Comores: Victoire de Azali Assoumani sur fond de tension - Attention danger !

17 Janvier 2024
analyse

Les résultats provisoires du scrutin du 14 janvier, aux Comores, donnent le président sortant, Azali Assoumani, par ailleurs président en exercice de l'Union africaine (UA), vainqueur, avec 62,97% des voix. Mais comme il fallait s'y attendre, la colère des citoyens de plusieurs villes du pays, est montée d'un cran.

En effet, des contestataires des résultats ont incendié des véhicules, une mairie, une gendarmerie et brulé des pneus sur des voies publiques aux Comores. L'armée a été déployée à Moroni, la capitale où un dépôt de riz a aussi été pillé par les manifestants. Entre course-poursuite et gaz lacrymogène, c'est un triste spectacle que la journée du 17 janvier a offert aux habitants de Moroni.

Attention danger ! Car, ces manifestations spontanées pourraient conduire le pays dans le chaos. Surtout que la légitimité du président pourrait être remise en cause. Que vaut vraiment la légitimité d'un président élu avec un taux de participation de 16,30% ? Ce n'est pas pour rien que les cinq autres concurrents malheureux, contestent également les résultats du scrutin.

En vérité, la réaction des Comoriens est plus que légitime. Même si les observateurs s'accordent à dire que l'élection s'est relativement bien déroulée, il faut reconnaître que le scrutin a été pour le moins transparent, équitable et inclusif. En effet, en plus de l'invalidation de candidatures sérieuses, l'élection s'est déroulée en l'absence du grand rival de Azali, l'ex-président Ahmed Abdallah Sambi, condamné en novembre 2022 à la prison à vie au terme d'un procès dénoncé comme inéquitable, et de l'ancien vice-président, Mohamed Ali Soilihi, en exil à Paris.

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C'est pratiquement en roue libre que le locataire du palais Beit-Salam a abordé les élections face à des concurrents comme Salim Issa Abdillah, un médecin novice en politique, Aboudou Soefou, ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Abdallah Daoudou, ancien ministre de l'Intérieur, Mouigni Baraka Saïd Soihili, ancien gouverneur de la Grande Comore et Bourhane Hamidou, candidat indépendant qui ne sont pas connus pour être les poids les plus lourds de la faune politique de l'archipel de l'Océan indien. On est d'autant plus fondé à le croire qu'entre partisans du boycott et ceux qui sont contre la politique de la chaise vide, l'opposition, ou du moins ce qu'il en reste, est allée fortement divisée à cette élection.

Jusqu'où ira la contestation ?

Et en étant incapable, en amont, de s'entendre autour d'une candidature commune pour se donner plus de poids dans la compétition, on ne voyait pas comment elle pourrait barrer, dans les urnes, la route de ce troisième mandat décrié et aux antipodes des règles de l'alternance, à l'ex-colonel putschiste qui a réussi, entre-temps, à troquer le treillis contre le costume-cravate pour s'installer durablement à la tête de l'Etat. Et qui mène son pays d'une main de fer depuis son retour au pouvoir en 2016.

Toujours est-il qu'avec une Justice aux ordres, une opposition réduite à sa plus simple expression et une machine électorale de fraudes massives à portée de main, c'était un Azali Assoumani plus que confiant qui a misé sur le coup K.-O., et qui avait demandé à ses électeurs de se mobiliser pour l'élire « dès le premier tour ».

Ce qu'ils ont du reste fait. En tous les cas, au regard des moyens colossaux qu'il avait déployés pour sa campagne, comparativement à ses concurrents, et de l'inégalité d'accès aux médias, la compétition semblait d'autant plus jouée à l'avance que l'opposition elle-même s'accordait à reconnaître que le vote du dimanche était une élection taillée à la mesure du chef de l'Etat sortant.

Comment pouvait-il en être autrement quand on voit comment, à la faveur d'un référendum constitutionnel controversé, il s'était déjà ouvert le chemin tortueux d'un troisième mandat qui reste une première dans l'histoire politique des Comores, aucun de ses prédécesseurs n'ayant, avant lui, succombé à cette tentation ?

C'est donc, pour ainsi dire, un scrutin pour la forme que les Comoriens ont vécu le 14 janvier dernier et qui sera servi à la communauté internationale en vue de donner un vernis démocratique à une gouvernance qui jure pourtant par l'autoritarisme du locataire du palais présidentiel. Cela dit, jusqu'où ira la contestation ? Bien malin qui saurait répondre à cette question.

Avec cette victoire de Azali Assoumani pour un troisième mandat consécutif, ce sont des lendemains incertains qui s'annoncent pour les Comores

C'est dire si dans une organisation qui se respecte, un tel bourreau de la démocratie et des règles de l'alternance, n'aurait jamais mérité de diriger une prestigieuse institution comme l'UA ! Mais que celui de ses pairs qui n'a jamais songé un jour à ruser avec la démocratie, lui jette la première pierre !

En tout état de cause, avec cette victoire de Azali Assoumani pour un troisième mandat consécutif, ce sont des lendemains incertains qui s'annoncent pour les Comores avec des défis majeurs qui se conjuguent en termes de pauvreté, de chômage et de corruption.

En rappel, les Comores sont un pays d'Afrique australe composé d'un archipel de trois îles situées au Nord du Canal du Mozambique dans l'Océan indien. Ce sont l'île d'Anjouan, la Grande Comore et Mohéli. Sa capitale est Moroni. Avec une population qui tourne autour du million, le corps électoral est évalué en deçà de 400 000 électeurs.

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