Au Sénégal, Il n'y aura donc pas de présidentielle le 25 février prochain. A quelques heures du début de la campagne électorale, le président Macky Sall a annoncé un report sine die de ce scrutin. Il explique cette décision par la nécessité d'apaiser le climat et de lever le voile sur des différends sur des candidatures et des accusations de corruption. Le chef de l'État sénégalais a réitéré son engagement à ne pas se présenter, mais il n'a pas mentionné de durée pour ce report.
Une commission parlementaire qui vient d'ouvrir une enquête sur le processus de sélection des candidats à la présidentielle, des accusations de corruption de deux juges du Conseil constitutionnel et une candidate qui aurait menti sur sa nationalité: pour Macky Sall ces «conditions troubles» et le risque de contestation des résultats de la présidentielle justifient son report.
À quand une nouvelle convocation?
Mais la grande question reste celle du calendrier. Quand les électeurs vont-ils être convoqués à nouveau? La coalition de Karim Wade a demandé un report de six mois de la présidentielle dans une proposition de loi qui a de fortes chances d'être adoptée. Que se passera-t-il alors le 2 avril, la date officielle de la fin du mandat de Macky Sall? Si le président a renouvelé sa promesse de ne pas se présenter, prolonger son mandat viole la Constitution et ses engagements précédents, soulignent des observateurs.
Le président Macky Sall a également promis d'ouvrir un dialogue pour réunir les conditions d'élections libres et transparentes dans un Sénégal apaisé. Mais qui pour y participer et pour décider quoi? alors que le pays vient tout juste de clôturer un dialogue national, comme le relève le candidat de l'opposition Khalifa Sall.
Le Sénégal dans l'inconnu
Si cette décision doit servir à apaiser le Sénégal, elle risque aussi de créer de nouvelles divisions et plonge le Sénégal dans l'inconnu. Hier soir, samedi 3 février, les candidats de l'opposition ont promis de continuer leur campagne et appelé à la résistance. Et peu de temps après l'annonce de Macky Sall, le ministre secrétaire général du gouvernement Abdou Latif Coulibaly, qui est aussi le frère de l'un des juges du Conseil constitutionnel, a annoncé sa démission.
C'est la première fois dans l'histoire du pays qu'une élection est repoussée. Pour le journaliste Antoine Glaser, spécialiste de l'actualité du continent, cela illustre le flou politique actuel dans ce pays, avec notamment une majorité divisée sur le choix d'Amadou Ba comme candidat de la coalition Benno Bokk Yakaar: «Il y avait des tensions, ce n'était pas vraiment le candidat de son parti, je ne suis pas dans le secret des dieux, mais j'imagine qu'il y a dû y avoir un certain nombre de tests pour savoir s'il pouvait sortir au premier tour et ça ne devait pas être très concluant.»
«Pour la première fois dans ce pays, les lignes ne sont plus du tout claires et on sent bien qu'il y a finalement un grand désarroi dans le parti de la coalition, les partis entre eux sont très inquiets pour leur avenir. Il est visible quand même qu'il y a toute une partie de la population -et en particulier de la jeunesse- qui ne veut pas épouser l'espèce d'animosité du président contre Ousmane Sonko. On est dans une période de crise au Sénégal, dans une ébullition aussi régionale, cette classe politique traditionnelle, qui voilà, tout était un peu cadré, géré... Finalement il y a des interrogations sur ce pays comme il y en a dans l'ensemble des pays de la région de l'Afrique de l'Ouest», conclut Antoine Glaser.