James Mouangue Kobila, le président de la Commission des Droits de l'Homme du Cameroun s'est enfin prononcé sur l'affaire Herve Bopda, du nom de cet homme de 45 ans accusé entre autres de viol, menaces à main armée, harcèlement sexuel... Dans sa sortie signée le 27 janvier dernier, Mouangue Kobila est allé de mains mortes dans une affaire d'une gravité certaine, trahissant ainsi la faiblesse d'un homme manifestement embarrassé par des accusations de harcèlement sexuel par une de ses collaboratrices.
Dès le deuxième paragraphe de son communiqué, James Mouangue Kobila démissionne de sa mission. « Cependant, dès lors que les dénonciations initiales sont anonymes, il s'agit objectivement d'un tract qui ne permet pas à la Commission de traiter ces allégations de violations de Droits de l'homme comme il se doit, c'est-à-dire : recevoir les requérants et les auditionner, examiner les pièces à conviction versées au dossier, écouter les prétendues victimes et les mis en cause, entendre les témoins, puis confronter les parties », a écrit le président de la CDHC dans son communiqué. Mouangue Kobila, tente ainsi une fuite en avant pour se dérober des missions de l'institution dont il a la charge. Il évoque notamment des dénonciations anonymes qui seraient un « tract » pour lui, chose qui empêche à la commission de traiter ces allégations.
Selon les observateurs, cette interprétation de la loi, cache mal la mauvaise foi de celui qui est appelé à assurer la protection des droits de l'homme au Cameroun. L'article 6 de la loi du 19 juillet 2019, portant création, organisation et fonctionnement de la Commission des Droits de l'Homme du Cameroun, dans le cadre de la protection des Droits de l'Homme, stipule que « la commission contribue à la consolidation de l'Etat de droit et à la lutte contre l'impunité en matière des droits de l'homme à travers notamment le traitement des requêtes et dénonciations relatives aux allégations de dénonciations des droits de l'homme ». Cette loi indique donc clairement que la commission traite les « requêtes et dénonciations », sans exclure les dénonciations anonymes. Surtout que les lieux où ces violations auraient été commises sont clairement identifiables. La loi autorise de surcroit à la commission à accéder « à tout lieu où les cas de violations des droits de l'homme sont allégués ».
Dans la suite de son communiqué, Mouangue Kobila trahit sa position de défenseur des droits de l'homme englué dans de présumées violations et abus des droits de l'homme. Il informe l'opinion que Herve Bopda, le mis en cause, a saisi le tribunal d'une plainte pour diffamation contre ceux qui l'accusent. Une bien curieuse information qui suscite des questionnements. La saisine du tribunal par un mis en cause était-elle ce qu'il fallait mettre en avant dans une telle sortie ? Si oui, quel est l'intérêt de cette information pour les présumées victimes ? A lire cette déclaration, on a plutôt l'impression que Mouangue Kobila tente de mettre en garde les présumés victimes, en leur faisant savoir que leur bourreau présumé est d'attaque.
Pourtant plusieurs victimes ont également déposé des plaintes à Yaoundé et Douala, notamment par l'intermédiaire de l'avocate Dominique Fousse, au tribunal militaire de Douala. Mais cette information, qui pouvait galvaniser d'autres victimes à sortir de leur peur, a royalement été ignorée par le signataire du communiqué du 27 janvier dernier.
Une fois de plus, dans le même communiqué, Mouangue Kobila a tenté de voler au secours du mis en cause en informant l'opinion que « La Commission ... évalue les documents tendant à disculper le mis en cause ». Enfin, le président de la Commission s'est lavé les mains en invitant « les autorités compétentes à mener promptement mais avec la sérénité et l'impartialité requises des investigations sur ces allégations ». Une mission qui est pourtant dévolue à la commission qu'il dirige depuis 2021. Dans son article 7, la loi du 19 juillet 2019, portant création, organisation et fonctionnement de la Commission des Droits de l'Homme du Cameroun, indique que pour l'accomplissement des missions prévues à l'article 6, la commission peut : procéder à des investigations dans le respect de la législation en vigueur."
De la lecture de ce communiqué l'on se rend à l'évidence que James Mouangue Kobila a fait du service minimum. Il ne pouvait d'ailleurs pas faire autrement. Traduit lui-même devant les tribunaux pour les affaires de moeurs par une de ses collaboratrices, James Mouangue Kobila ne pouvait pas étriller ceux qui sont accusés comme lui, de peur d'être repris par ses « pairs ». Pour certains observateurs, sa sortie « s'apparente à de l'esbroufe ».
« On doit se poser la question de savoir si le président de la Commission, qui est accusé de harcèlement sexuel, est encore légitime à signer des communiqués sur des faits relatifs à de telles pratiques, dès lors qu'il n'est pas encore lavé de tout soupçon ? », s'est interrogé un ancien membre de l'ancienne commission nationale des Droits de l'Homme.