Ile Maurice: Le commerce faible contributeur à la croissance

La ville portuaire d'Aden au Yémen.

Les tensions géopolitiques, notamment dans le canal de Suez, exercent une nouvelle pression sur le coût du transport maritime, impactant directement le commerce mauricien. Intégrez ce nouveau choc exogène à nos préoccupations habituelles : des recettes d'exportation dépendant de la dépréciation de la roupie, des importations excessivement onéreuses et une croissance maladroitement stimulée par la consommation...

2,4 % : c'est l'estimation de la croissance du commerce mondial prévue pour 2024, comparativement à 5,7 % en 2022, selon les Nations unies. Cette perspective semble sombre non seulement pour l'ensemble des économies mondiales, mais surtout pour les pays en développement et les petits États insulaires, dont Maurice. Alors que le secteur des exportations tente de naviguer au mieux à travers les eaux inflationnistes qui influent sur la demande de nos principaux marchés, les nouvelles tensions géopolitiques, en particulier l'impact des attaques Houthi en mer Rouge sur le transport maritime, risquent sérieusement de compromettre un secteur des exportations déjà fragilisé. Évidemment, notre note d'importation, déjà particulièrement salée, pourrait également s'aggraver. Dans ce contexte, il est donc aisé de conclure que le commerce contribuera peu à la croissance prévue pour 2024.

Plaçons le contexte. Les plus grandes compagnies maritimes mondiales continuent de détourner, voire d'annuler les traversées à travers la mer Rouge à la suite des attaques perpétrées par les Houthis le long de cette route maritime cruciale. Les porte-conteneurs sont actuellement détournés vers le cap de Bonne-Espérance en Afrique du Sud ou via le Sri Lanka, entraînant un allongement significatif des trajets de plusieurs milliers de kilomètres. Ces perturbations ont pour conséquence d'augmenter considérablement les coûts d'expédition, suscitant ainsi des inquiétudes quant à l'éventualité d'un nouveau choc inflationniste pour l'économie mondiale. «La situation est aussi grave que pendant le Covid-19. Il est à noter qu'au niveau mondial, 30 % du fret maritime quotidien transite par le canal de Suez. Ces détournements de trajets entraînent un retard d'au moins deux semaines des arrivées de conteneurs à Port-Louis, ce qui représente évidemment un coût considérable. Il y a également le problème du repositionnement des conteneurs vides à temps dans les ports d'origine. Toute cette logistique perturbée affecte la disponibilité des conteneurs - en gros, il faut simplement payer beaucoup plus cher pour obtenir ce qui est disponible, sans compter l'augmentation du coût du transport maritime due aux retards» explique Yousouf Delbar, porte-parole de l'Association professionnelle des transitaires.

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Faisons un petit comparatif. Les conteneurs de 20 pieds en provenance de pays de l'Est, tels que la Chine et Singapour, coûtaient USD 1 200 en novembre dernier, contre USD 1 500 à ce jour. Ceux de 40 pieds étaient à USD 1 500 et sont maintenant à USD 2 100 - ajoutez-y la Contingency Adjustment Charge (CAC) de USD 500 et USD 1000, respectivement, pour les conteneurs de 20 pieds et 40 pieds - et vous obtenez une hausse significative du coût général du fret maritime. Les conteneurs en provenance de destinations comme l'Inde ou le Pakistan passent, quant à eux, de USD 625 en novembre dernier à USD 700 pour le conteneur de 20 pieds, et ceux de 40 pieds augmentent de USD 1 000 à USD 1 200, toujours soumis aux mêmes frais supplémentaires de CAC.

Ces nouvelles perturbations dans la logistique mondiale surviennent alors que notre déficit commercial local est estimé à Rs 190 milliards pour 2023, comparé à Rs 182 milliards en 2022 et Rs 120 milliards en 2019, selon les données de Statistics Mauritius. Il est prévu que nos exportations de 2023 atteignent Rs 110 milliards, comparées à Rs 106 milliards en 2022 et Rs 79,1 milliards en 2019. Dans ce contexte, nous observons une amélioration des recettes d'exportations, notamment grâce à la bonne performance de l'exportation du sucre mauricien en Europe depuis la pandémie de Covid-19. Justement, il faut aussi savoir que selon le dernier rapport National Accounts, les exportations de biens et services ont connu une croissance de seulement 3,8 % en 2023.

Cependant, il est essentiel de ne pas sous-estimer l'impact de la dépréciation de la roupie sur les recettes d'exportations. En 2019, 57,7 % de nos exportations étaient réglées en USD et 35,3 % en euro. À cette époque, le dollar s'échangeait à Rs 36,80 à décembre 2019 (end of period), et l'euro à Rs 41,30 à la même période. Pour la période de janvier à septembre 2023, 55,8 % de nos exportations se sont effectuées en USD et 38,1 % en euro. À novembre 2023, l'euro s'échangeait à Rs 49,20 (end of period), tandis que le dollar atteignait Rs 44,60. Cette roupie dépréciée nous coûte néanmoins davantage, notamment lorsqu'il s'agit d'importations. Il est prévu que celles de 2023, incluant les one-off items des travaux du métro express, nous coûtent Rs 300 milliards contre Rs 292 milliards en 2022 et Rs 199 milliards en 2019. Ici aussi, comme nous perdons au change vis-à-vis des devises étrangères, notre note s'allonge.

Maintenant, autre que l'impact exogène des tensions géopolitiques et la dépréciation de notre roupie, la compétitivité de notre destination est également compromise par l'inflation et la hausse des rémunérations par rapport aux coûts de production dans certains cas. Un autre élément crucial est que la demande de consommation a du mal à diminuer, ajoutant quelques points aux chiffres de croissance du pays - sur le dos de l'inflation ! Une demande soutenue signifie davantage d'importations, ce qui, combiné à notre monnaie dévaluée, aggrave la situation.

Donc, finalement, si le commerce contribue difficilement à l'essor de la croissance, nous devons compter sur d'autres secteurs, notamment le tourisme, pour maintenir le cap... Ce discours semble pourtant familier - des recettes d'exportation dépendant de la dépréciation de la roupie, des importations trop coûteuses, une croissance maladroitement tirée par la consommation... Du déjà-vu, mais aucun changement!

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