Burkina Faso: Capitaine Ibrahim Traoré, Président de la Transition - « Nous quittons la CEDEAO, mais nous restons panafricains »

31 Janvier 2024
interview

Dans une interview accordée à AFO Média, le Président de la Transition, chef de l'Etat, le capitaine Ibrahim Traoré, s'est notamment prononcé sur la sortie commune du Burkina, du Mali et du Niger de la Communauté économiques des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).

Le Burkina, le Mali et Niger ont décidé de quitter de la CEDEAO. Qu'est-ce qui s'est passé ?

Pourquoi une telle décision ? Comme vous dites, c'est une question d'actualité. Elle est intervenue, le dimanche dernier (ndlr, 28 janvier 2024), cette décision de retrait de ces trois pays regroupés au sein de l'Alliance des Etats du Sahel (AES). Ce n'est pas de gaieté de coeur que de tourner le dos à une organisation. Mais, c'est à l'issue d'une analyse profonde. Et je pense que cette organisation est née en 1975, avec des chefs d'Etat pour la plupart militaires d'ailleurs. En tout cas pour ce qui concerne l'AES, ils étaient tous militaires.

Je pense que c'était une volonté donc d'intégrer les peuples, de faire de l'épanouissement de l'économie, de la solidarité et de l'entraide, des vertus panafricanistes qui ont conduit donc les chefs d'Etat à créer donc cette organisation. Malheureusement, au fil du temps, l'organisation a perdu ses valeurs. Et aujourd'hui, le constat est clair. Depuis plus d'une décennie, les Républiques soeurs du Mali et du Niger sont en guerre contre le terrorisme. Et au Burkina, bientôt, près d'une décennie, on est en guerre. De cette organisation qui était censée donc créer l'entraide, la solidarité, nous n'avons jamais reçu d'aide. Aucun soldat, aucune logistique, aucune compassion.

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Ces derniers temps, les relations étaient particulièrement difficiles avec les coups d'Etat dans ces différents Etats que vous venez de citer, le Mali, le Niger et le Burkina. Les gens se demandent si ce n'est pas en réaction au fait que la CEDEAO n'accepte pas les coups d'Etat ...

Les coups d'Etat, on ne les fait pas parce qu'on le veut. C'est cette manière de voir les choses qu'il faut changer. Vous êtes d'accord avec moi que d'abord, dans ces Etats en crise, pour faire un coup d'Etat et assumer ses responsabilités, c'est très lourd. Mais si on le fait, c'est parce que nous avons une envie d'amener nos peuples vers une certaine souveraineté, parce que nous connaissons l'origine de cette crise et je pense qu'on devrait être accompagnés. Les gens sont fiers de citer les millions de déplacés internes dans ces contrées. Mais qu'est-ce que vous faites pour les aider ? Rien.

Est-ce que vous avez le sentiment que ce sont les militaires qui sont plus susceptibles de régler ces problèmes que les politiques et les civils ?

Tout le monde pourrait le faire.

Mais comment expliquer que ce soit les militaires qui prennent la main et qui disent qu'ils ne veulent plus de civils au pouvoir ?

Non. Les militaires n'ont pas dit qu'ils ne veulent plus de civils. C'est par devoir de patriotisme. Lorsque la nation est en péril, à un moment donné, il faille prendre des décisions importantes. S'il se trouve que ce sont les militaires qui ont le courage de prendre cette décision, c'est ce qui est là. De toute façon, civils ou militaires, nous sommes tous les enfants de ce pays. Et quiconque est animé de ce sentiment de pouvoir libérer son pays pouvait le faire. Ce n'est pas une question de militaires. Ailleurs, les militaires ont réussi. Ici aussi, les militaires peuvent bien réussir.

Que répondez-vous aux responsables de la CEDEAO qui disent qu'ils s'en vont parce qu'on a dit qu'on ne veut pas de putschistes parmi nous ?

Il y a beaucoup de putschistes parmi eux. Donc, ce n'est pas une question de putschistes. C'est juste un masque. Quand vous dites des putschistes, s'agit-il de putschistes civils ?

