Demain mardi 23 janvier, les «Lions» du Sénégal vont affronter le Syli national de la Guinée. Un match aux allures d'une finale de la poule C pour la première place devant permettre à l'équipe vainqueur de jouer les 8èmes de finale au stade Charles Konan Banny de Yamoussoukro. Il est donc d'une importance capitale pour les deux sélections qui y ont déjà installé leur base et qui comptent y rester. Kaba Diawara connu pour ses punchline contre le Sénégal et surtout à l'endroit de Aliou Cissé a déjà allumé la première mèche.
«Le match contre le Sénégal, ce sera la finale du groupe et un grand match. C'est un grand derby, et le derby ne se joue pas, il doit être gagné. Nous n'aborderons pas le match juste pour le jouer, mais nous visons la première place et nous nous efforçons de nous qualifier à la première place au niveau du groupe», a-t-il déclaré après la courte victoire (1-0) de son équipe face aux Scorpions de la Gambie.
Ce n'est pas une première pour le sélectionneur de la Guinée de tenir de tels propos pour pimenter les rencontres contre le Sénégal. Lors de la dernière édition au Cameroun, il avait aussi laissé entendre que les Lions étaient favorisés par l'arbitre pour avoir bénéficié d'un penalty à la 97ème minute contre les Warriors du Zimbabwe, en phase de poule à Bafoussam. «Le Sénégal, grande équipe ? Oui, mais qui est avantagé par l'arbitrage ? Nous ? On ne le sera pas», avait encore dit M. Diawara avant de se rétracter en annonçant que ses propos ont été sortis de leur contexte.
Alors qu'Aliou Cissé avait refusé de polémiquer, Me Augustin Senghor avait éteint le feu en mettant le curseur sur les relations fraternelles entre les deux pays qui selon lui, dépassent le football.
Toutefois, force est de reconnaître que ce discours «politiquement correctement» tranche d'avec la passion notée dans ce derby sous-régional. L'attitude de Kaba Diawara qui ne rate aucune occasion pour brocarder la sélection sénégalaise, pourrait être appréciée par le traumatisme qu'il a vécu à Alexandrie. Ce 3 février 2006, le Syli national affronte une sélection sénégalaise rescapée des phases de poule avec une victoire et deux défaites. Pis, dès l'entame du jeu, Kaba Diawara qui avait fini de bénéficier d'une nouvelle jurisprudence de la Fifa sur le changement de nationalité sportive, profite d'une offrande de Tony Mario Sylva pour ouvrir le score.
Le réveil des Lions ne va pas tarder. Pape Bouba Diop, Mamadou Niang et Henri Camara vont envoyer le Sénégal dans le carré d'as. Même s'ils n'oublieront pas de sitôt le coup franc magistralement exécuté par Pascal Feindouno à la 92ème minute (3-2).
Par ailleurs, il faut remonter aux débuts des indépendances pour comprendre cette tenace rivalité entre sénégalais et guinéens qui a été exacerbée par leur premier Président. C'est même une lapalissade de dire que Léopold Sédar Senghor et Sékou Touré entretenaient des relations plus que tendues.
Après les éliminatoires de la CAN 1965 remportées par le Sénégal devant la Guinée, Amsara 68 va marquer davantage les esprits. Suite à une victoire 4-1 à Dakar, les Lions se sont inclinés à Conakry face au Syli national gonflé à bloc par le Président Sékou Touré (3-0). Il fallait alors un match d'appui en terre neutre. Banjul (Gambie) est alors choisi pour abriter la rencontre. Mais, contre toute attente, le Syli surnom donné par Sékou Touré, demande à ce que le match se dispute finalement à Dakar. Selon plusieurs observateurs, le Président guinéen était dans la logique de raffermir ses liens avec son homologue sénégalais Léopold Sédar Senghor. Si les Lions l'ont emporté (2-1), Sékou Touré avait réussi un coup diplomatique en pleine guerre froide.
La tension est baissée entre Diouf et Lassana Konté, avant de reprendre l'ascenseur sous Alpha Condé. On se souviendra encore de l'immixtion de l'ancien chef d'Etat guinéen dans la gestion de la fraude sur l'âge des jeunes joueurs guinéens à la CAN-17 «Tanzanie 2019». Ahmed Tidiane Keïta et Aboubacar Conté avaient été reconnus coupables de triche et «interdits d'exercer toute activité liée au football pour une période de deux (2) ans». Sud Quotidien qui, à l'époque avait l'exclusivité de la réunion du Conseil disciplinaire de la CAF, tenue le 12 mai 2019, avait relevé l'implication de Alpha Condé qui a même eu l'outrecuidance d'appeler le président de la CAF d'alors, Ahmad pour que la plainte déposée par la Fédération sénégalaise de football (FSF) ne puisse prospérer. Que nenni !
Selon plusieurs observateurs également, si la Guinée n'avait pas fait preuve d'orgueil en refusant la main tendue du Sénégal pour organiser conjointement la CAN 2025, elle n'allait pas être dessaisie. Mais le gouvernement de Condé avait très vite coupé l'élan du ministre sénégalais des Sports d'alors, Matar Bâ et du président de la Fédération sénégalaise de football, Me Augustin Senghor. La haine viscérale de Condé envers Macky Sall n'était pas étrangère à ce refus catégorique de Conakry.
Des «Lions» chez le Syli et vice et versa
Si le derby Sénégal-Guinée a eu très souvent des relents politico-diplomatiques, il a aussi été marqué par des batailles de faux-frères. Les derniers ont été Souleymane Camara «Petit» Jules et Henri Camara. De parents d'origine guinéenne, ils ont été de très grands joueurs à affronter le Syli. Henri Camara sera même l'auteur du but KO à Alexandrie.
Mais que dire de Coty Koné dit Kamou ? Joueur de la Jean d'Arc de Dakar, il avait la foudre dans les pieds et avait opté pour le Sénégal, alors que son propre frère qui évoluait à Hafia de Conakry jouait pour le Syli national. Idem pour Lala Soumah que Dr Mamadou Koumé dans son encyclopédie qualifie de «duettiste» du Saloum. Il avait lui aussi pris part aux éliminatoires de la CAN 1972 remportées cette fois-ci par la Guinée. Sans occulter notre double ballon d'or, El Hadji Ousseynou Diouf, qui soutient lui-même que son père Poulo, est d'origine guinéenne. La liste est loin d'être exhaustive.
Le choix de Bouna Sarr pour Sénégal au détriment de la Guinée était le dernier cas qui a frustré Conakry. Il ne sera forcement pas le dernier. Parce qu'une rencontre Sénégal-Guinée est plus qu'un match de football !