ÉTAT DU DARFOUR-OCCIDENTAL, Soudan - « Je suis arrivée au centre après la cessation des combats, mais je l'ai trouvé en ruines : il n'y avait plus de lit, plus d'équipement, plus de matériel », se souvient Hiba*, médecin à Al-Genaïna, dans l'État soudanais du Darfour-Occidental.
La clinique d'Ardamata est soutenue par l'UNFPA, l'agence des Nations Unies en charge de la santé sexuelle et reproductive, et fournit lorsqu'elle est opérationnelle un soutien à près de 300 000 personnes, qu'il s'agisse de personnes déplacées à l'intérieur du pays ou bien appartenant aux communautés d'accueil.
Ses services vont de la santé sexuelle et reproductive jusqu'à la prise en charge de la violence basée sur le genre et à la gestion clinique des cas de viol. Malgré les violences et les bouleversements omniprésents depuis la progression du conflit dans tout le Soudan en avril 2023, les agent·e·s de santé et le personnel humanitaire de la communauté restent déterminé·e·s à poursuivre leur travail. Cependant, lorsque les groupes armés ont envahi et pillé l'établissement en novembre dernier, les équipes n'ont plus été en mesure d'assurer leurs services, même les plus essentiels, ce qui a créé un vide en matière de soins pour les personnes qui en avaient le plus besoin.
Là où la situation le permettait, les équipes ont persévéré et sont allées soigner les femmes directement à leur domicile. « Après la destruction du centre, nous avons rendu visite aux femmes et filles enceintes chez elles. Nous avons toutefois eu des difficultés pour nous déplacer, et nous n'étions pas en mesure de prendre en charge les cas présentant des complications », explique Sara*, qui est sage-femme. « Nous avons dû faire accoucher certaines [femmes enceintes] dans la rue. »
Au Soudan, la situation est désastreuse. Près de 6 millions de personnes sont déplacées à l'intérieur du pays - dont 4,5 millions depuis avril dernier - et parmi elles environ 167 000 femmes actuellement enceintes. Les signalements de violence, de coercition et d'exploitation sexuelles augmentent à une vitesse inquiétante, alors que les mécanismes de protection se sont effondrés et que les refuges provisoires sont submergés.
En moins d'une année, on compte 60 signalements d'attaques contre des infrastructures de santé ; 70 % des établissements situés dans les zones de conflit ne sont plus opérationnels. Les agent·e·s de santé ne sont plus payé·e·s depuis des mois et de nombreuses structures restent occupées, ou bien ont été pillées ou détruites. Celles qui sont encore en activité déplorent une pénurie de produits sanguins, de matériel de transfusion, de poches de perfusions et d'équipement médical.
Intervenir en favorisant la résilience
Après avoir financé les réparations de la clinique en décembre 2023, l'UNFPA, avec l'aide de sa partenaire locale la Child Development Foundation, et des donatrices et donateurs internationaux, a pu remplacer le matériel essentiel pour que la clinique puisse reprendre ses activités : lits, éclairage, instruments chirurgicaux et équipement obstétrical.
« Nous avons procédé à 49 accouchements au centre [en décembre] », précise Khalid*, agent·e de santé, à l'UNFPA. « Nous sommes ravi·e·s de recommencer à soigner les femmes et les filles d'Ardamata. »
« Ces femmes ne bénéficieraient d'aucun soin médical si le centre restait hors service. »
Alors que la clinique reprend l'ensemble de ses activités, notamment de santé sexuelle et reproductive et de prévention et de prise en charge de la violence basée sur le genre, Eman*, agent·e de santé, déclare : « Nous offrons désormais nos services gratuitement, y compris les accouchements et les soins postnatals. »
Financée par les États-Unis, la République de Corée et l'Union européenne, la clinique ne prodigue pas uniquement des soins médicaux : elle donne aussi aux femmes et aux filles d'Al-Genaïna un sentiment de sécurité, dans une période de crise grave.
L'action de l'UNFPA au Soudan
L'UNFPA soutient des centres de santé et des espaces sûrs dans tout le Soudan, ainsi que neuf cliniques provisoires qui ont été déployées afin de proposer des services de santé sexuelle et reproductive et de protection contre la violence basée sur le genre dans les États d'Al-Jazirah, d'Al-Qadarif, du Darfour-Occidental, de Kassala, du Nil Blanc, du Nil Bleu et du Nord.
La santé et la sécurité des femmes et des filles est particulièrement menacée dans les contextes de conflit et de déplacement ; elles sont contraintes à s'abriter dans des refuges surpeuplés et insalubres, et ce sont souvent elles qui sont chargées de trouver de la nourriture, du carburant et de l'eau, ce qui les expose à la violence et aux enlèvements puisqu'elles doivent s'aventurer seules dans des lieux reculés.
Au Soudan, plus de 4,2 millions de femmes et de filles risquent de subir de la violence basée sur le genre, et leur nombre pourrait atteindre 6,9 millions en 2024. Malgré l'accès difficile à l'établissement et à l'insécurité élevée, l'équipe de la clinique d'Ardamata continue à aider ses communautés, alors que la vie et le bien-être de millions de personnes sont de plus en plus menacés.
*Les prénoms ont été changés pour garantir l'anonymat et la protection des personnes