Il y avait de l'émotion dans l'air lors de la projection du documentaire « Essamay : Bocandé la panthère » des réalisateurs Maky Madiba Sylla et Lionel Bourqui, à l'hôtel Président de Yamoussoukro. La légende du football sénégalais a ainsi été immortalisée pour que les générations futures puissent s'inspirer de lui.
Jules François Bocandé. Ce nom évoque bien des souvenirs. Et pour l'équipe nationale du Sénégal qui dispute présentement la Can en Côte d'Ivoire, le nom de cette légende aurait pu être stimulateur. Car Bocandé a permis au football sénégalais de renaître et a permis à des millions de Sénégalais de rêver. C'est lui qui a permis au pays de renouer avec la plus prestigieuse des compétitions de football en Afrique en claquant trois but contre le Zimbabwe (3-0), le 1er septembre 1985.
Le premier Sénégalais meilleur buteur du championnat de France avec Metz, en 1986, a marqué les esprits. Même s'il n'a pas réussi à offrir le trophée continental, en 1986, au Caire, en 1990 en Algérie et en 1992, à domicile. Bocandé a écrit l'une des plus belles pages du football sénégalais et tracé la voie pour nombre de ses compatriotes et autres joueurs africains. « On n'a gagné pour lui », a indiqué Aliou Cissé dans ce film hommage. L'entraineur national explique d'ailleurs à quel point « Essamay » l'a marqué. Il était admiratif de Bocandé au point même de porter la même coiffure que lui : les dreadlocks.
Sa carrière de joueur terminé en 1993, à Alost, en Belgique, Bocandé devient entraîneur et prend les rênes de l'équipe nationale avec Boubacar Sarr Locotte. Mais, lors de la Can 1994, le parcours des « Lions » s'arrête en quarts de finale. Il reviendra dans l'encadrement de l'équipe avec l'avènement de Bruno Metsu grâce à El Hadj Malick Sy « Souris ».
Les réalisateurs Maky Madiba Sylla et Lionel Bourqui ont voulu immortaliser ce joueur talentueux qui a failli ne pas connaître la gloire parce que banni à vie du football sénégalais pour avoir frappé un arbitre lors de la finale de la Coupe du Sénégal ayant opposé le Casa Sports à la Jeanne d'Arc au début des années 1980. Mais il était écrit que celui qui fut lauréat du concours du jeune footballeur, en 1974, serait une légende. Et ce documentaire revient sur son parcours, de la Casamance à la France en passant par la Belgique où il a fait ses premiers pas avec Tournai puis Seraing. Ce documentaire, inspiré du livre d'Abdoulatif Diop, est le fruit d'une longue recherche documentaire de quatre ans, avec des témoignages poignants sur la vie et l'oeuvre incommensurable de l'homme.
Abdoulaye Diaw, Luc Sonor, son ami et ancien coéquipier à Metz, Daour Guèye, Roger Milla, Roger Mendy, Amadou Diop et Oumar Gueye Sène, ses coéquipiers en équipe nationale sont tous unanimes : Bocandé était un génie du ballon rond doublé d'un vrai patriote. Pour honorer une sélection en équipe nationale, il a dû insulter un arbitre parce que son club ne voulait pas le libérer. « Quand l'arbitre m'a expulsé, je lui ai dit "merci" et il ne comprenait pas. Après le match, je lui expliqué la raison qui m'avait poussé à agir de la sorte et il a compris », explique Bocandé dans le film. Ses entraîneurs, Gildo Foda, Yves Barré, Marcel Husson, Claude Le Roy et Carlo Molinari, président de Metz, ont tous reconnu le talent de Jules François Bocandé qui était, selon eux, « le bon oiseau rare », le joueur qui vous marque à jamais, qui a du caractère dans le terrain et en dehors. Son match contre la mort, « Essamay » l'a perdu. Un accident vasculaire cérébral a eu raison de lui en 2012. Il est décédé le 7 mai de cette année-là, à l'âge de 54 ans.
La « panthère » est partie à jamais. Mais il reste immortel dans les coeurs et les esprits. Et ses feulements résonneront toujours sur les pelouses africaines et européennes où il a fait des misères aux défenses adverses.