Le Royaume-Uni se prépare à renvoyer au Ghana une trentaine d'objets pillés lors de la colonisation. Un accord de prêt vient d'être dévoilé par le Victoria and Albert Museum et le British Museum. La ville ghanéenne de Kumasi va pouvoir les garder pendant trois ans, accord renouvelable une fois.
De notre correspondante à Londres,
Le Ghana parle d'un trésor national qui s'apprête à revenir au pays : l'équivalent des joyaux de la Couronne pour le royaume ashanti, à qui les troupes coloniales ont pris cette trentaine d'artéfacts. On compte une épée cérémoniale, des broches, des bijoux, un couvre-chef.
Quasiment tous les objets sont en or ou en argent et revêtent une forte valeur symbolique et spirituelle. Ils ont été volés par les troupes britanniques au cours du XIXe siècle et sont exposés dans deux musées londoniens, le British Museum (où l'on peut déjà voir la pierre de Rosette par exemple), et le Victoria & Albert Museum ou V&A. Cette collection sera exposée au palais Manhyia, à Kumasi, la résidence du roi ashanti, Osei Tutu II, qui célèbrera cette année son jubilé d'argent.
Mais tous ces objets, même s'ils viennent du Ghana à l'origine, ne sont pas restitués. Les musées britanniques prennent garde à bien le rappeler : il ne s'agit pas d'un retour définitif, mais d'un prêt, pour trois ans. D'ailleurs, l'accord est conclu avec les représentants du royaume, qui n'ont plus aujourd'hui qu'un rôle cérémoniel, et non avec le gouvernement ghanéen.
En fait, les musées nationaux (comme le V&A et le British Museum) n'ont pas le droit, c'est interdit par la loi, de restituer directement les objets dits « contestés ». Ça passe forcément par le gouvernement - qui est assez réticent à l'idée de « rendre » à leur pays d'origine les trésors pillés pendant la colonisation. L'un des arguments, c'est que Londres a les moyens de conserver et de restaurer les objets, tandis que les pays d'origine n'en apporteraient pas la garantie.
À la place, les musées ont une politique dite « retain and explain », c'est-à-dire « garder et expliquer »: ils conservent les collections, mais ils y accolent des petits cartels pour détailler le contexte de leur acquisition. Car le sujet des restitutions va bien au-delà du Ghana. Les musées britanniques regorgent en effet d'objets originaires des pays de l'ancien Empire, et d'ailleurs... Et une bonne partie d'entre eux réclament le retour de ce qu'ils considèrent comme leurs : le Nigeria demande le retour des bronzes du Bénin, et bien sûr la Grèce exige depuis quarante ans la restitution des frises du Parthénon. Refus net côté britannique. Pour le porte-parole du V&A, des accords de prêt pourraient constituer une solution temporaire, le temps de réussir à engager un dialogue constructif des deux côtés.