Ile Maurice: Résilience climatique - Une réponse immédiate s'impose

En mission à Maurice dans le cadre des consultations sur l'Article IV, l'équipe d'experts du Fonds monétaire international (FMI) avec à sa tête Cemile Sancak a été aux premières loges pour assister aux crues subites dans les rues de la capitale, alors que le cyclone Belal rasait nos côtes.

Nul doute que cette scène de désolation va rester imprégnée dans leur mémoire alors qu'ils feront le diagnostic de l'économie mauricienne. On le sait, le pays doit urgemment s'attaquer simultanément à des priorités de court, de moyen et de long termes.

À brève échéance, les priorités sont les suivantes : maintenir le cap de la croissance en actionnant les leviers de l'offre et de la demande ; juguler l'inflation et la ramener au plus près de l'objectif des 3 % pour 2024 ; abaisser davantage la dette publique calculée à 79,6 % du PIB en septembre 2023 ; mettre de l'ordre dans les finances publiques ; et dissocier la politique fiscale et la politique monétaire.

À moyenne et longue échéances, il s'agit surtout de répondre à la problématique de pénurie de main-d'oeuvre et d'enclencher les grandes manoeuvres afin de renforcer notre résilience face aux conditions climatiques extrêmes, tout en mettant en place une stratégie de communication coordonnée (autorités publiques, services météorologiques et secteur privé) pour éviter le charivari auquel on a eu droit le 15 janvier 2023, une date désormais noire dans l'histoire de ce pays et qui laisse penser qu'il y a eu un manquement au devoir d'une ou de plusieurs parties, avec les conséquences que l'on sait sur les plans humanitaire et économique.

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Étant donné que nous sommes de plain-pied dans une année électorale, la grosse crainte, c'est que l'économie soit sacrifiée sur l'autel de la realpolitik. Déjà, le gouvernement a sorti l'artillerie lourde en adoptant un ensemble de mesures populaires, à savoir, l'augmentation de Rs 1 500 pour les seniors âgés d'au moins 75 ans, la hausse du salaire minimum à Rs 16 500 et la compensation salariale de 10 %. Celles-ci se matérialiseront par l'injection d'une masse monétaire de Rs 13 milliards dès fin janvier. Un coût qui sera encouru surtout par le secteur privé et, dans une moindre mesure, par l'État. En réponse à l'hécatombe du 15 janvier, le ministère des Finances applique la pommade en mettant sur la table une enveloppe de Rs 1 milliard qui servira, entre autres, à remettre en état les infrastructures endommagées, indemniser les automobilistes à qui on a avisé de rentrer chez eux alors que des trombes d'eau s'abattaient sur l'île et pour compenser les 50 000 foyers privés d'électricité pendant au moins 12 heures d'affilée.

Cette nouvelle injection de Rs 1 milliard ne devrait pas dissuader le gouvernement dans sa volonté de plaire à l'électorat. L'on peut ainsi se demander si le Budget 2024-25 ne sera pas instrumentalisé à des fins politiciennes. La tentation sera forte pour le ministre des Finances de privilégier le court terme aux dépens du long terme. La construction de notre résilience climatique fait partie de ces politiques s'étalant sur le long terme, n'apportant pas de gains immédiats mais nécessitant une réponse responsable et immédiate. Conformément à son plan d'action climatique, le gouvernement prévoit d'engager des investissements substantiels de 6,5 milliards de dollars sous forme de mesures d'adaptation (4,5 milliards de dollars) et de mesures d'atténuation (2 milliards de dollars) jusqu'en 2030. Il est estimé que 35 % de ce montant sera couvert par les ressources du gouvernement et le secteur privé, le reste étant couvert par les donateurs et d'autres sources extérieures.

Dans son précédent Article IV sur Maurice publié en juillet 2022, le FMI constatait qu'il existe un déficit de financement pour atteindre les objectifs climatiques fixés par les autorités pour 2030. Au total, ce déficit de financement représente environ 1,6 % du PIB par an, avec une part plus importante pour l'adaptation que pour l'atténuation. Or, valeur du jour, les financements des donateurs ont été limités et principalement orientés vers l'atténuation, alors que comme on l'a vu avec le passage de Belal, c'est l'adaptation qui est prioritaire pour le pays.

Autrement dit, ce qu'il faut privilégier, c'est la construction de murs contre les inondations, l'aménagement de drains qui ne sont pas débordés aussitôt qu'il pleut à verse ou encore le déplacement de certaines infrastructures proches des zones inondables. Clairement, nous sommes loin d'être préparés aux menaces climatiques extrêmes. Les autorités doivent faire leur mea-culpa et revoir toute notre stratégie de résilience climatique. Sur la question du financement, nous gagnerons à suivre les recommandations du FMI qui estime que compte tenu de notre niveau de dette, le financement intégral nécessitera une combinaison de subventions extérieures et de prêts à des conditions favorables.

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