Un bras valide burkinabè qui tend la main au feu tricolore en larmoyant et chantant un hymne de lamentation. Tous ces enfants, jeunes garçons et filles pourraient vivre de leurs dix doigts sans complexe aucun et être utiles à la Nation. Quand je vois tous ces bataillons de bambins en haillons déambuler en ville à la quête d'une pitance aléatoire, je secoue la tête et je m'interroge sur ce que nous voulons vraiment pour la jeunesse.
Il y en a qui auraient pu servir dignement sur un chantier de construction comme manœuvres ; il y en a qui auraient pu être dans la rue mais comme vendeurs ambulants, puis comme grands commerçants ; il y en a qui auraient pu être mécaniciens auto ou moto ; ils auraient pu être sportifs de talent comme Iron Bibi ou Fabrice Zango, bref, il faut organiser des opérations spéciales de retrait de ces jeunes.
De gré ou de force, il faut les sortir de la rue pour les affecter dans des écoles de formation professionnelles, il faut mobiliser des patriotes volontaires pour les former aux métiers, pour les éduquer et les réintégrer dans la société. Parce que ces enfants et ces jeunes n'ont pas demandé à aller dans la rue. Ils font même l'objet d'exploitations diverses dont la finalité risque de compromettre nos priorités. Il faut développer leur mental afin qu'ils forgent en eux-mêmes les ressources nécessaires à la construction de leur personne.
C'est du gâchis et il faut aller vite et même très vite sinon ces enfants armés de boîtes de tomates nous tendrons demain un canon à bout portant. Et là, rien ne sert de toucher du bois pour exorciser le mal imminent ; il faut juste agir maintenant ! Un bras valide burkinabè qui croupit derrière les barreaux d'une prison qui le prive de liberté, de ses talents cachés, de ses espoirs. Nous sommes tous des prisonniers en liberté ; on ne s'amende pas derrière des barreaux infranchissables.
On ne change pas les fautifs en les éloignant de la société, en les clouant au coin d'une prison. On les met au travail d'une manière ou d'une autre, de gré ou de force, au service de la société. La meilleure façon de punir, au-delà de faire souffrir, c'est de faire produire. Il faut au-delà du potager de la prison, amener ces détenus dans des champs et basfonds plus vastes, afin qu'ils y cultivent du maïs, du riz, du haricot, de l'ananas et même du blé, même du café et du cacao. Il faut faire de leur peine une aubaine pour se compenser auprès de la nation offensée.
Il faut plutôt les condamner à travailler pour les libérer du vice et de l'oisiveté destructeurs. Seul le travail libère l'homme ! Rien de grand ne se crée dans l'immobilisme ; c'est au contact avec la nature que la nature se révèle à nous pour mieux nous former à la transformer. Autrement dit, on peut purger sa peine à ciel ouvert et à découvert à la sueur de son front. On peut mettre son énergie au service de ceux qu'on a offensé, blessé ou meurtri. Ce sont des condamnés, n'en faisons pas des damnés ! La meilleure des prisons, c'est celle qui sacrifie la liberté sur l'autel de la dignité.
Seuls les travaux d'intérêt commun donneront à nos prisonniers un visage humain et intègre. Un bras valide burkinabè peut se remplir la tête au sortir de l'université et rechigner à plier l'échine pour arracher la mauvaise herbe devant sa porte. On ne va pas à l'école pour forcément travailler dans un bureau. On ne va pas à l'école pour être supérieur aux autres qui n'en ont pas eu la chance. Souvent le salut tant cherché se trouve dans la motte de terre des champs.
Mais nous le laissons filer entre les doigts inutiles de nos deux mains sans lendemain. Souvent, l'école n'est qu'une base pour s'outiller en connaissances et en bonnes pratiques pour mieux affronter le terrain. Sinon à quoi cela sert-il d'avoir la tête pleine et les mains vides ? A quoi cela sert-il d'avoir tout appris parfois par coeur et en choeur sans savoir prendre à dessein ses responsabilités devant le destin. Quand on est Burkinabè, on doit être capable de descendre dans la boue pour chercher la pépite enfouie sans salir ses diplômes. Quand on se dit Burkinabè, on doit être capable de salir les mains à l'ouvrage, pour garder propre son honneur.
Alors mettons-nous au travail, surtout par ces temps qui courent ; travaillons sans relâche ; commençons toujours par faire quelque chose au lieu de rêver de choses sans agir. Arrêtons de nous clochardiser aux abords des rues et aux portes des domiciles. Chacun peut apporter sa pierre à l'édification de la nation sans forcément faire du boucan ; sans être complexé par la petitesse de son apport. Comme l'a si bien dit le grandissime rappeur contemporain, Youssoupha, « si tu ne peux pas faire de grandes choses, fais de petites choses avec grandeur ! »