Ile Maurice: Le PM... Dégaine l'opposition... Rengaine

Déjà en période pré-électorale. Le Premier ministre (PM) sort l'artillerie lourde mais l'opposition se contente chaque samedi lors de sa conférence de presse de prédire la chute du présent régime. Beaucoup chuchotent que ce gouvernement doit partir. C'est mal connaitre la «real» politique à Maurice. Il y a une différence entre le politicien qui se préoccupe de l'immédiat, donc de sa réélection, et le politique qui voit plus loin en proposant du concret pour l'avenir.

Sur le terrain

À la suite d'un dernier sondage donnant le MSM perdant, le PM n'a pas tardé à réagir. Avec Narendra Modi pour modèle, PKJ n'est plus le jeune homme timide qui n'appréciait pas le vocabulaire «fleuri» de son père. Maintenant, il procède vertement à des attaques personnelles sur Navin et sa vie privée. Faut dire que la réplique de ce dernier, malade et usé, est pour le moins timorée.

Devenue très terre à terre, la stratégie de PKJ joue sur deux axes qui ont fait leurs preuves dans le passé. Numéro un : l'argent, mais distribué à des cibles précises. Augmentation de la pension de vieillesse, Rs 20 000 à tout jeune atteignant l'âge de 18 ans, prime de Rs 2 000 à tout fonctionnaire qui participerait à la fête de fin d'année de son ministère, compensations salariales... Des cadeaux bienvenus en période de hausse du coût de la vie. N'oublions pas tout de même la dépréciation de la roupie et une forte inflation prévue pour 2024. La dette des ménages a augmenté de 10 %.

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Les syndicats attendent la part des travailleurs en mars prochain. Nul doute que le dernier budget réserve encore de bonnes surprises comme Rs 15 000 pour la pension des plus âgés, 8 000 nouvelles maisons destinées aux plus mal lotis, extension du métro qui passera par Côte-d'Or (escale dorénavant inévitable dans tout circuit touristique), barrage à Rivière-des-Anguilles, des milliers de nouveaux emplois dans la fonction publique (éducation, santé, police...). Pas de conférence de presse (sa bête noire), mais un Parlement factice cadenassé par un goalkeeper cerbère.

Deuxième pilier de sa stratégie : le communautarisme saupoudré de castéisme. Le PM ne rate aucune occasion pour prendre la parole - cérémonies, inaugurations, assemblées des sociétés socioculturelles. Le tout fidèlement reproduit le soir même dans le JT de 19 h 30. Comme tous les leaders précédents, il n'a pas compris que ce n'est pas le JT qui conditionne le vote des électeurs à l'heure des réseaux sociaux.

Peu importe, avec toutes les manettes en main manipulant la machine gouvernementale, le PM peut compter sur la Mauritius Film Development Corporation. À son service, elle préparerait déjà films et clips pour les prochaines élections générales. Comment alors lui reprocher de ne pas s'attarder sur les affaires telles que la Finance Crimes Commission (FCC), qui décapite trois institutions d'un seul coup et dont il nommera le directeur, Kistnen brûlé vif, la Stag Party, l'augmentation du taux de criminalité, le trafic de drogues ainsi que le réchauffement climatique et ses conséquences.

Quoi qu'on en pense, le PM bouge et agit selon sa «vision» et il en attend des dividendes au moment où l'électeur glissera son bulletin de vote dans l'urne. La hausse du prix des boissons alcoolisées a été renvoyée à 2025 alors que l'alcool est la première cause des violences conjugales et des accidents mortels. L'électorat s'attend à de cinglantes répliques de la part de l'opposition regroupée en trio.

Demandez le programme

Le PM met en place tout un dispositif allant même parfois à l'encontre de la démocratie. Nous sommes déjà en autocratie. Au bout du compte, hormis ses messes du samedi, l'opposition a pondu cinq résolutions, dont l'élimination de l'Income Tax pour les 18-28 ans, une augmentation de la pension de vieillesse, une démocratisation du Parlement devenu une tribune à expulsions (un record) pour le speaker, l'abolition de la FCC récusée par de hautes instances comme le Bar Council, une Constitutional Appointment Authority pour contrôler la nomination de ceux qui se retrouvent (népotisme, petits copains...) à la tête d'institutions gouvernementales.

Bravo, mais c'est tout en attendant le meeting du 1er février. Mais où est le programme ? Ces cinq mesures sont toutes réactives, c'est-à-dire décidées en réaction à des mesures gouvernementales. Or, l'électorat qui restera insensible à l'argent et au communautarisme souhaite au contraire des mesures proactives. C'est-à-dire un programme avec des mesures concrètes et non de simples répliques.

Rien sur le réchauffement climatique malgré le demi-échec de la COP28, rien dans le domaine de la Santé, dont la presse a étalé les manquements, rien sur ce thème primordial pour le présent et l'avenir en matière d'éducation après le cuisant échec des extended programmes et l'impréparation à l'introduction de la langue créole dans les écoles, rien sur le rutilant trafic de drogues couvert par une corruption à tous les étages, rien sur une nouvelle conduite de l'économie et comment juguler l'inflation tout en garantissant de quoi manger aux crève-la-faim heureusement secourus par de bonnes âmes charitables.

Rien surtout pour détricoter le maillage mis en place par le pouvoir pour libérer la parole, la méritocratie, les concerts populaires en plein air adulés par un certain public pas tout à fait pro-MSM. Il n'aura échappé à personne quel électorat vise PKJ en premier. Il sait où son parti part plutôt perdant, d'où ses mamours à Obeegadoo, Ganoo, Lesjongard, Collendavelloo pour essayer de décrocher quelques députés issus de la population générale (quel terme insidieux) dans certaines régions urbaines afin de compléter avec tous ceux qu'il compte faire élire en régions rurales.

Contre toute attente, le trio de l'opposition ne semble pas faire le poids face à la machine de guerre du PM. Beaucoup ont cru à l'avènement de nouveaux partis qui catapulteraient de nouvelles têtes. En vain. Bhadain laisse des plumes après avoir perdu de solides acolytes. Bodha un temps pressenti par le trio de l'espoir pour le poste de PM (hindou, vaish, cultivé) a été écarté et a trouvé refuge dans les bras de Rama Valayden. Quelques nouvelles têtes éparpillées ont émergé dans les médias, mais c'est sur le terrain qu'on atteint l'électorat de base.

Réveillez-vous. Nous sommes à l'ère de la communication. Qu'attendez-vous pour descendre sur le terrain, organiser des meetings même boudés ou encore «focus» sur certaines circonscriptions. L'opposition parlementaire et extraparlementaire laissent un boulevard ouvert à PKJ et à sa stratégie. Tenez un illuminé propose d'introduire le concept de référendum dans notre Constitution. Si quelques dizaines de milliers de personnes signent une pétition concernant un problème vital et national, le GM devra en tenir compte et organiser un référendum. Ça, c'est une forme de démocratie directe.

En attendant, Règlement de comptes à OK... Corail fin 2024. Ce western s'est fait doubler par un certain... Belal.

Kas piso ou balié karo?

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