Afrique: Présidentielle au Sénégal - A Mbour, les défis d'une région en forte croissance démographique

Le 25 février 2024, le Sénégal ira aux urnes pour choisir un nouveau président de la République. D'ici là, RFI sillonne le pays pour faire entendre la voix des Sénégalais, rendre compte de la campagne et voir comment cette élection se joue sur le terrain. Après Fatick, nous sommes à Mbour, devenu le troisième département le plus peuplé du Sénégal.

Le centre névralgique de la ville est ici, sur le quai de pêche de Mbour. Des milliers de pirogues débarquent des tonnes de poisson chaque jour, revendues ensuite sur le marché installé un peu plus loin, sur la plage...

La pêche occupe près de 58 000 personnes rien que dans le département, pour une production de 112 000 tonnes de produits halieutiques en 2021. Mbour est ainsi le deuxième port de pêche du pays.

« On a tous les diplômes qu'il faut, mais on ne peut pas trouver du travail »

Sous un parasol, Déthié Diop, un jeune mareyeur de 21 ans, tente de vendre ses daurades disposées en petits tas sur son étal. Il se lamente : l'activité est en déclin. Les bons jours, il a du mal à gagner plus de 20 000 francs CFA, soit 30 euros... Mais, parfois, il revient à la maison les poches vides : « Le travail, confie-t-il, ici, c'est très dur. Et moi aussi, je suis un soutien de famille. C'est moi qui achète le ravitaillement, les vêtements, les fournitures scolaires. » Il a tenté deux fois, sans succès, de rejoindre l'Espagne à bord d'une pirogue.

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Ici, presque tous les habitants ont un proche qui est parti vers l'Europe. Issa, 32 ans, a perdu sa mère et son petit frère décédés en mer en 2021. Pourtant, il est prêt à tenter le départ : « On a tous les diplômes qu'il faut, mais on ne peut pas trouver du travail. Même si on trouve du travail, on ne nous paye pas. Si on traverse, c'est pour avoir une vie meilleure. »

Le chômage est un enjeu particulièrement fort dans ce département en pleine croissance démographique, avec 937 000 habitants en 2023 contre 787 000 en 2019. La question se pose surtout pour les jeunes alors que le tourisme, l'autre pilier de l'économie de Mbour, doit faire face à des difficultés. Célèbre pour ses stations balnéaires de Saly, Pointe Sarène, la Somone ou Joal, la petite côte a connu une baisse de fréquentation en 2020 à cause de la crise liée au Covid 19.

Enrayer les départs de migrants

À la tête d'une association d'aide aux migrants de retour, Mustapha Fall travaille à leur réintégration économique à Mbour. Il interpelle l'État. « S'ils vivaient véritablement de leur métier de pêcheurs, explique-t-il, ils seraient restés ici, à côté de leurs familles. Parallèlement aussi, il faut développer le secteur de l'industrie. Maintenant, il appartient à l'État du Sénégal, à l'État central, de faciliter l'arrivée des investisseurs étrangers et même nationaux, sur ce secteur ». Mustapha Fall espère que le prochain président de la République mettra fin aux accords de pêche internationaux qui entraînent une raréfaction des ressources halieutiques. Une des raisons souvent brandies par les pêcheurs pour expliquer leur départ.

Les autorités assurent de leur côté que tout est fait pour enrayer le mouvement. Bayati Babou, deuxième adjoint au maire et membre de la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakar, insiste sur le dynamisme économique de Mbour et rappelle que la ville a beaucoup progressé.

Au niveau du département, des infrastructures ont d'ailleurs été construites ces douze dernières années, notamment avec l'autoroute à péage et l'aéroport international Blaise Diagne. Un énorme port est aujourd'hui en construction à Ndayane. Un projet d'investissement majeur : plus d'un milliard de dollars, grâce auquel le Sénégal pourra accueillir des navires de grande envergure. Le port sera adossé à une zone économique spéciale de 300 hectares. Mise en service prévue en 2026.

Pour l'heure, dans les restaurants et sur les quais de pêche, tout le monde à Mbour parle des différents candidats au prochain scrutin présidentiel. La zone est historiquement plutôt dévouée à la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakaar. En 2012, les habitants avaient voté pour Macky Sall à plus de 72%, et à 62% en 2019. Mais lors des dernières élections de 2022, le camp au pouvoir a été mis en difficulté par une opposition en progression : Benno Bokk Yaakar a obtenu seulement 54% des suffrages lors des législatives. Pour Bayati Babou, l'adjoint au maire, Mbour reste tout de même la chasse gardée du camp présidentiel : « Nous avons gagné les municipales et les législatives, nous gardons espoir, car l'opposition s'est disloquée depuis les législatives. » La bataille risque donc d'être rude dans ce département fortement peuplé, qui est un grand réservoir de voix.

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