Abuja — De violents affrontements opposent Boko Haram et l'État islamique Province d'Afrique de l'Ouest (ISWAP) sur les rives du lac Tchad, à la frontière entre le Nigeria et le Cameroun.
Les combats ont éclaté le 15 janvier sur les îles de Kandahar et de Kaduna Ruwa, sur les rives du lac Tchad à Kukawa, près de la frontière nigériane avec le Cameroun, lorsque l'ISWAP a lancé un assaut contre le camp d'Abou Hurayra, chef de la faction Buduma de Boko Haram.
Les hommes de l'ISWAP sont arrivés à bord de sept canoës et ont engagé une bataille qui a duré environ une heure, causant la mort de dizaines de combattants des deux côtés.
L'ISWAP a subi les pertes les plus lourdes car, selon la presse nigériane, seuls deux des sept canoës sont rentrés à la base.
L'ISWAP est né en 2015, lorsque le chef de Boko Haram de l'époque, Abubakar Shekau, a prêté allégeance à l'État islamique et que Boko Haram a été rebaptisé ISWAP. Par la suite, des divisions au sommet sont apparues et Shekau a été évincé de la direction de l'organisation. Shekau prend la tête de sa propre faction, qui reprend le nom de Boko Haram et entre en conflit avec l'État islamique. En mai 2021, les combattants de l'ISWAP ont réussi à retrouver et à encercler Shekau, qui a préféré se suicider en activant son gilet explosif plutôt que de se rendre au groupe rival.
Toujours en 2021, la direction centrale de l'État islamique (en Syrie et en Irak) a proposé à l'ISWAP de créer quatre califats à Borno, dans le nord-est du Nigeria, pour superviser ses activités dans le bassin du lac Tchad et autour de celui-ci. Les califats proposés sont le lac Tchad, Sambisa (la forêt du Borno où les combattants de Boko Haram se cachent traditionnellement), Tombouctou (à ne pas confondre avec la ville malienne du même nom, il s'agit plutôt du surnom local de la forêt d'Alagarno) et Tumbuma, chacun administré par un gouverneur (wali). Ces quatre califats seraient réunis autour du califat du lac Tchad et administrés par un conseil de la choura (assemblée consultative) et un amirul jaish (chef militaire).
Le bassin du lac Tchad est ainsi devenu l'épicentre de l'action de l'ISWAP et des affrontements avec les rivaux de Boko Haram, impliquant non seulement le nord-est du Nigeria mais aussi la région septentrionale du Cameroun. Le 13 janvier, les évêques du Cameroun, à l'issue de leur 47e assemblée plénière, ont dénoncé les " actes horribles perpétrés par la secte Boko Haram dans la région de l'Extrême-Nord et ont exprimé leur profonde compassion pour les victimes ". La violence des groupes terroristes dans la région a déplacé au moins 320 000 Camerounais.