Afrique: La CAN 2024, une aubaine économique pour San Pedro

Située à l'extrême sud-ouest de la Côte d'Ivoire, San Pedro vibre actuellement pour la Coupe d'Afrique des nations. Le stade Laurent Pokou, construit pour l'occasion, accueille le groupe F de la compétition. Et avec cette organisation obtenue il y a dix ans, c'est toute une ville qui vit au rythme du foot jusqu'au 30 janvier.

Il a fallu quarante ans pour que la CAN revienne en Côte d'Ivoire. Si l'attente a été interminable, elle profite aujourd'hui à San Pedro. Longtemps isolée du reste de la Côte d'Ivoire, la cité portuaire a le vent en poupe. La fête bat son plein. Plus une chambre d'hôtel disponible dans la ville.

Durant cette CAN, une grande partie de la population locale devrait profiter des retombées économiques. « Avec les supporters marocains, je travaille un peu plus », glisse timiditement un chauffeur de taxi.

Un ancien petit village de pêcheurs devenu une ville très peuplée

San Pedro, ancien petit village de pêcheurs, n'a cessé de grandir depuis les années 70 pour devenir le premier port cacaoyer au monde. On estime la population à plus de 650 000 habitants. Des restaurants européens et africains où abondent poissons frais, fruits de mer et crustacés font désormais face à l'océan Atlantique et profitent des clients de passage pour travailler plus.

Dans le quartier Bardot, le plus grand et le plus fréquenté dans le centre-ville, une commerçante vend des claquettes présentées sur une petite brouette. Sous une chaleur étouffante et humide, elle explique que son travail est nécessaire pour faire vivre ses quatre enfants, dont les deux derniers sont des jumeaux en bas âge. L'aîné qui a treize ans est juste à côté. « Je donne un coup de main à ma mère quand je ne vais pas à l'école », raconte le jeune adolescent, fan du Real Madrid et du PSG. Il est allé voir jouer son défenseur vedette, Achraf Hakimi, qui a évolué à Madrid et à Paris. Souvenir indélébile.

Sous nos yeux, un vendeur de lunettes de soleil tente de se frayer un chemin sur ce bout de trottoir chaotique, avec le bruit des klaxons du carrefour d'à côté en guise de fond sonore. Alors que les marchandes de poissons frais s'affairent, terre rouge sous leurs pieds, quelques mètres plus loin, un vendeur de maillots de foot range son petit stand du mieux possible. « Depuis la défaite de la Côte d'Ivoire (face au Nigeria lors de la deuxième journée 1-0, NDLR), c'est plus calme », se désole-t-il. Il lui faut désormais baisser le prix de sa marchandise qu'il vendait beaucoup plus facilement avant le début de la compétition. Il lui arrivait de multiplier par deux le prix initial, en fonction de l'offre et de la demande.

« Heureusement que je vends quelques maillots du Maroc », dit avec bonhomie ce père de sept enfants, dont l'aîné est parti faire « sa vie en France ». Lui est arrivé adolescent à San Pedro, quittant son petit village à la frontière du Mali, pour trouver une vie meilleure. « Dieu merci, j'arrive à nourrir mes enfants et nous avons un endroit descend pour vivre », se félicite cet homme illettré, gardien de chèvres dès le plus jeune âge. Selon la Banque mondiale, en 2019, 39,5 % de la population ivoirienne vivait sous le seuil de pauvreté.

À quelques minutes de là, la fan zone de la ville attire la foule dès la nuit tombée, surtout pour les rencontres des Éléphants. Ciel orangé avant d'apercevoir les étoiles, odeur de cacao, enfants qui s'amusent, tout semble être en fête.

Faire travailler en priorité les commerçants de la ville

Abou, qui fait partie du staff de l'animation, explique que le préfet de région a demandé à ce que les stands situés dans la fan zone soient tenus exclusivement par des commerçants de la ville. « Je crois que la communauté marocaine a fait beaucoup de bien à la population. Elle est venue en nombre et consomme. Les jours de match, certaines personnes font l'aller et retour depuis les villes aux alentours car elles n'ont pas trouvé de logement. Il faut dire que les tarifs ont flambé », dit-il, vantant par la même occasion les magnifiques plages de la région.

« Les Ivoiriens commencent à voyager dans leur propre pays et viennent ici plus facilement depuis que la route côtière existe », se félicite ce comptable dans la vie civile. Les 350 kilomètres de route qui séparent Abidjan de San Pedro, endroit découvert il y a cinq siècles par le Portugais Soeiro Da Costa, qui l'a baptisée du nom du saint-patron du jour, ont été entièrement refaits. Ce qui divise par deux le temps de trajet, environ trois heures et demie de voiture.

Abou cite sans détours la merveilleuse plage de sable doré de Monogaga, son eau turquoise et ses pirogues colorées. Il parle d'un « paradis terrestre » à une vingtaine de kilomètres de San Pedro, où tout le cacao transite avant de quitter le sol africain.

Nakaridja Cissé, maire de San Pedro, récemment élue, se félicite que les Pétrussiens et les Pétrussiennes profitent de la CAN. Exemple : lors de chaque rencontre, une centaine de jeunes travaillent au nettoyage du stade et de ses abords. « Tout le monde est mobilisé pour accueillir cette CAN avec joie. Pour nous, c'est la fête. Nous voulons que la Côte d'Ivoire reste une terre d'hospitalité », s'enthousiasme cette ancienne sage-femme. Elle a d'ailleurs demandé à ce que quatre quartiers soutiennent chacun une des quatre équipes du groupe F. « Oui, les joueurs marocains auront aussi des supporters ivoiriens, tout comme les Tanzaniens, les Zambiens et les Congolais », conclut Nakaridja Cissé à propos de cette « CAN de l'hospitalité ».

Au total, la Côte d'Ivoire a dépensé 1,5 milliard de dollars pour préparer l'événement, selon les chiffres officiels, et espère en tirer bénéfice à court et long terme.

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