Ile Maurice: Plusieurs victimes dénoncent un entrepreneur

Une compagnie de travaux promettant monts et merveilles, un modus operandi bien rodé, des millions de roupies disparues et des victimes qui ne savent plus où donner de la tête et finissent par abandonner leurs rêves et l'espoir de retrouver leur argent un jour. Quant à la police, elle est impuissante. Certaines d'entre eux ont accepté de revenir sur les mois, voire les années de stress qu'elles ont vécues.

Ce couple, habitant au nord, s'est marié en décembre 2022, mais le coeur n'était pas à la joie. Pourtant, lorsque la décision avait été prise deux ans auparavant, les deux avaient des rêves plein la tête. Leur principale préoccupation était la maison. «Nous parlions souvent de ce que nous avions en tête. Nous avons tout décidé, au détail près. Comment serait notre cuisine, quel type de salle de bains il nous fallait. Nous avons passé des mois à faire des recherches sur les nouvelles tendances», avance le jeune homme. Ils contractent un emprunt à la banque, la maison est construite et arrive le moment de l'aménager. Au détour de ses recherches, il tombe sur la page d'A&N Contracting sur Facebook, avec des photos de meubles plus rutilants les uns que les autres. En avril 2022, le gérant de la compagnie, Waazid M., lui donne son devis. «Vu les prix, nous avons décidé de tout faire avec lui. Il y avait la cuisine, le placard de la chambre, les meubles de la salle de bains et les portes à faire», explique notre interlocuteur. Au début, tout allait bien. Le plan en 3D promis est arrivé à temps.

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Selon le devis, les travaux devaient prendre fin en juillet. Le coût total devait être Rs 350 000. Un premier paiement de 10 000 est effectué le 4 avril. Puis, le 12 avril et le 22 avril, deux autres paiements de Rs 200 000 et Rs 100 000 respectivement sont faits. «La pose du carrelage prenait du temps. Il nous a dit de lui donner de l'argent et il achètera les matériaux nécessaires, car les prix s'envolaient à ce moment-là. Je venais de construire ma maison, et c'était vrai. Donc, on lui a donné de l'argent.» Le 11 juin, un autre paiement de Rs 20 000 est fait. Le carrelage est finalement posé en juillet. C'est là que les problèmes débutent.

Rien ne se passe comme prévu. Les portes sont installées. C'est l'horreur. Pas d'encadrement, des fentes de partout, des portes trop grandes qui ne s'ouvrent qu'à moitié. «Il avait promis des fittings Hafele, mais on n'en a pas vu la couleur. Il a bouché les trous entre les murs et les portes avec du plywood.» Waazid M. devient de plus en plus rare. La date du mariage approche, et le couple a prévu des prières en octobre 2022. Mais la cuisine n'est toujours pas prête. «Face à notre insistance, il a mis des encadrements recouverts de plywood à la place du granite pour lequel nous avions payé», explique-t-il, dépité. Les problèmes s'enchaînent. Plus de réponse au téléphone, rendez-vous manqués, appels en vain. Après le mariage, le couple n'a toujours pas de cuisine, leurs vêtements sont toujours dans des sacs en plastique. «De temps en temps, il venait, mettait un tiroir et disparaissait à nouveau.»

Juillet 2023. Ils menacent de le poursuivre. «Il nous a alors demandé de vider la cuisine car il allait venir la compléter. Mais il n'a fait que faire des trous dans le plywood pour mettre l'évier !» En octobre, ils menacent à nouveau d'aller de l'avant, et le contracteur menace de se suicider. «Sa femme a commencé à me dire que j'ai une maison, qu'elle est locataire, a des enfants et doit faire tourner sa cuisine ? J'ai cru à une blague !» Puis, l'entrepreneur s'est montré menaçant, ce qui a poussé le couple à le signaler au poste de police de Rivière-du-Rempart et a demandé au contracteur de ne plus venir, par dépit.

Certains meubles étaient abîmés dès le début.

Cependant, la police est impuissante. «Comme il a fait semblant de commencer les travaux, il n'y a pas d'escroquerie, il faut le p-oursuivre au civil. C'est ce nous a dit notre avocat. Et l'affaire va traîner des années. Pendant ce temps, nous avons contracté un emprunt, payé pour des choses que nous n'avons pas. Finalement, las de tout ce stress, nous lui avons demandé de ne plus venir. On a dû contracter un autre emprunt pour finir le reste.»

