Les abris pour enfants - ceux, pour la plupart, dont les parents ont perdu la garde - sont souvent sujets à des controverses. Pour de multiples raisons. Il y a peu, quatre d'entre eux étaient à l'hôpital Dr A. G. Jeetoo et attendaient d'être replacés en «shelter». Nous avons pu nous entretenir avec l'une d'entre elles afin de comprendre leur quotidien, aussi triste que révoltant...
Pour des raisons de sécurité et afin d'éviter qu'elles aient des ennuis, nous n'allons pas divulguer leur nom et leur âge, mais il s'agit d'adolescentes qui n'ont pas eu une vie facile depuis leur plus tendre enfance. Elles ont été délaissées par leurs deux parents qui doivent eux-mêmes faire face à leurs démons (NdlR, l'alcool et la drogue, entre autres). Les autres membres de leur famille, qui essaient tant bien que mal de sortir la tête de l'eau, ne peuvent également pas les prendre sous leurs ailes, d'où le fait qu'elles se soient retrouvées entre les mains des autorités.
Premièrement, il faut savoir que ces enfants se retrouvent à l'hôpital alors qu'ils sont en bonne santé dans 90 % des cas. Il y a des enfants qui sont violentés par leurs proches et sont ainsi enlevés de leur garde et il y a ceux dont les parents ne peuvent pas subvenir à leurs besoins/bienêtre. Mais le protocole stipule qu'il faut qu'ils se fassent ausculter et doivent être placés en observation au moins 24 heures, une fois enlevés de leur famille avant d'obtenir un Court Order et d'être placés dans un shelter. «Pour ceux qui y passent plusieurs jours, voire plusieurs semaines, allant même jusqu'à un mois, c'est largement dû au fait qu'il n'y a pas de place dans un des abris.»
Nous avons pu nous entretenir avec l'une d'elles. Très effrayée qu'il y ait des représailles après, elle a relaté une histoire, un vécu déchirant. (NdlR, nous ne pourrons pas tout décrire en détail au risque que la Child Development Unit - CDU ne remonte jusqu'à elle). Elle a eu plusieurs jours d'hospitalisation. Un véritable mal-être s'est installé en elle depuis, raconte-t-elle. Bien qu'entourée du corps médical, elle se sent plus seule que jamais. Avec zéro visite. Les proches n'ont pas de droit de visite. «Alors que pendant les heures de visite, la salle est bondée de parents, à côté de leur lit, personne.»
Si les enfants de la même salle peuvent déguster des plats faits maison, l'adolescente doit manger la nourriture de l'hôpital. «Alors que nous ne sommes pas malades. C'est comme une punition. Rester allongée dans un lit à regarder le plafond toute la journée et toute la nuit.» D'expliquer qu'étant donné que les officiers de la CDU ne viennent que rarement, voire jamais, elles n'ont droit à aucun effet personnel.
«Il y a des filles qui ont leurs règles et qui n'ont pas de serviettes hygiéniques. C'est injuste.» Pour avoir un peu d'huile à se mettre dans les cheveux, elles se tournent donc vers les parents présents, à ces âmes charitables qui seront assez aimables pour leur tendre la main. «Quelques-uns savent que nous sommes seules au monde. Kan zot amen enn zafer pou zot zanfan, zot donn nou enn ti Perette, enn ti zafer. On est gênées, mais ils sont attentionnés...»
Au niveau des shelters, la situation qui perdure, l'atmosphère et le mal-être de ces enfants sont palpables. C'est presque les larmes aux yeux qu'elle nous explique qu'elle se sent incomprise, attendant impatiemment ses 18 ans pour pouvoir s'échapper. «On ne prend pas en compte notre ressenti. On ne fait qu'exister...»