Afrique de l'Ouest: Sortie du Mali de la Cédéao - Le point sur les conséquences économiques et humaines

Le Mali a annoncé dimanche 4 février sa sortie de la Communauté économique des États d'Afrique de l'ouest (Cédéao), conjointement avec le Niger et le Burkina Faso. Que sait-on et quelles sont les interrogations qui demeurent ?

Les ressortissants de ces trois pays, simples citoyens ou opérateurs économiques, expriment leurs craintes sur les conséquences d'un tel retrait. Les autorités nationales ont donc appporté de premiers éléments pour tenter de les rassurer. Avec notamment la confirmation, par le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, du maintien dans l'UEMOA.

Le retrait du Mali, du Niger et du Burkina, bien qu'annoncé comme immédiat, doit prendre un an, selon les textes communautaires. Une durée durant laquelle les trois pays doivent respecter leurs obligations vis-à-vis de la Cédéao, mais qui leur permettra également de se préparer pour la suite.

La principale richesse du Mali, c'est l'or, qui représente un quart de ses ressources fiscales et plus de 75% de ses exportations. À destination de l'Afrique du Sud, de l'Australie et de la Suisse. Aucun impact à prévoir donc pour les finances de l'État malien de ce côté.

Le maintien dans l'UEMOA limite les dégâts

Ensuite, le Mali quitte la Cédéao mais pas l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Or, cette organisation offre à ses huit membres les mêmes facilités que la Cédéao pour la libre circulation des personnes et de leurs biens, mais aussi pour celle des marchandises, exemptées de droits de douanes. Aucun changement donc pour les relations avec la Côte d'Ivoire ou le Sénégal par exemple, principales destinations des marchandises maliennes en Afrique de l'ouest, et dont les ports sont utilisés par les entrepreneurs maliens.

Les Maliens installés dans les pays membres de l'Uemoa ne devraient pas non plus voir leurs conditions de résidence modifiées, tant que le Mali demeure membre de l'espace monétaire - même chose pour le Niger et le Burkina.

Si le Mali exporte peu dans la sous-région, il importe bien davantage. Mais là encore, ses principaux partenaires sont le Sénégal et la Côte d'ivoire, membres de l'Uemoa. Les produits importés de ces pays ne seront donc pas davantage taxés. Le Mali compte également sur le marché financier de l'UEMOA pour lever des fonds, avec dans ce cas précis la possibilité d'une augmentation des taux d'intérêts, qui ont déjà explosé depuis le début de la période de transition.

Si la sortie de la Cédéao devrait donc avoir un impact globalement négatif pour les économies du Mali, du Niger et du Burkina, cet impact sera aussi très limité par leur maintien dans l'UEMOA. Cette dernière qui n'a d'ailleurs pas réagi officiellement à l'annonce du retrait de la Cédéao. Une mesure politique de rétorsion, de la part des autres pays membres de l'Uemoa, semble peu probable, selon les sources internes jointes par RFI.

La sortie du franc CFA beaucoup plus risquée

Mali, Niger et Burkina Faso ne font cependant pas mystère de leur volonté de couper tout lien avec la France. La sortie du franc CFA apparaît donc comme une prochaine étape vraisemblable, mais qui serait aussi beaucoup plus risquée. Car pour cela, il leur faudrait quitter l'UEMOA, et donc abandonner les garanties commerciales et humaines que leur apporte aujourd'hui cet espace.

Les économistes ayant planché sur le sujet mettent également en avant la nécessité pour ces trois pays, s'ils voulaient mener un tel projet, de disposer de réserves de change suffisantes et d'une crédibilité institutionnelle solide, afin de garantir la valeur et la stabilité, sur le long terme, d'une éventuelle nouvelle monnaie. Pour rappel, la Cédéao travaille actuellement à la sortie programmée de la zone franc et à la mise en place d'une monnaie unique commune baptisée Eco.

La Cédéao compte par ailleurs sept pays non membres de l'UEMOA, comme le Ghana, la Gambie, le Nigeria ou la Guinée, avec lesquels les échanges ne sont pas négligeables. Le Mali, comme le Niger et le Burkina, pourront cependant essayer d'établir de nouveaux accords bilatéraux avec ces pays pour par exemple éviter le rétablissement des taxes aux frontières.

Dissuasif pour les investisseurs

Autre conséquence, difficilement mesurable : l'impact de cette décision sur les investisseurs. Les acteurs économiques joints par RFI doutent que le retrait de la Cédéao et l'imprévisibilité des décisions à venir contribuent à renforcer la confiance et à décider qui que ce soit de placer ses fonds au Mali, comme au Niger ou au Burkina. Ce qui aurait un impact négatif direct et de long terme pour les entreprises locales.

Le Conseil national du patronat du Mali a indiqué mercredi que ses membres commençaient à faire remonter leurs « préoccupations et suggestions », qui seront ensuite analysées et partagées avec les autorités de transition.

Au Burkina Faso, le retrait du pays de la Cédéao anime les débats

Dans une interview accordée à l'agence d'information du Burkina, agence de presse officielle, le ministre de l'Économie et des Finances assure que son pays reste dans l'Union monétaire ouest-africaine (UEMOA). « Nous restons membre de l'UEMOA », a souligné Aboubakar Nacanabo auprès des journalistes de l'agence d'information du Burkina. Le ministre de l'Économie et des Finances souligne que pour le moment, son pays n'a pas constaté au niveau de l'UEMOA les mêmes faits que ceux reprochés à la Cédéao. Le Burkina demeure donc pour l'instant au sein de l'union monétaire, avec le franc CFA comme devise commune.

Il estime par ailleurs que la sortie de la Cédéao n'aura pas d'impact significatif sur le plan commercial, car le tarif extérieur commun de l'UEMOA contribuera à minimiser les conséquences du divorce. Or dans une interview, le 30 janvier dernier, le president de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré, avait souligné que le retrait de la Cédéao n'était qu'un début et que de nouvelles ruptures avec « les chaînes coloniales » allaient survenir, n'excluant pas une sortie de la zone CFA.

« Il n'y a pas que de la monnaie. Nous allons briser tous les liens qui nous maintiennent dans l'esclavage » avait-il indiqué. Au lendemain de cette déclaration, le Burkina Faso avait dû reporter le lancement d'un emprunt de 35 milliards de FCFA sur le marché monétaire commun.

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