la ville où une bonne partie n'est pas desservie par l'ONEA, ne s'explique pas, selon les populations. « Je n'arrive pas à comprendre qu'une zone lotie depuis 2011, soit bientôt 13 ans ne soit pas raccordée à l'ONEA », se désole Mamoudou Traoré, enseignant de formation et homme de média habitant à Tatana.

C'est avec toutes les peines, dit-il, comme la plupart des habitants du quartier, qu'il s'est approvisionné en eau pour bâtir sa demeure. « Nous nous sommes saignés pour avoir un toit. Depuis que nous y sommes installés, les femmes et les enfants, souvent les hommes, se mettent à la tâche pour la corvée d'eau », soutient M. Traoré. « Nous souffrons énormément pour avoir l'eau potable ici, à Tatana.

Il n'y a qu'un seul forage qui ravitaille la zone. Le jour où il y a un délestage de la Société nationale de l'électricité (SONABEL), nous sommes sans eau comme avant-hier de 7 h à 21 h (ndlr samedi 18 novembre 2023) et sans courant », renchérit Ramatou Sagnon, une autre habitante du quartier.

Le bout du tunnel en 2025

Ces difficultés de disponibiliser l'eau, s'explique par le fait que la ville de Banfora est à la limite de sa production, selon le Directeur régional de l'Ouest de l'ONEA (DRO/ONEA), Jean Ouédraogo. La DRO/ONEA, fait savoir M. Ouédraogo, couvre onze villes des régions de la Boucle du Mouhoun, des Hauts-Bassins, du Sud-Ouest et des Cascades. Il s'agit des villes de Bobo-Dioulasso, Houndé, Dano, Diébougou, Gaoua, Batié, Solenzo, Orodara, Bérégadougou, Banfora, Niangoloko et Sindou.

La situation de Kossara, dit-il, se justifie par le fait que la nationale de l'eau n'a pas les capacités d'étendre son réseau dans ce quartier situé en hauteur. Avec les festivités du 11-Décembre 2020 à Banfora, Mamoudou Traoré nourrissait l'espoir de voir son quartier arrosé par l'ONEA. Mais, cet espoir s'est éteint au fil du temps que la date de la fête s'approchait. « On était confiant que l'ONEA allait songer à nous. Mais rien ! », fait-il savoir avec un sentiment de désolation.

Cet espoir est ressuscité par le directeur régional de l'Ouest de l'ONEA, Jean Ouédraogo, qui annonce de grands chantiers en cours pour améliorer l'approvisionnement en eau potable et soulager les populations des localités ravitaillées par ses services. « Il y a un projet en cours qui permettra d'augmenter la capacité de production et aussi étendre le réseau dans la ville de Banfora. Nous allons aussi créer la desserte en eau à Bérégadougou et à Niangoloko à partir de la production de Banfora », informe Jean Ouédraogo. Pour cela, poursuit le DRO, la population doit prendre son mal en patience jusqu'en 2025 pour la fin des travaux de ces projets.

L'échec de forage élevé en milieu rural

Malgré que la région soit l'une des mieux arrosées du pays, le milieu rural, n'est pas aussi mieux nanti en matière d'approvisionnement en eau potable. Selon les indicateurs au 31 décembre 2022 de la direction régionale de l'eau et de l'assainissement des Cascades, le taux d'accès à l'eau potable en milieu rural était estimé à 68,1%. « Ce taux n'est pas satisfaisant, mais il n'est pas non plus alarmant », soutient la directrice régionale de l'Eau et de l'Assainissement des Cascades, Alizatou Dabiré. Les difficultés d'approvisionne- ment en eau potable sont liées à la qualité du sol de certaines localités, aux dires de la directrice régionale.

Les sédiments et les socles de certaines zones de la région, fait-elle savoir, sont les facteurs qui expliquent ces difficultés d'approvisionnement. Les zones comme Banfora, Sidéradougou, Mangodara, Tiéfora, énumère Alizatou Dabiré, sont des zones où l'échec de forage est élevé parce que situées dans des terrains cristallins. Outre la difficulté liée à la nature du sol, l'insécurité ne permet pas aux services techniques d'accéder à certaines localités à fort défi sécuritaire, regrette la directrice régionale.

« Le besoin d'eau se fait sentir dans ces zones d'insécurité mais au regard du risque, nous ne pouvons pas y aller pour soulager les populations. Ce qui fait que nous nous contentons des zones accessibles, même si dans ces localités le problème d'eau ne se pose plus », indique-t-elle. Mme Dabiré souhaite ainsi que la situation puisse s'améliorer et leur permettre de résoudre cette question d'eau potable dans ces zones sous menaces terroristes.

La baisse du budget du ministère en charge de l'eau du fait des priorités du moment et la faible présence des partenaires techniques et financiers sont aussi des raisons qui expliquent ce faible taux d'accès à l'eau potable en milieu rural dans la région des Cascades, foi de la directrice. « La région est victime du fait qu'elle soit la mieux arrosée. Pour cela, les partenaires se dirigent vers les régions les moins arrosées », fait savoir Mme Dabiré. Les nombreuses pannes des ouvrages déjà réalisés sont l'autre pan qui explique les déboires d'approvisionnement en eau potable dans le monde rural de la région, ajoute-t-elle.

Maitres d'ouvrages dans la réalisation de ces infrastructures d'approvisionnement en eau potable, les communes, selon la conviction de Alizatou Dabiré, ne s'impliquent pas assez dans la gestion et l'entretien des ouvrages. « Les communes, à mon avis, ne s'investissent pas suffisamment dans cette question d'appro-visionnement en eau potable et d'assainissement. Si chaque année, elles prévoyaient dans leurs budgets la réalisation de quelques ouvrages, la situation allait être meilleure », se convainc-t-elle.

Fin de la défécation à l'air libre dans deux villages

Tout comme l'approvisionnement en eau potable, la situation de l'assainissement n'est pas aussi reluisante dans les Cascades. Avec un taux d'assainissement d'à peu plus de 26%, contre un taux national d'environ 22%, la région des Cascades, selon la directrice régionale de l'Eau et de l'Assainissement, est classée 5e sur les 13 régions. « La question d'assainissement est un peu satisfaisante même s'il faut reconnaitre qu'il y a des efforts à fournir », soutient Alizatou Dabiré.

Les résultats de l'enquête nationale de l'assainissement, précise-t-elle, affichaient en 2018 un taux d'accès de 0,5% aux ouvrages d'assainissement dans la région, contre un taux de 26,2% aujourd'hui. Bien que qualitatif, selon elle, ce bon est loin des Objectifs du développement durable (ODD) d'ici à 2030. « Nous ne sommes vraiment pas satisfaits parce que nous sommes loin des ODD qui visent un accès universel et équitable à l'eau, à l'hygiène et à l'assainissement d'ici à 2030 », fait remarquer la directrice régionale en charge des questions d'assainissement dans les Cascades.

Pour atteindre ces objectifs, la direction, dit Alizatou Dabiré, est dans une approche de l'assainissement total piloté par les communautés. « Cette approche consiste à amener la population à comprendre l'utilité des latrines. Et si l'on parvient à ancrer l'usage des latrines dans les habitudes des populations, en construire ne sera plus une difficulté pour un citoyen lambda parce qu'il aurait compris les biens-faits de ces latrines », se rassure la directrice régionale. Cette approche, conclut-elle, a permis de déclarer la fin de la défécation à l'air libre dans deux villages de la région : Bombora et Tiontionmana.

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