Congo-Kinshasa: Un regard méthodique sur nos élections

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Il n'y a pas de réalité, pas d'événement ou d'image indépendant du domaine social dans lequel il est considéré. Quel est l'environnement dans lequel nous voyons le monde ? Nous ne sommes ni au paradis ni à des milliers de kilomètres sous l'océan. Nous vivons dans une histoire complètement dominée par le capitalisme; dans une société qui vénère le commerce et l'argent.

Durant la période de domination formelle du capitalisme du XIIIe siècle en Italie (une des premières manifestations du capitalisme dans des villes italiennes comme Venise, Florence ou Rome) jusqu'en 1914, le capitalisme a dominé le monde par l'ordre et la stabilité, comme dans le processus d'occupation des terres par la colonisation. Cependant, à partir de 1914, nous sommes entrés dans la période de domination totale du capitalisme.

Aujourd'hui, le capital s'est infiltré même dans nos relations les plus intimes. Dans la domination totale du capitalisme que nous connaissons aujourd'hui, c'est le chaos qui donne lieu à sa croissance. Le chaos est la dernière étape de la domination mondiale du capitalisme. Le chaos que nous vivons au Congo, en Palestine ou en Ukraine est le fonctionnement normal du capitalisme. Mais qu'est-ce que le capitalisme, qu'est-ce qui le définit aujourd'hui ?

Le capitalisme se définit par la recherche du profit à tout prix. La rentabilité est la valeur la plus élevée du capitalisme. Le profit devient alors l'horizon infranchissable de l'action humaine. On le voit dans notre pays, nous avons plus de politiques que d'industriels, car la politique est devenue plus lucrative que l'industrie et plus précisément, nous assistons à une industrie politique. D'où viennent les ressources ? Toute la richesse du Congo provient des ressources naturelles et humaines, des droits de douane et des taxes.

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Ces richesses sont là pour reconstruire le Congo en un État-nation, mais malheureusement, elles construisent la vie d'individus spécifiques qui achètent des villas en Occident et envoient leurs enfants étudier à l'étranger - au Canada ou aux États-Unis - où les frais de scolarité sont extrêmement coûteux. Les dirigeants politiques congolais sont confrontés à ces prix exorbitants pour la scolarisation de leurs enfants. Les soins médicaux des politiciens Congolais coûtent extrêmement chers à l'État. Tout cela est de notoriété publique.

Le monde capitaliste est présent ici à travers notamment la Banque Mondiale qui participe à de nombreux projets de développement et le Fonds monétaire international (FMI) qui restructure à volonté la dette du Congo et surveille la balance des paiements de la RDC. Bref, malgré la gabegie financière à laquelle nous assistons, le monde capitaliste donne toujours une note de satisfaction au régime congolais. Pourquoi cela, voulons-nous savoir ? Le capitalisme ne valorise que ce qui le valorise.

Aujourd'hui, malgré le chaos financier et même le chaos politique démontré par les élections désastreuses de fin 2023, pour le capitalisme (BM ou FMI), le Congo et l'économie congolaise fonctionnent bien. L'afflux de matières premières sur les marchés mondiaux se poursuit. Le capital ne se soucie des personnes que dans la mesure où elles sont des propriétés. Le capitalisme n'aime les gens que comme des biens rentables. Aujourd'hui, la souffrance des Congolais rapporte des profits aux marchés mondiaux.

La souffrance des Congolais n'intéresse le capital que lorsqu'elle entre dans le plan objectif de valorisation capitaliste. Et dans le sens inverse, lorsque le capital vous montre la souffrance, en vidéo, en audio ou en film, comme les images de migrants entrant aux États-Unis en provenance du Mexique ou de réfugiés africains mourant en Méditerranée ou de Congolais fuyant l'invasion du M23 dans l'est du Congo ; Quand le capital vous montre ces images, c'est parce que cette souffrance doit être intégrée dans le processus de domestication et d'asservissement des humains.

On entend souvent que ce type d'analyses sont des théories du complot et que voir la main du capitalisme partout est donc un complot, même lors des élections congolaises. La réponse théorique à ce constat serait de rappeler qu'il y a toujours eu des complots dans l'Histoire.

Ce n'est pas le complot qui fait l'histoire, mais le développement des forces productives qui, par exemple, a nécessité à un moment de l'histoire le départ de Laurent Désiré Kabila. Les complots ne disposent pas d'une autonomie significative. Dans l'analyse méthodologique, nous devons toujours rechercher la dialectique des relations globales, qui existent au-delà de la surface des choses que nous expérimentons. Pourquoi le désastre électoral au Congo n'a-t-il pas trop ébranlé le monde ?

Au-delà des problèmes immédiats que cela soulève au Congo, il est important de les situer dans une dialectique des relations globales des choses qui composent l'histoire profonde. Le Congo est lié au marché mondial et les élections au Congo sont considérées comme bonnes du point de vue du marché capitaliste. Le capital considère les Congolais comme une marchandise, au même titre que les minerais et le bois provenant de leur pays. Pour mieux comprendre les élections au Congo, il est important de les situer dans le long terme, ce qui permet de comprendre les dialectiques qui font l'histoire.

Il est important de savoir que tout ce que nous vivons aujourd'hui est la souffrance d'une nation prise en otage par des prédateurs appelés « le gouvernement » ; ces souffrances continueront avec le nouveau gouvernement tout simplement parce qu'au niveau local, la dictature régnera d'une main de fer sur les dissidents congolais, et qu'au niveau mondial, la souffrance des Congolais apparaît profitable aux marchés mondiaux.

En d'autres termes, l'impact de ce que nous vivons dans notre pays, qu'il s'agisse d'embouteillages qui durent plusieurs heures sur les routes, de soins médicaux catastrophiques qui ne peuvent plus soignés même les maladies qui étaient jadis soignées ou d'étudiants qui détruisent la vie économique de leurs parents pour payer les frais de scolarité dont les résultats sont proches de zéro, tout cela semble profiter à l'économie mondiale aussi longtemps que le M23 continue de vendre du coltan par le Rwanda ou que le gouvernement continue de s'enrichir grâce à la vente des minerais du pays, il n'y aura donc rien à faire. Rien ne poussera donc le capital à s'émouvoir du sort du peuple congolais. Tout mouvement collectif congolais conscient appelant au renversement social se heurtera sur son passage à la communauté capitaliste internationale.

L'objectif de ce MDW est donc d'aider à comprendre deux niveaux de réflexion sur tout événement historique, comme l'élection congolaise. D'un côté, il y a le niveau de surface, le raz des pâquerettes ou l'écume des choses, comme la condamnation explicite des machines à voter entre les mains des individus qui les ont utilisées. La culpabilisation des possesseurs illicites de machines pendant que la CENI ne s'est jamais plainte d'une quelconque disparition de ces machines. Mieux, les possesseurs avaient reçu tous les codes d'activation.

Ce qui a permis à leurs faux votes de confirmer le « président » tout en invalidant les supposés fraudeurs complices de sa reconduction. Et d'autre part, le niveau profond qui nécessite d'insérer ces actions de Kadima dans la dialectique globale du long terme pour qui le Congo et les Congolais sont des marchandises utiles pour le capitalisme, et c'est cette dialectique qui fait l'histoire profonde. Ces deux niveaux se complètent.

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