Ile Maurice: Les pistes qui existent déjà...

Depuis les inondations du 15 janvier, les discours des dirigeants sont les mêmes. Le risque zéro n'existe pas, c'est la faute au climat et la liste des Les pistes qui existent déjà... drains suit. Cependant, les experts sont d'avis que c'est loin d'être la solution. Sommes-nous donc condamnés à mettre le pays - ou du moins le système éducatif - à l'arrêt à chaque prévision de pluie ? Non, les solutions existent, et ont même été proposées...Un «retention pond» à Bell-Village aiderait à gérer le flux de l'eau dans la capitale.

Il n'y aura pas de solution sans passer par une stratégie claire, un plan de gestion et un plan d'action, fait ressortir d'emblée Adi Teelock, porteparole de la Plateforme Moris Lanvironman. «Des études et des propositions pour atténuer les inondations sont là. Mais ce qui fait cruellement défaut, c'est un plan de gestion des inondations cohérent sur une base régionale de bassins-versants (ridge-to-reef) sans lequel on ne fera que transférer le problème d'un endroit à un autre. Le Land Drainage Master Plan (LDM) n'étant pas public, nous ne savons pas ce qu'il propose pour les court, moyen et long termes. Il nous semble que l'on agit encore par petits bouts.» Il faut que toutes les solutions identifiées fassent partie du plan.

Jay Doorga

L'une des études qui existe sur le sujet est GIS-based multi-criteria modelling of flood risk susceptibility in Port Louis, Mauritius: Towards resilient flood management. Elle a été réalisé par le Dr Jay Doorga, Leonard Magerl, Priyal Bunwaree, Jiaxin Zhao, Sophia Watkins, Caroline G. Staub, Soonil D.D.V. Rughooputh, Tyagaraja S. M. Cunden, Roddy Lollchund et Ravindra Boojhawon. Dans le papier consacré à la capitale et ses faubourgs, les risques physiques, sociaux et économiques des inondations ont été prises en considération, et des solutions ont été avancées.

%

Certes, le changement climatique est un défi. «L'ampleur du changement climatique à l'échelle mondiale constitue un défi pour tous les pays du monde et nous avons besoin de temps pour nous adapter et réagir à l'évolution de la situation», explique le chercheur. Cependant, au-delà du changement climatique, les autorités doivent prendre en considération d'autres facteurs, comme les constructions sauvages, un système de drains qui n'est plus adéquat et le comblage des zones humides entre autres. Mais encore une fois, il précise que le problème ne peut pas être ramené à la planification urbaine et rurale. Ce changement, dit-il, se produit de manière si désordonnée que leurs effets ne peuvent être localisés à un endroit particulier. Ce point est soulevé par le Dr Zaheer Allam, urbaniste. «Il est temps d'enclencher un plan national. Avec les changements, les prédictions deviennent de plus en plus aléatoires. Mais il est évident que nous devrons faire face à des problèmes sur le court et le moyen terme avant d'avoir toute une structure de gestion des inondations qui fonctionne correctement.»

Zones à risques

Même si le plan des zones inondables est secrètement gardé par les autorités, l'étude a identifié les zones les plus à risques dans la capitale. Elles sont Canal Dayot, Bell-Village, les alentours des Casernes centrales, la zone entre le ruisseau du Pouce au jardin de la Compagnie, Vallée-Pitot, Plaine-Verte, le long de la rivière Lataniers de Vallée-des-Prêtres à Résidence La Cure. Ces zones sont localisées près des endroits où les évacuations sont engorgées par des débris et recouvertes d'une surface construite conséquent qui ne favorise pas l'absorption. En sus de ces zones aux facteurs à risques physiques, l'étude parle aussi des zones où la pauvreté rend la situation encore plus critique. «A strong relationship exists between flooding and poverty such that flooding exacerbates poverty, whilst poverty increases flood vulnerability.» Un cercle vicieux, car les constructions sont souvent faites sans permis dans des zones à risques, et en cas d'inondations, c'est la partie de la population qui est la plus touchée et qui prend le plus de temps à s'en remettre.

