Tunisie: Vision de stratégie du secteur de l'eau « Eau 2050 » - Concilier rationalité économique et équité sociale

17 Janvier 2024

Le système hydrique tunisien, qui a relativement bien tenu jusque-là, pour un pays aride, sur une très longue période de soixante-six ans, est devenu « menacé d'obsolescence » faisant l'objet d'un réexamen approfondi, voire une révision totale.

Avec le temps, la prépondérance de plus en plus d'indicateurs sur les difficultés de résilience du système hydrique est apparue comme la conséquence de l'«attitude d'exploitation minière vis-à-vis de la ressource hydrique », considérée comme une «dotation de la nature», qu'il s'agirait juste de collecter pour l'utiliser.

Selon le rapport du ministère de l'Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, «l'eau n'a pas été suffisamment considérée comme un "Système vivant à l'origine de la vie", qui demande un suivi rigoureux des dynamiques évolutives et changeantes de son état, son potentiel, ses pathologies, ses limites et son besoin d'être constamment mis à niveau de renouvellement et de contribution raisonnée et rationalisée ».

Le droit à l'eau potable est universel

La Stratégie Eau 2050 s'articule autour de plusieurs axes, dont la concrétisation du droit de tous à une eau potable sécurisée et de qualité des ressources de l'Extrême-Nord-Ouest et en modernisant en profondeur les infrastructures et équipements. De même, le droit à l'eau potable est « universel » et doit se mesurer à l'aune de la satisfaction des besoins en eau potable des populations rurales, pour lesquelles il arrive souvent d'appartenir à des zones de « transferts sortants » alors qu'elles n'ont pas accès à l'eau. Ainsi, l'équité en matière de répartition en eau potable pour les populations rurales, où qu'elles se trouvent, constitue un pilier refondateur d'Eau 2050.

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La Stratégie Eau 2050 vise à concrétiser le droit de tous à une eau potable sécurisée et de qualité, en modernisant en profondeur les infrastructures et équipements.

Quantitativement, sur la base des travaux de modélisation conduits dans le cadre d'Eau 2050, le volume de production d'eau potable passera des 763 M m3 actuels (2020) vers un pic de 865 M m3 à l'horizon 2030, avant de revenir à 800 M m3 à l'horizon 2050 grâce essentiellement à la mise à niveau des réseaux. La répartition à terme de la ressource pour l'eau potable devrait être dans la combinaison suivante : 388 M m3 « Eaux du Nord » (soit 48,5% du total des besoins), 61 M m3 Béni Mtir et Kasseb, 231 M m3 à partir de sources locales souterraines, en passant par le dessalement d'eaux saumâtres, et 120 M m3 de dessalement d'eau de mer.

« La grande optimisation de la composante eau potable, en stabilisant son bilan à 800 millions de m3 à l'horizon 2050, sera le résultat d'une mise à niveau approfondie des infrastructures et particulièrement du réseau de distribution, avec une extension de 12.400 km et un renouvellement de 30.000 km. Il s'agira d'une rénovation totale dans une proportion de 73%, les 27% restants étant considérés en bon état parce que d'installation plus récente ».

L'étude montre, par ailleurs, que l'opération de grande envergure de modernisation du réseau Sonede, en tant que condition incontournable de l'optimisation hydrique, sera d'un coût global de 9.180 millions de dinars, soit une moyenne de 306 millions de dinars par an sur 30 ans.

Rationalisation du système hydrique et développement du territoire

Concernant le rapport de l'eau au développement des territoires, cela se trouve au coeur d'un paradoxe du modèle de développement, dont les déterminants continuent à poser les mêmes problèmes à la fois d'efficacité et d'équité. Les éléments constitutifs du paradoxe sont liés au fait que, d'une part, ce sont les régions du Nord-Ouest qui ont les meilleures terres et les plus grandes ressources en eau et qui sont les moins développées et, d'autre part, ce sont les régions du littoral, les plus pauvres en ressources, qui sont les plus développées avec, en tant que résultat de leur dynamisme, des besoins importants en ressources et en augmentation constante, le déficit étant alors comblé par le recours à des transferts d'Ouest en Est.

« Le résultat anthropique de cette dynamique, à caractère historique, étant un transfert démographique Est-Ouest, venant ainsi accroître davantage les besoins en ressources du littoral Nord-Est et Centre-Est et accentuer la pression sur les ressources de l'Ouest. Il s'en est alors suivi une inefficience globale, un sous-développement régional et une frustration sociale ». De ce qui précède, il ressort qu'en dehors des besoins en eau potable et leur priorisation à caractère national, tout autre transfert d'eau ne deviendrait ainsi envisageable que si cela engendre une efficience économique et une promotion sociale supérieures. Il s'agit, en effet, d'engager une « stratégie de rattrapage multidimensionnel d'aménagement du territoire et de développement régional et local, en faveur de l'Ouest et du Sud, tout en maintenant la modernisation et la promotion du «Corridor Bizerte-Sfax», en tant que composante structurante du modèle de développement tunisien dans son ensemble».

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