Il y a des putschistes militaires au sein de la CEDEAO qui, aujourd'hui, se réclament démocrates. Des civils, il y en a. Il y a pire que des putschistes. Il y en a qui tuent, qui bâillonnent leurs peuples sous silence. La CEDEAO ferme les yeux, les oreilles. Il y a plein de putschistes au sein de la CEDEAO. Le Burkina, le Niger et le Mali disent quitter la CEDEAO avec effet immédiat.

Qu'est-ce qu'on fait de la libre circulation des personnes, de vos populations qui sont dans ces pays de la CEDEAO ? Parce que les textes disent qu'il faut au moins une année pour pouvoir mettre tout cela en oeuvre ... D'abord, vous parlez des textes. Mais eux-mêmes n'ont jamais respecté leurs textes. Cela se fait à la tête du client. C'est ce que nous avons remarqué. Les sanctions infligées au Niger n'existent nulle part dans les textes. Donc, les premiers qui violent ces textes sont ces soi-disant démocrates.

Nous quittons, mais nous restons panafricains. N'importe qui, n'importe quel Africain qui veut venir au Burkina, est le bienvenu chez lui. Mais dans le sens contraire, cela va être compliqué. Quelqu'un qui est au sein de l'AES, on peut lui dire qu'il ne peut plus aller en Côte d'Ivoire, au Ghana. Cela devient un peu plus compliqué pour ceux qui font leurs affaires là-bas .... Nous verrons et nous saurons quelles mesures prendre en temps opportun. Ce départ de la CEDEAO est-il bien réfléchi ? Bien sûr, très bien réfléchi.

Ce n'est pas un coup de colère ? Si c'était un coup de colère, on l'aurait fait depuis longtemps, dès le premier moment de certaines sanctions. On a pris le temps d'analyser la situation, de peser beaucoup de choses et enfin de décider. Le peuple a été assez résilient, il faut le dire. Il a souffert. Donc pendant ce temps, on pouvait décider dans la colère.

Maintenant, on a pris le temps d'observer, d'analyser la situation et de nous convaincre nous-mêmes de nos forces avant de décider. Autre élément dans cette nouvelle façon de dessiner l'Afrique de l'Ouest, l'AES sur le papier c'est très séduisant, mais est-ce viable ? Vous savez très bien que c'est plus que viable. Pendant longtemps, on a maintenu nos peuples dans une certaine philosophie tendant toujours à nous faire croire que nous ne pouvons rien sans les autres. Aujourd'hui, notre mission, c'est d'éveiller la conscience.

Vous le faites très bien d'ailleurs et j'apprécie beaucoup. Il faut qu'on arrive à éveiller la conscience, que les jeunes se rendent compte de ce qui se trouve chez eux. Une organisation pareille, il faut d'abord se rendre compte de ses forces, peser ses faiblesses et à l'issue de cette analyse, vous décidez. L'AES est très bien viable. Mais avec des économies très intégrées, vous produisez la même chose. Qui va vendre à qui ? Comment ça va commercer surtout que ce ne sont pas des pays qui ont une ouverture sur la mer ? Les chiffres, c'est une chose, l'économie aussi.

Nous sommes là, il y a très peu de temps, mais l'économie a été tirée, un peu déchirée par des régimes passés. Sinon, nous devrions avoir des économies très fortes aujourd'hui. En analysant nos forces, on se rend compte qu'on ne devrait pas être à cette étape. On devrait être beaucoup loin. Quand vous prenez l'AES en termes de populations, en termes de superficie, on est très bien. En termes de production, normalement les Etats de l'AES ne devaient rien importer en ce qui concerne les produits agricoles.

