Madagascar: « Les parlementaires au front, les négociants aux affaires »

Après l'occupation du Nord et du Nord-est français durant la Grande guerre, qui entraîne la diminution sensible du cheptel national au moment où augmentent les besoins, l'importation en France de zébus malgaches sur pied est envisagée. Les cent mille têtes disponibles chaque année, deviennent un précieux appoint pour la consommation, tant de la population civile que des armées.

« On savait que l'ile, pour une population restreinte de trois millions d'habitants, disposait d'un troupeau évalué à quelque cinq à six millions de têtes, la plus forte proportion du monde » (M. Gontard). Se pose alors, avec acuité, le problème de leur préparation au voyage (bon état, alimentation...) et de leur transport (aménagement de box sur le navire, durée du voyage, bruit, odeur...). Finalement, il est décidé d'embarquer sur le vapeur cinquante zébus et ce, sur l'insistance du gouverneur général Garbit.

Les décisions contradictoires des pouvoirs publics dans cette affaire, la recherche de cent mille boeufs... pour aboutir à l'envoi de cinquante, les aménagements successifs du vapeur « Loire » qui les embarque, ne contribuent pas à fortifier le prestige de l'Administration locale, plus encore celle de la Métropole d'où viennent les ordres.

Dans les années qui suivent 1915, chaque fois qu'à Paris les autorités gouvernementales ou parlementaires se préoccupent du bétail malgache, l'aventure du « Loire » ne manque pas d'être exploitée. On s'empresse de « supplier le gouverneur de s'abstenir d'initiatives du genre de celle qui a sombré dans le ridicule ».

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Quand en 1916, le ministre Méline, chargé de l'Agriculture dans le gouvernement Briand, remet à l'étude la question de la viande et envisage de recourir au bétail malgache, un article paraît dans la Tribune de Madagascar du 8 mars. Sous la signature de « Pierre d'Ilafy », le journaliste écrit en substance : « C'est assez de commissions, de discussions, de diners au zébu... Les parlementaires au front et les négociants aux affaires. »

Le 6 novembre 1917, la Chambre vote une résolution qui invite le gouvernement à recourir « d'urgence » aux moyens qui permettent à la population française de « bénéficier » du cheptel bovin de Madagascar. Échaudé, le GG Garbit redoute « une évaluation intempestive des possibilités malgaches et une décision malencontreuse ». Aussi, câble-t-il à Paris : « Je ne saurais trop attirer votre attention sur la faible importance des disponibilités de Madagascar. D'une façon générale, et principalement, avec la lenteur et la rareté des transports résultant de l'état actuel des communications, aucun envoi de bétail sur pied ne peut être envisagé. » Il cite l'exemple du transport par le vapeur le Loire en 1915 qui, selon lui, témoigne que l'exportation du bétail ne peut se faire que sous forme frigorifiée ou de conserves.

Évidemment, le député de La Réunion, Gasparin, dont le rapport a déjà été à l'origine de l'exportation de 1915, ne veut pas perdre la face. Déjà, dans un article paru le 28 septembre, il expose qu'il a eu raison de soutenir « que les boeufs supporteraient parfaitement le voyage puisque ceux-ci arrivent en bon état à Marseille ».

Pourtant, sa réputation ne sort pas grandie de l'aventure. Il est envisagé, en 1918, la possibilité de sa visite dans la Grande île, avec la Commission du cheptel dont il est membre. Aussitôt, le journal « Action de Madagascar » parle de la brillante « réception à la tomate que l'on ne manquerait pas d'organiser pour accueillir, s'il se présente, l'ineffable Gasparin ».

En tout cas, l'industrie de la congélation et de la conserverie commence à connaître un grand essor car, en 1912, les règlements sanitaires français autorisent l'importation de viandes frigorifiées et des sociétés s'orientent vers cette activité. Entre autres, la Compagnie générale frigorifique à Boanamary (près de Mahajanga), la Société des conserves alimentaires de la montagne d'Ambre (à 5 km d'Antsiranana), La Rochefortaise de produits alimentaires à Toamasina. Ces entreprises s'entendent avec la Havraise Péninsulaire pour transporter leurs produits, et la compagnie maritime installe des cales frigorifiques sur quatre de ses bateaux. Ce qui est peu, comparé aux navires anglais.

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