L'histoire se répète

Après une annonce sur Facebook, d'autres victimes sont venues de l'avant. C'est le cas de cette habitante de l'est. Elle y a laissé plus de Rs 700 000. En décembre 2022, elle a contacté A&N Contracting. «Il y avait pas mal de choses à faire. Des fenêtres, la cuisine, un placard, un meuble pour les chaussures entre autres», dit-elle. Elle a même fait un contrat stipulant que les travaux seraient finis en février 2023. Encore une fois, au début, tout allait bien. Et vite. Très vite. «Je lui ai dit de ne pas tout faire en même temps, mais il n'a pas écouté. Il a démoli la cuisine pour commencer la nouvelle.» Les ennuis commencent par les retards, mais ce n'était pas le plus grave. «Je devais voyager au mois de mars. Lorsque je suis rentrée, j'ai vu qu'il avait fait les fenêtres bien plus petites que prévu. Puis, il m'a dit que ce n'était pas de sa faute, mais celle de ses employés.» Puis, Waazid M. disparaît. «Des fois, il était malade. Il envoyait des certificats médicaux qui n'avaient rien à voir avec ce qu'il me disait au téléphone.» Les travaux se poursuivent au compte-goutte. «Le meuble de la salle de bains se résumait à une boîte. Tout comme le placard. Quelques boîtes, sans tiroir ni rien.» Le parquet se délite après deux mois. *«Lorsqu'on a mis un commentaire sur Facebook, sa femme m'a appelée pour me dire qu'il a essayé de se suicider.» Puis, les menaces sont venues. Encore une fois, une plainte au poste de police de Flacq. Encore une fois, il fallait l'attaquer en civil et faire des dépenses juridiques. Un an après, il a fallu payer une autre compagnie pour finir le travail.

Les planches posées qui n'ont pas été achevées en placard.

Octobre 2023. L'entrepreneur est approché par une habitante du centre de l'île cette fois. Toujours sur Facebook. Cette fois-ci, il fallait faire des portes et des fenêtres, casser un mur et refaire l'espace du salon. Le prix total était de Rs 240 000. «Il a demandé de payer 60 % du prix.» Comme il avait l'air fiable, elle a fait le paiement de Rs 144 000. Mais elle a vite déchanté lorsque le jour promis, le plan en 3D n'est pas arrivé. «Puis, il a commencé à trouver des prétextes, allant du mariage de je ne sais quel architecte au Covid. Il a réclamé encore de l'argent, mais j'ai refusé.» Plus le temps passe, plus elle s'impatienta. À un moment, elle tente de trouver un deal. Elle demande à Waazid M. de ne faire qu'une partie des travaux. «Mais lorsqu'il devait commencer, il m'a dit qu'il a déjà utilisé l'argent, qu'il faudra attendre janvier pour qu'il en ait à nouveau pour les travaux.» Encore des négociations. Il est convenu qu'il ne ferait que la cuisine et la buanderie, et une somme de Rs 70 000 lui est donnée pour démarrer à nouveau. Même rengaine. Des feuilles de contreplaqué. Des boîtes pas assemblées, du bois troué. «Et mon avocat m'a dit que...» Finalement, elle demande au contracteur de laisser tomber et de garder l'argent. Les travaux ont été faits par une autre compagnie.

«Complot»

Nous avons tenté de contacter Waazid M. Son épouse balaie les accusations d'un revers de la main et évoque un «complot» de ses anciens clients. Elle nous a expliqué que dans tous les cas, les personnes ont fini par leur dire de ne plus venir faire les travaux, raison pour laquelle ils n'ont pas terminé. «Nous avons eu des retards dans certains cas, mais les clients ne nous comprennent pas. Nous avons pas mal de problèmes. Des fois, nos employés nous volent. Ou ils font n'importe quoi. Lorsque les chantiers sont loin, nous ne pouvons pas nous déplacer à chaque fois pour vérifier le travail qu'ils font. Ou encore, dans le cas des meubles qui ont été placés, il faut du temps pour faire le finish.» Quant aux retards, elle explique que son époux a des problèmes de santé récurrents, raison pour laquelle ils s'accumulent. «Puis, parfois, les soustraitants nous volent aussi. Mais les clients ne veulent rien entendre, ils exigent un remboursement ou la finition des travaux quand même.» De plus, elle assure que dans plusieurs cas, les meubles donnés correspondent aux sommes payées, même si la finition n'a pas été faite. «Et nous n'avons pas pu compléter dans certains cas car après un certain temps, les clients eux-mêmes nous demandent de ne plus venir chez eux et font appel à d'autres.»

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