Aujourd'hui, nous sommes conscients de cela et nous sommes en train de tout faire pour que nous n'importions rien en ce qui concerne ce que nous consommons. En termes de richesses, il y a des richesses souterraines, mais il y a aussi une surface. On crie partout que les Africains meurent de faim, de soif. Des projets sont inventés par-ci, par-là, par exemple pour nous donner de l'eau potable, l'AES est une grosse réserve d'eau souterraine et même de surface. En termes de ressources minérales, nous n'avons rien à envier à quelqu'un.

Et dans la nature, quand vous prenez des produits comme le karité, c'est une richesse naturelle. Nous ne l'avons pas planté, c'est Dieu qui l'a donné, mais c'est très riche. Donc, nous sommes conscients de nos potentialités. Pour vous, l'AES peut se suffire, être un ensemble intégré qui fonctionne normalement ? Parfaitement. Vous êtes au pouvoir depuis plus d'un an.

Quel est votre bilan dans le domaine de la sécurité parce qu'une bonne partie du territoire burkinabè est encore entre les mains des terroristes ?

C'est la priorité pour moi. Ces terroristes tuent, brûlent, déplacent les populations et s'accaparent des terres. Mais je peux vous dire à l'instant même qu'il n'y a pas cette portion du territoire où nous voulons partir et que nous ne pouvons pas aller. Aujourd'hui, vous allez sur tout le territoire ? Partout. Sur des territoires qui étaient sous contrôle, depuis 3 à 4 ans, nous mettons pied. Mais pourtant, on parle de plus d'attaques qu'autrefois lorsque il y avait des armées étrangères sur le territoire ...

Vous êtes sûr ?

Plus d'attaques, c'est relatif. Aujourd'hui, nous sommes à l'offensive dans la plupart des zones. Nous ne sommes plus dans une position de défense. Nous partons vers l'ennemi, nous cherchons l'ennemi. Lorsque nous avons décidé de prendre notre destin en main, c'est une décision assez importante et très courageuse. Lorsque vous décidez ainsi, toutes les cellules dormantes se réveillent d'un coup. Et, c'est en ce moment que vous vous rendez compte de l'ampleur du terrorisme. Mais pour faire la guerre, il y a d'abord le patriotisme.

Il y a la logistique et il y a maintenant l'intelligence de la situation. Le patriotisme s'est réveillé en tout Burkinabè. Que ce soit les combattants ou les populations civiles, vous les voyez bien contribuer. Cela n'aurait pas été possible il y a quelques années. Pourquoi ?

Il faut savoir réveiller le patriotisme en chaque peuple, le mettre en confiance, savoir que la patrie c'est la seule chose qui lui reste. Cela, on a réussi à le faire. C'est pourquoi, lorsqu'on demande aux populations de contribuer, ils le font. On a demandé aux gens de s'enroler pour combattre, partout où ils sont. Même aujourd'hui si nous décidons que nous voulons un million de Burkinabè pour combattre, nous les aurons.

Les gens sont prêts, ils sont engagés. Ce n'est pas dangereux pour eux ?

Non, c'est leur patrie. Partout dans le monde, les gens se sont battus pour leur patrie. Malgré la contribution d'armées étrangères, des sommes extraordinaires et de l'arsenal militaire de qualité vous décidez d'un coup, de lutter contre le terrorisme à trois. Est-ce réaliste ? C'est plus que réaliste. Il y a eu plusieurs situations. Nous avons eu la chance de faire le terrain.

Beaucoup d'autres officiers ont eu la chance de faire le terrain et ont manoeuvré avec ces armées étrangères. Sur votre propre territoire, on vous fait des restrictions. Ils font ce qu'ils veulent. Ce qui est encore plus surprenant, avec toute la technologie qu'ils avaient, comme les satellites, les drones, les hélicoptères et tous types d'appareils, on ne voyait jamais les terroristes. Aujourd'hui, nous avons décidé de faire la guerre. Vous vous rendez compte ? On les retrouve tous les jours et on les fouette.

Donc, il y a un problème. Pour vous, il n'y avait pas une vraie volonté de les combattre alors ?