Solutions

«Whilst improving the efficiency of the drainage system is of absolute necessity, its effectiveness is limited by the spatial restrictions imposed by the pre-existing urban fabric», fait ressortir l'étude. Un autre problème concernant ces drains est leur taille inadéquate face au volume d'eau. Les drains ne sont donc pas une solution en soi, il faudra se tourner vers de nouvelles solutions, avance Zaheer Allam. Il y a par exemple, le reboisement des villes ou encore, des bassins de rétentions. C'est justement l'une des solutions proposées par Jay Doorga : la construction d'un bassin souterrain pour contenir l'eau. Comment fonctionne ce système ? «Il s'agit essentiellement d'une structure souterraine cachée qui sert à stocker temporairement les eaux pluviales lors de fortes précipitations afin d'atténuer le débit de pointe dans les bassins-versants et de drainer l'excès d'eau dans les zones accumulées. Les eaux pluviales sont ensuite évacuées par gravité et pompées vers la mer via les systèmes de drainage des eaux pluviales en aval. Un tel système a été adopté à Hong Kong Happy Valley où la construction d'un réservoir souterrain de stockage des eaux pluviales de 60 000 m3 a permis de drainer efficacement les accumulations d'eau tout en fournissant de l'eau stockée pour l'irrigation des espaces verts tout au long de l'année.» Dans l'étude publiée, il propose la zone de Champ-de-Mars, en raison de sa position stratégique entre les ruisseaux du Pouce et de la Paix. Quant à Bell-Village, l'étude propose un bassin de rétention.

Mais ce n'est pas la solution unique. Face au problème, il faut une panoplie de mesures, et la planification urbaine et rurale en fait partie. Encore une fois, Jay Doorga précise que ce n'est qu'une partie de la solution et pas une fin en soi. «Le changement climatique et les inondations sont de nature très complexe et ne se limitent pas à la planification urbaine et rurale. Les changements climatiques se produisent de manière si désordonnée que leurs effets ne peuvent être localisés à un endroit particulier.»

Sur le sujet, Adi Teelock affirme qu'il faut impérativement passer par la destruction ou le réaménagement des structures favorisant les inondations, sans parti pris. L'exemple qu'elle cite est le Metro Express. «Le cas de St-Jean a été abondamment relayé dans la presse et les réseaux sociaux. Bien moins les cas de la Cybercité d'Ébène et du centre de Port-Louis. À Ébène, Metro Express Ltd a comblé un ou plusieurs drains qui évacuait l'eau de pluie en laissant une ou deux ouvertures mais qui sont totalement insuffisantes lors de fortes pluies. Tout indique que les piliers du pont enjambant la route au niveau de l'arrêt bloquent l'écoulement des eaux sous terre.» Quant à la capitale, elle rappelle qu'un «beam» a été installé sous le pont enjambant le ruisseau du Pouce pour soutenir la plateforme, ce qui a pour résultat une réduction importante de la capacité d'écoulement des eaux. Adi Teelock rajoute qu'une partie de la solution réside dans l'adaptation de l'existant pour le rendre plus résilient. Elle évoque aussi l'implication des citoyens et un système d'alertes par région/ village/quartier pendant que le pays fait face à ces problèmes.

Ne pas oublier de composer avec la nature

«Les solutions basées sur la nature sont adoptées pour atténuer les effets des inondations dans le monde entier. Il s'agit de tirer parti des éléments naturels pour créer une infrastructure verte résiliente. Par exemple, investir dans des toits verts en renaturant les toits des bâtiments peut contribuer à jouer un rôle de tampon grâce à une meilleure rétention de l'eau. Compte tenu des espaces vacants sur les toits des bâtiments, les solutions de toits verts sont prometteuses pour l'île Maurice. En outre, l'investissement dans la renaturation verte des rivières dans les zones en aval, ainsi que la construction de plusieurs petits coudes et l'amélioration de la structure naturelle des berges, accompagnées de la plantation de végétation pour ralentir le débit et lutter contre l'érosion des berges, contribuent également à l'ensemble des mesures correctives», explique Jay Doorga.

Combien de temps cela prendra ? Atan nou gété. «Toujours est-il qu'on peut déjà se baser sur les modèles existants de l'IPCC par exemple, pour venir de l'avant avec des solutions», avance Zaheer Allam. Et ces solutions, sont-elles réalisables? «Si la solution fondée sur la nature est un modèle qui convient à tous, certains remèdes doivent toutefois être adaptés aux besoins des pays. Il est donc important que les pays s'inspirent les uns des autres, mais aussi qu'ils adoptent des solutions personnalisées et donc faciles à mettre enoeuvre», dit Jay Doorga.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.