Sénégal: Six journalistes arrêtés suite à une plainte pour diffamation déposée par un ministre

communiqué de presse

La Fondation des Médias pour l'Afrique de l'Ouest (MFWA) condamne fermement l'arrestation de quatre journalistes du média en ligne Allô Sénégal et appelle les autorités sénégalaises à les libérer sans condition.

Le 11 novembre 2023, des agents de la Division des investigations criminelles (DIC) de la police sénégalaise ont arrêté six journalistes, à savoir le directeur Maniane Sène Lô, la présentatrice du journal télévisé Ndèye Astou Bâ, le chroniqueur Papa El Hadji Omar Yally, le caméraman Daouda Sow, le reporter Mamadou Lamine Dièye et le technicien Moussa Diop.

Les journalistes ont été appréhendés dans les locaux du média à Thiès (situé à 72 km à l'est de Dakar) et placés en détention pour diffamation, injures publiques et usurpation de fonction de journaliste. Ils ont également été accusés de provocation de crime de meurtre non suivi d'effet pour avoir affirmé, dans une vidéo diffusée en ligne, que l'adultère présumé d'un ministre d'État en vertu de la loi islamique devrait être puni de la peine de mort.

Ces arrestations font suite à une plainte du ministre sénégalais du tourisme, Mame Mbaye Kan Niang, au sujet d'une information diffusée par le média en ligne évoquant une prétendue liaison extraconjugale. Une vidéo virale aurait accusé M. Niang d'avoir enceinté deux soeurs. Au cours de l'émission, Yally, Bâ et Sow ont décrit les allégations d'adultère contre M. Niang comme ironiques, compte tenu des commentaires présumés du ministre sur l'accusation de viol controversée portée contre le politicien de l'opposition Ousmane Sonko.

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Selon le code pénal du Sénégal, les accusations d'usurpation de fonction d'un journaliste et de diffamation sont chacune passibles d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à deux ans. Le délit d'injure publique est puni d'une peine de deux mois. Une condamnation pour apologie du crime de meurtre peut entraîner une peine de trois ans d'emprisonnement, tandis que l'incitation au crime de meurtre est passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement.

En attendant leur procès, Ndèye Astou Bâ a été transférée à la prison pour femmes de Liberté 6, tandis que Papa El Hadji Omar Yally, Daouda Sow et Maniane Sène Lô ont été envoyés à la prison de Rebeuss, tous deux à Dakar. Mamadou Lamine Dièye et Moussa Diop, qui n'étaient pas à la rédaction lors de la diffusion de l'émission sur Niang, ont été inculpés d'usurpation de fonction de journaliste et remis en liberté sous contrôle judiciaire.

L'avocat de Niang, Me Ousmane Thiam, a exprimé son indignation en soulignant que son client, bien qu'innocent, faisait l'objet d'une campagne de diffamation visant à nuire à sa réputation et à celle de sa famille. Il a appelé à une application stricte de la loi pour sanctionner ces atteintes à l'honneur et à la considération des citoyens. Le 12 novembre 2023, Allô Sénégal a présenté ses excuses à M. Niang et a supprimé le reportage, invoquant le fait qu'il était inexact.

Bien que la MFWA regrette les commentaires inexacts faits sur M. Niang et leur effet désobligeant sur l'intégrité du ministre, nous exhortons le plaignant à abandonner les poursuites contre les journalistes, en particulier compte tenu des excuses et de la rétractation de l'organe de presse de l'accusé. Néanmoins, l'arrestation et la détention préventive des journalistes pour diffamation présumée sont une régression dans un pays démocratique. Nous demandons donc aux autorités sénégalaises de dépénaliser les délits de presse. La MFWA appelle également les médias sénégalais à observer les normes de professionnalisme les plus élevées, en particulier à l'approche des élections qui se tiendront dans quelques mois.

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