Aucune volonté de les combattre. S'ils le voulaient, ils pouvaient le faire. Le terrorisme n'aurait jamais atteint ces niveaux. On se dit qu'aujourd'hui, s'ils ont des résultats, c'est parce qu'ils sont avec eux les Russes, avec Wagner et qui ouvrent leur première base militaire avec Africa Corps. Est-ce que les Russes vous aident ?

Cette aide est-elle meilleure que celle des armées étrangères qui étaient jusque-là présentes ? Pour ce qui concerne le Burkina, nous avons toujours été en relation avec la Russie. L'équipement que le Burkina avait, était à 80% russe. Ah bon ?

Bien sûr. Mais pourtant, vous aviez une relation plus forte militairement avec les Français. Comment expliquer cela ? Parce que nous avons des équipements russes et nord-coréens qui datent des années de la Révolution et qui combattent toujours dans notre armée. Et pendant un temps, l'armée a été délaissée, depuis les années 90, avec le soi-disant Programme d'ajustement structurel. Il y a des militaires qui montaient la garde avec des bâtons.

On a désarmé l'armée, nos armées. Cela a été bien préparé. Plus d'équipements, plus d'entraînement, rien. Les gens portaient juste la tenue. Et le terrorisme s'invite à la danse quelques années plus tard. Et ça chante dans tous les médias qu'ils sont incapables de lutter et qu'on vient pour les aider. Pendant ce temps, le terrorisme ne fait que gagner du terrain. Aujourd'hui, avec la Russie, la relation est d'abord stratégique. Je pense que vous le comprenez beaucoup mieux que nous. Il n'y a pas cet équipement que nous souhaitons payer avec eux, qu'ils ne nous vendent pas.

Les autres nous font des restrictions. Ils vous disent que vous ne pouvez pas acheter tel type d'armes ? Bien sûr. Or, les Russes vous vendent tout ce que vous voulez ? Tout ce qu'on veut. Jusqu'à l'instant où je vous parle, on nous bloque des licences de certains avions. Il y a des armes, des types d'armes, que les autres ne vont jamais nous vendre. Comment vous explique-t-on ces restrictions? Je vous pose la question : où est l'amitié ?

Qu'est-ce qu'elle veut ? Il y a beaucoup de pays comme la Russe, la Chine, la Turquie et la Corée où il n'y a aucune restriction. Avec l'Iran, tout ce qu'on veut, ils vont nous faire le point, si on peut payer, on paye. Mais avec ces Etats qui étaient là, soi- disant amis, il y a des restrictions. Il y en a même qui sont arrivés à nous dire qu'ils ne peuvent rien nous vendre comme arme létale. Donc vous faites la guerre et vous ne pouvez pas tuer l'ennemi qui est en face de vous ?

Oui. Les terroristes nous tuent, mais nous, on a peut-être le devoir de ramasser des cailloux. Peut-être même que les cailloux sont létaux. Voilà leur principe. Qu'est-ce que la Russie gagne concrètement en retour parce qu'on sait bien qu'il n'existe pas d'amitié entre les Etats, mais des intérêts ? Est-ce qu'ils prennent des minerais ? Est-ce que vous êtes en train de vendre une portion du territoire ?

C'est quoi le deal ? Si c'était cela le deal de quitter vraiment un maître pour un autre, on préfère mourir. Parce que quand on dit : La patrie ou la mort, cela a tout son sens. Non. Ce n'est que du média mensonge encore. Et malheureusement, on avait même vu des chefs d'Etat qui sont tombés dedans, qui sont allés raconter du mensonge. Soi- disant qu'on a donné des mines et la partie Sud de notre pays à des Russes. Archifaux. Il n'y a rien de donner aux Russes? Archifaux. Même pas une mine ? Pourquoi donner ? Si les Russes veulent une mine, on a le Code minier. Ils viennent s'intégrer dedans. On leur donne le permis, ils payent les impôts, ils font tout ce qu'ils doivent faire, comme les autres.

