Quand une terre agricole s'est érigée en camp de réfugiés
A El Amra, des milliers de migrants issus de pays subsahariens cherchent à rejoindre l'Europe. Ils sont là, depuis quelques mois, au milieu des terres agricoles de la petite délégation. Leur nombre ne cesse d'augmenter. Sous les tentes, en plein air, ils rêvent de l'autre rive de la mer.
A moins de 40 kilomètres du centre-ville de Sfax, dans les oliveraies de la délégation d'El Amra, des centaines de tentes en plastique ont été dressées entre les arbres. Un campement illégal s'est installé, depuis quelques mois, abritant des milliers d'émigrants vivant dans des conditions indignes.
Des groupes de migrants, des familles avec enfants et des mineurs non accompagnés luttent depuis des semaines pour survivre, par ce temps froid, sous ces tentes dans l'espoir de rejoindre, un jour, l'Eldorado.
Sentiment d'insécurité... et de peur !
C'est la galère ! Les migrants font leurs besoins sous les arbres, ils font leurs toilettes en plein air en l'absence d'équipements sanitaires de base, notamment douches et toilettes. La seule source d'eau est un puits creusé dans cette zone rurale pour les agriculteurs. Des enfants non scolarisés passent la journée à jouer dans des conditions rudimentaires et en respirant les mauvaises odeurs...
Au lever du jour, quotidiennement, les jeunes gagnent le centre ville, traversant les ruelles d'El Amra, en quête d'un travail décent. Une recherche vaine. Les opportunités sont minimes et les offres d'emploi sont presque inexistantes dans pareilles zones agricoles.
Au début, la population locale a été surprise par l'arrivée de ce nombre énorme de migrants subsahariens. C'est que leur région s'est vue envahie par des milliers d'étrangers. Pour cette petite délégation agricole, la situation est devenue, alors, préoccupante. Un sentiment d'insécurité s'est installé... Les habitants craignent ces nouveaux arrivés, car ils ignorent leurs comportements. D'un jour à l'autre, cette petite ville calme s'est totalement transformée et son artère principale a été entièrement occupée par ces subsahariens.
Et pour cause ! Ses habitants se plaignent et protestent contre ces nouveaux arrivés. Les lieux sont partout investis par des migrants qui s'assoient à même le sol, devant les boutiques, dans les stations de bus et sous les arbres... Les cafés sont aussi bondés de migrants. Ces derniers peuvent y rester toute la journée et, pourquoi pas, faire la sieste. Et au moindre geste ou mot déplacé, l'ambiance s'échauffe et les disputes se déclenchent.
Un nouveau climat d'entente et de solidarité
Peu à peu, les habitants ont compris que ces migrants ne sont pas agressifs et qu'ils ne font que se défendre. Et malgré l'ampleur du phénomène, les habitants se sont habitués à leur présence, là où règne, déjà, un climat de tolérance et de solidarité. D'ailleurs, dans un élan d'entraide spontané et réconfortant, un nouveau rapport relationnel s'établit avec les subsahariens. Peut-être bien parce qu'il y a du soutien émotionnel partagé. Aidant ces migrants irréguliers à mener leur vie, en pensant à leurs enfants déjà dans le besoin, les habitants de la région font tout pour alléger leur fardeau et rendre leur situation plus paisible. Ainsi, par solidarité, les migrants ont appris à vivre normalement, alors que les habitants n'ont pas manqué de leur assurer des conditions de vie dignes et favorables. Ils les ravitaillent en eau et denrées alimentaires et leur fournissent des couvertures et des matelas. Bien qu'ils soient majoritairement de petits agriculteurs à revenus modestes, ces habitants leur ont fourni ce dont ils ont besoin pour subsister. Et malgré les efforts de la société civile, venue en renfort, la situation nécessite, quand même, l'intervention des pouvoirs publics est nécessairepour trouver, du moins, des solutions temporaires, garantissant à ces migrants les moyens nécessaires d'une vie digne de ce nom.
Ils se reconvertissent
Et pour faire face à ces conditions vulnérables, les subsahariens essayent de s'intégrer dans la vie économique de la région pour pouvoir gagner leur vie. Et c'est le secteur agricole, principale activité de la délégation d'El Amra, qui en a beaucoup profité, faisant employer des ouvriers clandestins. Preuve à l'appui, la saison de cueillette des oliviers a été bel et bien sauvée, grâce à cette main-d'oeuvre migrante. D'autant plus que la majorité des jeunes de la région refusent de s'adonner à ce genre de travaux agricoles. Leurs gains étant pourtant modestes, les travailleurs subsahariens sont contents d'être parvenus à subvenir à leurs besoins quotidiens.
D'autres migrants ont opté pour la maçonnerie, devenant, in fine, des ouvriers de chantiers. Au fur et à mesure, le rêve de rejoindre l'autre rive de la Méditerranée s'estompe... et fond comme neige au soleil.