Afrique: Le NON magistral flanqué par le Mali à l'Algérie

Bamako annonce la fin de l'Accord d'Alger et dénonce son instrumentalisation par une junte qui se veut aussi insolente qu'hégémonique

Un nouveau chapitre de tensions diplomatiques vient de s'ouvrir, jeudi, entre le Mali et l'Algérie. Le gouvernement de transition malien a, en effet, publié un communiqué, condamnant vivement ce qu'il qualifie «d'actes inamicaux et de cas d'hostilité et d'ingérence dans les affaires intérieures du pays» par les autorités algériennes, qui «portent atteinte à la sécurité nationale et à la souveraineté du Mali». Cette déclaration intervient dans un contexte où les relations bilatérales entre les deux pays sont déjà mises à rude épreuve.

Le gouvernement malien, dirigé par le colonel Assimi Goïta, a notamment accusé l'Algérie «d'imposer un délai de transition aux autorités maliennes de manière unilatérale, de recevoir, sans concertation ou notification préalable et au plus haut sommet de l'Etat algérien, des citoyens maliens subversifs et poursuivis par la justice du Mali pour actes de terrorisme». Le communiqué cite aussi «l'existence sur le territoire algérien de bureaux assurant la représentation de certains groupes signataires de l'Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d'Alger, devenus aujourd'hui des acteurs terroristes ».

Les autorités maliennes dénoncent également le rôle présumé de l'Algérie dans le maintien du régime de sanctions des Nations unies concernant le Mali, au moment où le Mouvement des Non-Alignés et la Fédération de Russie s'y opposaient dans l'intérêt du Mali qui demandait la levée dudit régime. Dans ce communiqué vigoureux, lu à la télévision d'Etat par le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement de transition, le Mali révèle en outre «la main cachée des autorités algériennes dans une manoeuvre consistant à imposer un chapitre sur le Mali dans le document final du sommet du Mouvement des Non-Alignés à Kampala, en Ouganda, sans le consentement des autorités maliennes».

A l'argument des autorités algériennes selon lequel «elles ne sont pas à l'initiative du chapitre contesté sur le Mali», martèle le gouvernement malien, il est utile «de leur demander la raison pour laquelle elles ont été les seules à s'opposer, au niveau des experts, à l'amendement proposé par le Mali affirmant que toute modification de la rédaction contestée devrait recueillir, au préalable, l'assentiment des plus hautes autorités algériennes».

Le communiqué malien insiste sur le fait que ces actions algériennes portent atteinte à la sécurité nationale et à la souveraineté du Mali et dénonce «la perception erronée des autorités algériennes qui considéreraient le Mali comme leur arrière-cour ou un Etat paillasson, sur fond de mépris et de condescendance».

Le gouvernement malien souligne, par ailleurs, que ces manoeuvres d'hostilité vont à l'encontre des principes d'empathie et de respect mutuels nécessaires pour maintenir des relations de bon voisinage et ne font que renforcer les tensions régionales déjà existantes.

Le gouvernement de transition malien «prend à témoin l'opinion nationale et internationale et les invite à constater l'écart entre les manoeuvres d'hostilité des autorités algériennes d'une part et d'autre part la responsabilité qui leur incombe au moment où elles siègent au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, l'instance chargée principalement du maintien de la paix et de la sécurité internationales».

Le gouvernement malien, tout en condamnant cette attitude, «exige des autorités algériennes de cesser immédiatement leur hostilité», précise le communiqué, relevant que «les relations de bon voisinage exigent des comportements responsables, qui doivent être guidés par le sens de l'empathie et le respect mutuel».

Le gouvernement malien met en lumière une hypothétique situation inverse, suggérant que les autorités algériennes réagiraient de manière similaire si le Mali accueillait des représentants du mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie au plus haut sommet de l'Etat. Une déclaration qui vise à mettre à nu l'inconsistance présumée de l'attitude algérienne.

En outre, le gouvernement de transition invite les autorités algériennes à «se remémorer leur responsabilité présumée dans la détérioration de la situation sécuritaire au Sahel», en mettant en avant «l'installation du groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien dans le Sahara, suivie de son allégeance à Al-Qaïda et sa relation avec l'avènement du terrorisme international dans la région.

Toujours dans le même communiqué, le Mali réaffirme, malgré ces tensions, «son attachement à la promotion de relations amicales avec l'ensemble des Etats du monde», soulignant que cela «doit se faire dans le respect des principes fondamentaux guidant l'action publique dans le pays, tels que définis par le président de la transition, le colonel Assimi Goïta. Il s'agit notamment de «respecter la souveraineté du Mali; respecter les choix de partenariat et les choix stratégiques opérés par le Mali et prendre en compte les intérêts vitaux du peuple malien dans toutes les décisions».

En signe de protestation, le gouvernement de transition malien a annoncé la «fin, avec effet immédiat» de l'accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d'Alger, qu'il accuse d'être instrumentalisé par les autorités algériennes.

Cette décision s'explique par «le changement de posture de certains groupes signataires, devenus des acteurs terroristes poursuivis par les autorités maliennes», mais aussi par «les actes d'hostilité et d'instrumentalisation de l'accord, de la part des autorités algériennes dont le pays est le chef de file de la médiation», précise le porte-parole du gouvernement de la transition, le colonel Abdoulaye Maïga. Le gouvernement malien évoque également dans ce cadre «l'incapacité de la médiation internationale à assurer le respect des obligations incombant aux groupes armés signataires, malgré les plaintes formulées par le gouvernement de la transition, à travers la lettre du ministre de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale, chargé de l'Accord pour la paix et la réconciliation nationale, en date du 24 février 2023, adressée aux autorités algériennes, chef de file de la médiation».

Cette décision souligne la gravité de la crise diplomatique actuelle entre les deux pays, laissant planer des incertitudes quant à l'avenir de leurs relations. La communauté internationale observe avec attention l'évolution de cette situation, qui pourrait avoir des répercussions sur la stabilité régionale et les efforts de lutte contre le terrorisme au Sahel.

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