Mais avec quoi vous payez alors les Russes ? Ils ne viennent pas pour vos beaux yeux ... D'abord, les Russes sont arrivés quand au Burkina ? C'est la dernière fois que des instructeurs sont venus parce qu'ils doivent venir instruire les militaires sur des équipements. Et c'est avec tous les pays d'ailleurs. Ce n'est pas les Russes seulement. Quand on signe un contrat pour acquérir un équipement, on signe le contrat avec la formation. Il y a plein de Turcs ici. Pourquoi ils n'en parlent pas? Qui eux sont spécialisés dans les drones? On a payé des drones avec la Turquie avec un contrat d'assistance.

Il n'y a plus d'un an. Tous les tanks qui sont là, il y a les Turcs qui sont là. Pourquoi on n'en parle pas ? Ils sont là, ils nous appuient. Ils ont formé nos équipages en Turquie. Ils viennent ici, ils les assistent. Ils continuent de les former dans le pilotage, la maintenance et tout. On a le contrat sur un temps donné. Lorsque nos hommes seront bien formés, ils vont partir. Les Chinois sont là. Pour les équipements qu'on paye en Chine, ils sont là aussi pour former à leur manipulation. C'est cela la réalité.

Les Russes sont-ils sur le terrain pour combattre ? Non. Il n'y a aucun Russe sur le terrain pour combattre. Ce sont des choses développées dans la tête des gens. Mais s'il y a besoin, ils viendront sur le terrain combattre. Ça, je peux vous l'assurer. S'il y a le besoin ... Vous ne vous l'interdisez pas ? Non. Sauf que pour l'instant, ils ne sont pas sur le terrain. Pour l'instant, on se bat seul. Ils nous appuient en termes de formation sur la logistique, en termes de formation tactique. Sur votre bilan sécuritaire, certaines populations s'impatientent un peu.

Alors, qu'est-ce que vous avez fait de façon à ce que les Burkinabè puissent dire : le président Traoré est arrivé et il nous a réglé tel ou tel problème en interne ? Cela, nous n'en parlons pas. Et j'ai bien dit au ministre de la Communication que je ne veux pas que nous parlions trop de notre reconquête. Laissez les villageois parler eux-mêmes. Il y a plusieurs villages qui ont été réinstallés, des écoles qui ont ouvert dans plusieurs zones. Mais souvent, le fait de dire qu'il n'y a pas d'avancée, cela amène les villageois eux-mêmes à faire des vidéos pour dire aux gens que c'est faux, qu'ils sont revenus dans leurs localités après plusieurs années et qu'ils sont en sécurité.

C'est dernièrement qu'il y a eu quelques reportages pour vraiment confirmer cela. Il y a des déplacés qui sont rentrés chez eux ? Qui même vendent aujourd'hui des produits maraîchers sur le marché. Cela veut dire qu'ils sont rentrés il y a plusieurs mois, qu'ils ont eu le temps de cultiver. Est-ce parce que vous êtes passés à l'offensive ou parce que c'est avec les VDP ? L'offensive, c'est avec les VDP. Bien sûr. Je vous parlais tout de suite de patriotisme et de logistique.

C'est le deuxième volet qui nous faisait défaillance. Quand vous prenez par exemple l'attaque de Djibo en novembre dernier, dès qu'il y a eu l'attaque, il y a eu la riposte des éléments à Djibo et des vecteurs aériens. Dès le lendemain, des Bataillons d'intervention rapide (BIR) ont fait un mouvement vers Djibo avec le ravitaillement et ont continué. Ils ont marché sur la base des terroristes de Baraboulé où on n'a jamais mis pied depuis 2019. C'est à partir de là-bas qu'ils préparent toutes les attaques jusqu'à la frontière à Pétégoli. S'il n'y avait pas de logistique, c'était impossible. On allait s'asseoir planifier l'opération.

