Depuis longtemps, les sélections en Afrique ont été le lieu d'opposition entre les « sorciers blancs » et les coachs locaux. Mais ces dernières années, les entraîneurs binationaux ont commencé à s'imposer à l'image d'Aliou Cissé, Djamel Belmadi ou Walid Regragui. Pour les quarts de la finale de la CAN 2024 qui débute vendredi 02 février, ils seront ainsi trois coachs binationaux à viser le dernier carré, Kaba Diawara (Guinée), Éric Chelle (Mali) et Emerse Fae (Côte d'Ivoire). Une petite révolution en douceur ?
Les deux derniers entraîneurs vainqueurs de la CAN ne sont pas des sorciers blancs. Ni des « locaux » pur jus. Djamel Belmadi (Algérie 2019) et Aliou Cissé (Sénégal 2022) viennent du 9-4. De Champigny-sur-Marne précisément. Le premier est né dans cette ville du département du Val-de-Marne. Le second y est arrivé à l'âge de 9 ans, en provenance du Sénégal. Crayonnés comme entraîneurs « africains », les deux ont pourtant la double nationalité franco-algérienne, et franco-sénégalaise. Et si cette double culture avait joué sur leur réussite passée ?
Comme elle a certainement joué pour Walid Regragui, sélectionneur franco-marocain, qui a conduit les Lions de l'Atlas en demi-finale de la Coupe du monde 2022. Les trois sélectionneurs sont récemment à la base des plus grandes réussites de leur sélection, au point de se demander si l'avenir des sélections africaines ne passerait par ces « métisses » du jeu.
« Il faudra toujours la compétence et le talent, explique Claude Le Roy qui a entraîné plusieurs sélections en Afrique pendant plus de 30 ans. Mais, il est vrai que le fait d'avoir double nationalité, de connaître les réalités culturelles de son premier pays, tout en étant imprégnés des autres subtilités du deuxième, fait gagner du temps. C'est une forme de raccourci pour ces entraîneurs binationaux. »
Aliou Cissé peut allégrement discuter en wolof avec Ismaïla Sarr, en mandingue avec Sadio Mané qu'en français avec Iliman Ndiaye ou Abdou Diallo. Tout comme Djamel Belmadi pouvait échanger en arabe et en français avec ses joueurs.
« Quand vous voyez Aliou Cissé tenir aussi longtemps à la tête du Sénégal, il faut le faire. Remettre de l'ordre comme l'a fait Regragui, c'est aussi une grande réussite, dit Claude Le Roy. Quand vous avez été des deux côtés, des deux pays, vous ne perdez de temps à comprendre les réalités locales, ça va plus vite. »
Un seul « vrai » local...
Aujourd'hui, à la veille des quarts de finale, trois des huit sélectionneurs qualifiés sont binationaux, Kaba Diawara (Guinée), Éric Chelle (Mali) et Emerse Fae (Côte d'Ivoire) contre quatre « sorciers blancs », Sébastien Desabre (RDC), José Peseiro (Nigeria), Hugo Broos (Afrique du sud), Pedro Gonçalves (Angola), et un seul « véritable » local : Bubista (Cap-Vert).
Kaba Diawara, Éric Chelle, et Emerse Fae ont tous la nationalité française en plus de celle du pays qu'ils entraînent. Leur parcours dans cette CAN pourrait confirmer la réussite de ses sélectionneurs binationaux. Né à Toulon, il y a 48 ans, ancien international guinéen, Kaba Diawara a réussi à qualifier le Syli pour son premier quart de finale depuis 2015 et pourrait le conduire en demi-finale pour la première fois depuis 1976.
Au Mali, Éric Chelle a mis fin à la série des quatre CAN sans atteindre les quarts pour les Aigles. Son équipe défiera la Côte d'Ivoire pour rêver encore plus grand.
De son côté, Emerse Fae, natif de Nantes, a ressuscité la Côte d'Ivoire, dépassée au premier tour et héroïque en huitièmes de finale face au champion en titre Sénégal. Son discours pour galvaniser les joueurs ivoiriens a certainement eu plus de résonance que celui de Jean-Louis Gasset arrivé en Côte d'Ivoire qu'en mai 2022 et limogé après le premier tour de la CAN. « Le coach (Fae) est né en France, il connaît la Côte d'Ivoire super bien, témoigne Yahia Fofana, gardien de but des Éléphants, né à Paris. Dans cette équipe aussi, il y a des binationaux, il parvient à faire la part des choses et à comprendre chacun des joueurs ».