Congo-Kinshasa: Sortir de la pauvreté politique électorale

*Notre système électoral est empli de sophistications et de malignités hautement préjudiciables à la pratique d'une démocratie authentique. Le seuil de recevabilité fut malignement introduit pour réduire le nombre de partis et regroupements prétendant au pouvoir, pour écarter éventuellement les concurrents estimés redoutables. Il en est résulté ce que certains considèrent comme des absurdités effaçant du revers de la main la volonté réelle du peuple électeur : au nom du calcul de seuil, un candidat ayant eu plus de suffrages est allègrement éliminé au profit de quelqu'un d'autre qui en aura eu de loin peu. Mais, il n'y a pas que le seuil à remettre en question. Les deux impuretés morales ci-après sont aussi à écarter.

Supprimer la pratique de suppléants des candidats au pouvoir

La réforme de nos lois nationales doit aussi concerner la pratique de « suppléants » liés aux candidats, pratique vraisemblablement imitée, comme il en est de coutume, de la législation des anciens colonisateurs, de la République française spécialement. Cette pratique est défectueuse parce que, largement, elle génère des frustrations et des confrontations malsaines entre le titulaire et le suppléant en cas de vacance du poste.

On connaît en effet des cas où le Député ou Sénateur titulaire nommé au sein de l'Exécutif ou contraint à la démission exige du suppléant désormais à l'Assemblée ou au Sénat, de lui réserver une part allant parfois jusqu'au tiers voire à la moitié de ses émoluments. Et on sait que des frustrations sont nombreuses et insupportables quand le Député nommé ministre doit retourner au parlement pour occuper à nouveau son poste et que le suppléant réserviste, frustré et décontenancé, doive plier bagages. Il y a en effet quelque part de l'humiliation, et de l'injustice, à corriger ou à éviter.

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Mais, la situation est, au Congo et depuis peu, bien pire. La suppléance favorise la famille biologique privée du candidat au pouvoir. Le suppléant est préférentiellement désigné parmi les membres de la famille biologique, au détriment des militants du parti ou de la famille politique. C'est une question d'argent, de conservation d'une précieuse source de revenus, pour la famille biologique.

On note, par ailleurs, que le suppléant n'a généralement aucun autre mérite que celui d'être membre de la famille, fils, fille, neveu ou nièce, épouse, sans compétences avérées, ni intellectuelles, ni morales, ni politiques. Cette pratique injuste engendre des frustrations, des discordes et des dissidences au sein des formations politiques.

On devra comprendre que la suppression de la pratique de suppléance n'entraîne aucun dommage au système démocratique. En effet, elle n'existe pas dans plusieurs systèmes électoraux du monde. En plus, sa suppression assainit l'atmosphère morale et psychologique au sein du parti et du pays. Elle est, essentiellement, une question d'éthique.

La suppression de la suppléance implique la mise en application du principe d'exclusivité et d'épuisement du mandat par l'élu. Il fait entendre que l'élu occupe son siège durant tout le mandat. Il ne peut ni occuper une autre fonction au sein des institutions publiques de l'État, ni cumuler des fonctions différentes. Un élu reste au parlement.

L'absence de suppléance implique que, en cas de vacance du siège, pour les seuls cas d'incapacité à exercer ou pour décès du candidat élu, ce dernier est remplacé par le candidat qui aura figuré à la deuxième position en termes de voix sur la liste électorale du candidat. Une autre possibilité de remplacement du candidat ou du Député/Sénateur démissionnaire ou décédé consiste à organiser une élection partielle circonstancielle au sein de la circonscription électorale concernée. C'est là une manière de faire plus logique, plus valide et plus juste.

Rejeter, pour indécence, la candidature à plusieurs degrés de pouvoir.

Comme il en est de la suppléance, il est indécent et immoral d'ériger en disposition de loi la double candidature à deux ou plusieurs niveaux différents, en l'occurrence à la fois au niveau de la députation nationale et à celui de la députation provinciale. Dans un espace politique où il ne manque point d'ambitions, il ne peut être ni moralement ni socialement et juridiquement permis qu'une seule personne se présente à deux niveaux, comme s'il « tentait sa chance », sans conviction ou, plus vraisemblablement, pour se réserver le plus de postes de pouvoir possibles pour soi-même et pour ses suppléants qui sont pris prioritairement et parfois exclusivement, comme on le sait, parmi les membres de la famille biologique.

Si une telle pratique népotiste est maintenue, on doit s'attendre à se retrouver, avec le temps, face à des « partis biologiques » ou biologiquement familiales en lieu et place de partis politiques démocratiques ouverts aux plus méritants. La capacité à prendre en compte le mérite des gens est une haute valeur morale, nécessaire à une société bien ordonnée.

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