On prend déjà plus d'un mois. Ensuite, on cherche à rassembler la logistique et les hommes. C'est comme cela que cela se passait. Je vous fais une confidence. Il est arrivé des moments lors de certaines opérations ici qu'on ait emprunté des armes avec des pays voisins pour venir faire l'opération. Ensuite on les nettoie et on les remet. Aujourd'hui, dès qu'il y a une attaque, les BIR bougent parce qu'ils sont entièrement équipés, prêts au combat. On n'a pas un petit délai à perdre et immédiatement, ils décollent et foncent au combat. C'est comme cela que ça se passe maintenant. Il y a plusieurs bataillons qui sont équipés et positionnés un peu partout dans le pays.

Et c'est ça aussi la montée en puissance en termes logistique et tactique. Quand on voit tout cela, ça fait beaucoup d'argent. Est-ce que l'économie burkinabè peut tenir longtemps avec cela ? Cela fait beaucoup d'argent. C'est pourquoi, je dis que nos pays ne sont pas pauvres. Il y a eu la mal gouvernance, le vol, le pillage de nos ressources. C'est de cela qu'il s'agit. Je prends un exemple. Aujourd'hui, il y a le Fonds de soutien patriotique. Les populations contribuent et on entretient en grande majorité les Volontaires pour la défense de la patrie avec. Mais le reste de l'armée qu'on est en train d'équiper, c'est la gouvernance des finances.

Il y a des ressources, on a des potentialités. Mais si c'est mal géré... Pour vous, les pays ont de quoi tenir en produisant et en faisant juste une bonne gouvernance ? Comment est-ce qu'on arrive à acquérir le matériel ? Ce n'est pas pour nos beaux yeux, comme vous dites, qu'on nous en donne. On paye, mais c'est la gestion. Il y a des situations où on arrive à gérer parce que dans tous les départements, tous les secteurs ministériels, chacun fait de son mieux pour rationaliser.

Et quand on dit rationaliser, c'est quoi ? Vous savez, il y a cette habitude de corruption au haut niveau, de surfacturation parce que lorsque quelqu'un fait les élections, surtout en Afrique, c'est comme une entreprise. On va le financer. Il distribue des billets pour qu'on le vote. C'est un investissement. Et dès qu'il arrive au pouvoir, il est obligé de rembourser. Il n'y a pas ça avec nous. On n'a pas de compte à l'extérieur. On n'a rien. On n'en veut pas. Tout est orienté vers la guerre. Si vous prenez le domaine des produits pétroliers comme l'essence et le gasoil, l'Etat les subventionne pour que les populations puissent les avoir moins chers.

En 2022, par exemple, les subventions étaient autour de presque 500 milliards F CFA. En 2023, on est à moins de 100 milliards F CFA de subventions. Cela veut dire que vous avez fait une économie de 400 milliards F CFA de subventions ? Comment vous expliquez cela ? Nous étions libres, nous aussi, de dire à la SONABHY que telle personne va faire une proposition à tel prix et que les ristournes nous reviennent. On part ouvrir nos comptes offshores et on met dedans. C'est comme cela que ça se passe. Et on vous tient à partir de ce moment, quand vous avez ouvert vos comptes à l'extérieur ?

Mais bien sûr. Si vous vous amusez, on menace de geler vos comptes. Mais nous n'avons pas de compte à l'extérieur. Donc tout est orienté vers la guerre. Monsieur le Président, combien de temps va durer la Transition ? J'allais vous poser une question en retour avant de vous répondre. Si aujourd'hui, dans six mois, on décidait d'abandonner le peuple, vous, en tant qu'homme très objectif, conscient de notre situation, qu'est-ce que vous allez dire? Quel serait votre commentaire? Honnêtement, je préfère m'abstenir, même si vous savez le fond de ma pensée. D'accord. C'est pour vous dire que c'est fatigant souvent. C'est fatigant, mais la seule chose qui nous fait tenir, c'est l'amour du peuple. On se nourrit là-bas, on s'abreuve là-bas. Depuis que nous sommes là, nous n'avons jamais pris un seul jour de congés. En tout cas, tout l'exécutif et les législateurs.

