Ile Maurice: Sans transparence, quelle sécurité ?

Dans un entretien accordé jeudi à notre journal, le leader de l'opposition revient sur la nécessité et l'urgence de rendre public le Land Drainage Master Plan, un rapport détaillé d'experts australiens sur les zones inondables de Maurice. A une PNQ de Xavier Luc Duval, le 16 juin 2022, sur le sujet, le ministre des Infrastructures publiques avait refusé de jouer la carte de la transparence. Le rapport, pourtant essentiel, est resté au fond d'un tiroir poussiéreux.

Aujourd'hui les récentes inondations associées à Belal pourraient bien provoquer une crise sur le marché immobilier...Qui va, en effet, acheter un terrain ou construire une propriété s'il ou elle ne peut pas savoir, en amont, si le terrain est, oui ou non, situé dans une zone inondable ?À ce jour, tout un chacun se demande si sa maison est dans une zone rouge, c'est-à-dire dans une zone potentiellement submersible ?

À Maurice, on n'a pas eu l'habitude d'évaluer un terrain par rapport au code-couleurs ou aux risques d'inondations. Si la démarche d'inclure ces risques qui sont accentués par le changement climatique est bonne, en revanche, il faudrait jouer la carte de la transparence totale, d'autant que la question des terres et de la propriété individuelle dans un petit pays au passé complexe comme Maurice reste sensible, émotive, quand ce n'est pas épidermique.

Ce n'est plus acceptable que le Mauricien lambda qui achète son terrain après des années de sacrifices soit privé d'un état des risques naturels comme c'est le cas ailleurs. Aux États-Unis, par exemple, si vous voulez prendre le risque d'acheter en zone inondable, vous pouvez opter pour une zone bleue, où le risque de sinistre y est moindre qu'en zone rouge. Il vous faudra alors souscrire une assurance habitation couvrant tous les risques, mais le prix du terrain sera plus abordable. La transaction est faite en toute connaissance de cause car le vendeur doit obligatoirement vous fournir une liste des risques naturels que le bien pourrait subir. De plus, il doit aussi vous donner par écrit un historique des sinistres passés qui ont donné lieu à une indemnité pour catastrophes naturelles. Le plan des zones inondables est aussi disponible en ligne.

%

En France aussi, le nombre de biens situés en zone inondable s'avère plus élevé qu'on pourrait l'imaginer. Presque 10 % des biens immobiliers en France sont concernés par ce type de risque. Certains biens en zone inondable sont d'ailleurs très attractifs. L'immobilier devient alors un exercice d'équilibriste entre l'attractivité d'un bien et le niveau de risque qu'il comporte.

A Maurice, quelques autorités ont donné des permis de construire à quasiment tout le monde, sans un vrai travail de vérification. Les dessous de table suffisent largement dans plusieurs cas. Et aujourd'hui, on a peur de jouer la carte de la transparence !

Mais attention la question des terres risque de prendre de l'ampleur si on laisse la Land Drainage Authority et ses nominés politiques patauger dans l'opacité, propice à la corruption. Il s'agit de l'argent public et du droit à la propriété.

En 2017, la Land Drainage Authority nous avait été décrite comme un événement «upcoming». Rs 1,3 milliard de travaux de drains étaient alors triomphalement annoncés pour les trois ans à venir. En 2018, l'on annonce l'acquisition d'un «high resolution and aerial 3D imagery Digital Elevation Model» pour développer avec des images satellitaires la carte des zones inondables. L'objectif étant de préparer un «fullfledged Land Drainage Master Plan».

Le discours du Budget 2019-20 évoque ensuite 40 «high risk flood prone zones» et «earmark» Rs 650 millions de plus. En 2020, la facture pour les drains s'élève à Rs 1,2 milliard. Et en 2021, le gouvernement annonce... Rs 11,7 milliards de plus pour les trois ans à venir.

Il y a une astuce néanmoins : faites un plan virtuel de construction ou rénovation, déposez-le à la mairie ou au conseil de district. Et si on vous refuse votre permis parce que votre terrain est en zone rouge, alors, alors seulement, vous saurez...

Outre les différents avis (de cyclone, de pluies torrentielles, de sécurité ou de couvre-feu), qui font désordre quand ils ne se contredisent pas, le public se perd entre les sérieuses contradictions entre les membres du gouvernement et les fonctionnaires.

Des membres discrets du NEOC nous ont fait parvenir une série de questions fort pertinentes qu'ils ont manifestement peur de soulever devant les politiciens qui président le comité de crise en question.

Qui fait partie du NEOC et pourquoi n'y a-til pas de représentants de la presse non-MBC ?

Les comités de gestion des catastrophes devraient-ils se réunir chaque fois qu'ils reçoivent des informations mises à jour, ou devraient-ils se réunir à des moments qui conviennent à leur confort et à leur convenance ? En d'autres termes, pour le cyclone Belal, auraient-ils dû se réunir sur la base des informations disponibles à 04h00 le lundi 15 janvier ?

Une telle réunion à 4 heures le 15 janvier, en tenant compte des risques d'inondations dus aux fortes pluies, comme l'indique le communiqué météorologique à 04h00, n'aurait-elle pas conduit à des décisions demandant aux gens de ne pas se rendre au travail, sauf pour les services essentiels ?

Par conséquent, le comité n'a-t-il pas fait preuve d'une incompétence et de négligence en ne tenant pas une réunion urgente pour tenir compte des dernières informations disponibles dans les premières heures du 15 janvier ?

Devrait-il incomber aux ministres ou aux techniciens la tâche de partager des informations techniques sur les cyclones et les pluies torrentielles ?

Le communiqué météorologique de 4 heures le lundi 15 janvier demande au public d'éviter les zones sujettes aux inondations. Comment le public saura-t-il quelles sont ces zones si le gouvernement ne les rend pas publiques ? Le gouvernement n'est-il pas négligent en gardant cette information classée ?

Pourquoi la MBC filme-t-elle la réunion ? Est-ce pour dissuader les membres d'exprimer des opinions divergentes ?

Le gouvernement peut-il indiquer le pourcentage de recommandations mises en oeuvre issues du rapport de l'enquête menée par le DPP à la suite des inondations de mars 2013 ?

Pouvons-nous savoir quand et sous quel gouvernement des permis de construction ont été accordés pour les travaux de construction au KFC, à Air Mauritius et à Rogers House, juste au-dessus du système de drains majeurs mis en place à l'époque de Mahé de La Bourdonnais ?

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.