Sénégal: Katy Léna Ndiaye met à contribution le public dakarois pour approfondir la réflexion sur le franc CFA

Dakar — La réalisatrice sénégalaise Katy Léna Ndiaye a présenté son dernier documentaire intitulé "L'argent, la liberté. Une histoire de franc CFA", mercredi, à Dakar, en avant-première au Sénégal, une opportunité pour le public sénégalais de saluer cette production pour sa contribution à la réflexion sur l'héritage colonial d'une monnaie communautaire aujourd'hui controversée.

"C'est un excellent film, très didactique, qui vient à son heure et pose de vrais problèmes", a réagi l'ancienne journaliste à la Radiodiffusion télévision sénégalaise et ancienne ambassadrice Adrienne Diop, qui faisait partie du public de cette avant-première.

"C'est bien pour ceux qui ne connaissent pas vraiment tout le débat et les questions qui se posent sur le franc CFA, c'est assez clair. Cela explique bien les enjeux, la problématique et comment on en est arrivé là, et peut-être où on doit aller pour mieux posséder notre économie, notre pays et nos valeurs", explique l'ancienne commissaire chargée du développement humain et du genre (2008-2014) à la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).

Adrienne Diop rappelle que cette question débattue "depuis plus de vingt ans" au sein de la CEDEAO est liée à la proposition de la création de l'eco, la monnaie commune que les 15 pays de cette organisation communautaire veulent mettre en place.

"C'est une nécessité que tous les pays aient la même monnaie, le processus est long, il y a des difficultés, il faut des critères de convergence et des décisions politiques aussi, ce qui n'est pas facile", a-t-elle fait valoir.

Adrienne Diop considère qu'une monnaie commune est devenue une nécessité pour le commerce, l'intégration et le développement des pays membres de la CEDEAO.

Le professeur Maguèye Kassé abonde dans le même sens en félicitant la réalisatrice qui, a-t-il dit, "a réussi la gageure de prolonger le débat sur le franc CFA".

"Vous avez réussi à faire repartir le débat sur le franc CFA, avec des moyens didactiques et pédagogiques que je salue", a dit M. Kassé en s'adressant à la réalisatrice sénégalaise dont le film, estime-t-il, "édifie ceux qui ne savent pas d'où vient le franc CFA".

Il estime que "ce film nous met devant d'énormes responsabilités, concernant le devenir de l'Afrique et ses relations asymétriques avec l'ancienne puissance coloniale, la France".

Le "clin d'œil" du film à l'art plastique

"Il y a énormément de choses à faire, notamment une nouvelle prise de conscience et une éducation de nos concitoyens", ajoute Maguèye Kassé.

Il dit avoir surtout aimé, même s'il est resté sur sa faim globalement, le "clin d'oeil" que fait le film à l'art plastique en faisant intervenir l'artiste Mansour Ciss Kanakassy, concernant son projet de création d'une monnaie imaginaire dénommée afro, pour contribuer à l'élan d'unification du continent africain.

Certains cinéphiles ont regretté l'absence de voix féminines dans ce débat qui concerne l'Afrique.

Des intervenants déplorent que la réalisatrice n'ait interrogé aucun personnage féminin dans son film de plus de deux heures, qui a représenté le Sénégal au dernier FESPACO, le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou.

Le documentaire de Katy Léna Ndiaye pose le débat en recueillant les avis de nombreux experts, même s'ils sont tous des hommes, dont la plupart se disent être convaincus que le maintien du franc CFA "vise à asservir" les pays d'Afrique concernés par cette monnaie en les rendant toujours plus dépendants de l'ancien colonisateur français.

La cinéaste interroge aussi des personnes de sa génération, dont des intellectuels comme Felwine Sarr ou Ndongo Samba Sylla.

Elle donne également la parole à l'historien Abdoulaye Bathily, au-delà à des décideurs africains et des acteurs du maintien de cette monnaie dévaluée le 11 janvier 1994.

À ce sujet, les témoignages des premiers chefs d'État africains tels que Félix Houphouët-Boigny (Côte d'Ivoire), Léopold Sédar Senghor (Sénégal) et Gnassingbé Eyadema (Togo) donnent une perspective historique au film de Katy Léna Ndiaye, journaliste et cinéaste ancrée dans le documentaire.

En plus d'être dans la production, elle a déjà réalisé "On a le temps pour nous" (2018), un documentaire consacré au rappeur et activiste burkinabè Serge Bambara, alias Smockey, mais aussi "En attendant les hommes" (2007), dans lequel la cinéaste donne la parole aux femmes mauritaniennes, qui ont la réputation de s'affirmer.

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