Plus de 50 jours après la disparition forcée de Daouda Diallo, secrétaire général du Collectif Contre l'Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC), Amnesty International appelle les autorités du Burkina Faso à garantir son retour en toute sécurité à la vie civile et à cesser d'utiliser la conscription pour réduire au silence la dissidence.
Daouda Diallo a été enlevé par des membres des forces de sécurité le 1er décembre 2023 alors qu'il quittait le bureau des passeports à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Il a été emmené dans un lieu inconnu. Quelques jours plus tard, sur une photo partagée sur les réseaux sociaux, on le voit à l'arrière d'un camion de l'armée, en uniforme militaire. Le gouvernement n'a pas officiellement reconnu sa détention ni le lieu où il se trouve, mais sa famille et ses avocats pensent qu'il est actuellement sur la ligne de front.
« Les autorités militaires doivent libérer immédiatement Daouda Diallo. Il est temps d'en finir avec la disparition forcée de défenseurs et militants des droits humains sous couvert de conscription. Les défenseurs des droits humains ne doivent pas subir harcèlement, intimidation, ni violences entre les mains de l'État », a déclaré Samira Daoud, directrice régionale pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre d'Amnesty International.
« Les autorités militaires doivent respecter, protéger, promouvoir et réaliser les droits fondamentaux de tous dans le pays. Elles doivent faire preuve de transparence sur l'ensemble de la procédure de conscription. Amnesty International condamne l'utilisation discriminatoire du décret d'avril 2023 sur la mobilisation nationale dans le but d'enrôler pour la conscription les voix indépendantes qui s'expriment publiquement au Burkina Faso.
« Enfin, Amnesty International appelle les autorités militaires à permettre aux personnes enrôlées pour la conscription de communiquer régulièrement avec leurs familles et leurs proches. »
Complément d'information
Au moment où il a « disparu », Daouda Diallo avait été réquisitionné pour la défense nationale, tout comme plusieurs personnalités des médias et de la société civile, en vertu d'un décret de plus en plus utilisé contre les détracteurs du gouvernement de transition du Burkina Faso.
Daouda Diallo compte parmi la dizaine de militants et journalistes de renom, critiques envers le gouvernement de transition, qui se sont récemment retrouvés enrôlés pour la conscription au titre du décret d'avril 2023 « portant sur la mobilisation générale et la mise en garde », qui permet d'appeler au service militaire la plupart des Burkinabè adultes. La procédure de conscription n'est pas transparente et le nombre de conscrits n'est pas rendu public, pas plus que les recours permettant de la contester. La plupart des cas dont Amnesty International a connaissance concernent des défenseurs des droits humains et des militants qui se montrent critiques à l'égard des politiques menées par le gouvernement.
Le 6 décembre 2023, en réaction à une plainte déposée par trois personnes réquisitionnées contestant leurs ordres de conscription, un tribunal de Ouagadougou a statué qu'ils étaient illégaux et a ordonné leur suspension. Il a également ordonné à l'armée de ne pas faire appliquer ces ordres - ce qu'elle a ignoré. Le 24 décembre, l'ancien ministre des Affaires étrangères Ablassé Ouedraogo a été arrêté à son domicile à son retour d'un voyage à l'étranger. Il a été désigné pour la conscription, tout comme Daouda Diallo et plusieurs membres de la société civile, défenseurs des droits humains, militants et journalistes au mois de novembre.
La semaine précédant ces enrôlements fut marquée par des tensions entre le gouvernement et plusieurs organisations de la société civile, défenseurs des droits humains et militants, qui prévoyaient de commémorer le 9e anniversaire de la révolution d'octobre 2014. Le 6 décembre, un tribunal a ordonné la suspension des ordres de conscription visant le journaliste Issiaka Lingani, ainsi que Bassirou Badjo et Rasmane Zinaba, membres du mouvement associatif Balai Citoyen, déclarant qu'ils violaient leurs droits à la liberté d'expression et de mouvement, et engendraient des risques pour leur intégrité physique. Ces trois personnes étaient les seules parmi 14 personnalités burkinabè à avoir dûment reçu de tels ordres en novembre.