Quand vous dites cela, les hommes politiques se disent que c'est leur métier, puisqu'il y en a qui en ont fait leur métier. Ils ont envie de revenir à la démocratie, au Parlement avec des gens qui sont élus ... Leur métier ? Ils ont appris ce métier où ? Nous ne voulons pas que les gens apprennent ce métier d'ailleurs et venir l'appliquer ici. Nous voulons créer un modèle. Parce que la manière de faire les choses ici, ce n'est pas la bonne manière. D'abord, il y a beaucoup d'accords que nous sommes en train de dénoncer. Beaucoup d'autres sont à venir.

Oui. La révolution sur ce volet n'a pas commencé. C'est pourquoi nos économies vont très bien se comporter. Les gens signent des accords pour leurs propres intérêts. Malheureusement, les chefs d'Etat africains, ceux-là qui se mettent dans ce giron de métier, de politique, n'ont pas compris toujours. Les faits d'un temps à l'autre avec les Bokassa et autres ne leur donnent pas assez de leçons. Ils continuent de piller les ressources de leurs pays, pour aller les investir chez eux.

C'est inconcevable. Mais pour vous, il n'est pas question de parler d'organisation d'élections, de fin de la Transition ? On va organiser les élections comment à l'instant T ? Il faut remettre tout à plat ? D'abord, hormis le système qui est en place qu'il faut revoir, les élections concernent tout le Burkina Faso. Vous pensez qu'ils sont prêts aujourd'hui à aller à Solé, à Falangountu pour faire la campagne ? Mais, ce sont des Burkinabè. Ils doivent voter.

Pour vous, il faut d'abord pacifier le pays ? Il faut qu'il y ait un minimum de sécurité pour que, s'il y a campagne, les gens puissent aller partout au Burkina, expliquer leurs idées au peuple burkinabè et le peuple va choisir. Parce qu'il n'est plus question d'aller distribuer des billets. Cela est fini. Il y aura des réformes sur le code électoral. Si, on vous prend dans cette pratique, vous serez disqualifié. Je ne veux pas devancer l'iguane dans l'eau, mais c'est pour vous dire qu'il y a des réformes à venir. Cette manière de faire, d'aller acheter les consciences, c'est fini. Notre mission, c'est d'éveiller les consciences pour que les gens n'acceptent plus jamais cela.

Si vous pensez pouvoir gouverner le pays, vous expliquez votre programme politique. Et peut-être qu'au bout d'un temps, le peuple va vous évaluer, si vous devez continuer votre mandat ou pas. Bref. On ne dira pas tout, mais il y aura des réformes sur le plan électoral. Et pour que les gens puissent faire les élections, tous les Burkinabè doivent voter. Revenant à l'AES, est-ce qu'on peut envisager un élargissement de cette Alliance, même aux Etats qui ne sont pas dans le Sahel ? C'est possible. Dans la Charte, cette possibilité existe. Donc on a fait une ouverture.

Mais les rapports entre nous, c'est fraternel. C'est ce qu'on rêvait de l'Afrique. C'est ce qui est là actuellement. Vous partagez la même vision sur l'Afrique, parce que quelquefois, les gens sont jaloux de leur prérogative dans leur pays ? Non. Nous partageons la même vision et nous faisons la même mission. Et si vous regardez à travers les communications, tout ce que nous faisons, c'est pour éveiller la conscience. Pourquoi un chef d'Etat va se mettre à vouloir que son peuple se réveille ?

Les autres ont tendance à ce que le peuple s'endorme pour qu'ils puissent continuer de faire ce qu'ils veulent. Nous, on veut que le peuple se réveille pour que même après nous, que les gens ne laissent plus jamais des individus les mettre dans ces conditions. Donc que ce soit au Niger ou au Mali ou ici, notre communication vise toujours à faire comprendre ce qui s'est passé avant. Et aujourd'hui, comment nous arrivons à casser les chaînes de l'esclavage ? Il faut qu'on arrive à faire en sorte que tout le monde brise les chaînes de l'esclavage. Et, c'est cela notre communication. Et c'est très important.

C'est une vision. Deuxièmement, ce qui concerne notre autodétermination sur le plan alimentaire, il y a beaucoup de choses qui sont développées dans nos régions. Par exemple, pour des cultures comme le blé, on disait d'ailleurs que ça ne peut pas se faire dans nos contrées. Le Burkina le fait aujourd'hui à grande échelle, de même que le Mali. Le Niger aussi est en cours. Il y a beaucoup d'autres spéculations qu'on est en train d'expérimenter. Le message c'est de faire comprendre à nos populations que nous n'avons pas besoin d'importer.

On peut tout produire pour nous ici et même exporter. Est-ce qu'aujourd'hui, monsieur le Président, vous n'avez pas peur pour vous-même ? Peur ? Nous avons vécu la période de Thomas Sankara qui est un peu votre modèle, puisque beaucoup vous comparent à lui par vos idées, votre manière de vous comporter, vos choix. On sait comment cela s'est terminé ... Vous avez raison. C'est la question que tout le monde se pose. Et c'est la phobie du peuple burkinabè. Lorsqu'ils pensent à cela, ils ont toujours peur pour moi. Pour ma personne, je n'ai pas peur. La peur, nous ne la connaissons pas.

Nous avons fait face à la mort plusieurs fois. Nous l'avons côtoyée. Mais Dieu a fait que nous soyons vivant. On lui rend grâce. Donc la peur, on ne la connaît pas. Mais on a analysé le passé. Sur certains volets, peut-être que le Président Thomas Sankara a fait des erreurs, lorsqu'il a dit, par exemple, de laisser les amis trahir l'amitié parce que ce n'est pas à nous de trahir l'amitié. Je pense que cette phrase l'a emporté. Pour vous, il aurait dû être à l'offensive ? Nous n'allons plus commettre les mêmes erreurs.

C'est sûr. Et l'impérialisme, comme il l'a dit, est un très mauvais élève. Lorsqu'il est chassé, il revient avec les mêmes méthodes. Nous suivons. Donc, nous ne laisserons pas les mêmes erreurs se reproduire. Aujourd'hui, quelles sont vos relations avec la France et l'Union européenne ? Nous n'avons pas de relations particulières. Les relations internationales sont ce qu'elles sont. Elles se passent comme cela doit se passer, si je peux le dire. Il n'y a rien de méchant.

De toute façon, le Burkina est en train d'affirmer sa souveraineté. Tout pays ou toute organisation qui respecte cela, nous sommes en bonne relation. Mais lorsque vous ne voulez pas cela et que vous voulez nous dicter ce que nous devons faire ... Mais, vous vous parlez quand même ? Bien sûr. On se parle. Dernièrement, nous avons reçu le nouvel ambassadeur de l'Union européenne. Il est là. Il travaille. Il n'y a pas de problème. L'ambassade française aussi est toujours là.

Elle continue ses activités. Et les Américains? Ils sont là. Donc, il n'y a pas de souci de ce côté ? Tant qu'on va respecter notre ligne idéologique, notre souveraineté, le fait qu'on veut briser nos chaînes et être indépendants. On sait que la CEDEAO n'est pas d'accord avec votre sortie. Est-ce que vous acceptez encore la négociation ? Ou bien c'est terminé, on n'en parlera plus jamais ? Il ne faut pas commettre certaines erreurs, je viens de vous le dire. Notre itinéraire, c'est un chemin de non-retour. Tout ce que nous faisons, les chaînes que nous sommes en train de briser, c'est pour toujours.

Donc plus jamais de CEDEAO ? Non, c'est fini. Cela veut dire aussi que dans quelques temps, vous allez vous attaquer à la monnaie qui est le CFA ? Probablement. Laissez venir la chose. C'est presque inéluctable, Monsieur le Président ... Tout ce que nous faisons vous a surpris. N'est-ce pas ? Des choses vont peut-être vous surprendre encore. Il n'y a pas que la monnaie. Tout ce qui est lien qui nous maintient dans l'esclavage, nous allons le briser.

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