Afrique: L'homosexualité en Égypte et le drame du tabou dans «Better than Earth» au Festival Clermont-Ferrand

interview

« Mon film parle surtout d'incertitude », affirme Sherif El Bendary. Le réalisateur égyptien est un habitué du plus grand festival international du court métrage à Clermont-Ferrand. Cette année, il y présente en première mondiale « Better than Earth ». Une histoire autour du tabou de l'homosexualité en Égypte, réalisée avec une grande finesse, grâce aux dialogues ciselés et à un véritable ballet de regards échangés. Entretien avec un cinéaste nécessairement courageux pour tourner un tel film au Caire.

RFI : Au début de Better Than Earth [« Mieux que le monde », NDLR), un couple s'embrasse dans une voiture. Pourquoi ce baiser ouvre-t-il le film ?

Sherif El Bendary : La scène se déroule un 14 février, le jour de la Saint-Valentin. Radwa, une jeune étudiante, a un rendez-vous avec son petit ami. Il était très important pour moi de signifier son orientation sexuelle. Dès le début, il est clair qu'elle aime les hommes.

Au-delà du rôle principal, il y a un personnage très important pour le récit, Mme Magda. La surveillante en chef de ce foyer universitaire pour filles au Caire donne ses instructions même par haut-parleur. Elle est omniprésente et le symbole de la loi et de l'ordre de la société en Égypte.

Oui, Mme Magda représente le gouvernement, le contrôle, le pouvoir.

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Radwa est une fille très heureuse, amoureuse et gentille. En même temps, elle se plaint du comportement étrange de sa colocatrice, Sarah. Radwa se sente harcelée et on sent très vite qu'il y aura un drame. Pourtant, vous avez absolument voulu donner à Radwa une tête de coupable. Pourquoi ?

C'était très important pour moi de chercher une actrice avec une sorte de tête coupable pour ce rôle. Le spectateur doit ressentir son sentiment de culpabilité à la fin du film. C'était très important d'avoir une actrice capable d'exprimer ce sentiment d'être coupable. Elle doit nous transmettre le sentiment qu'il s'est peut-être passé des choses entre elle et Sarah dont nous ne sommes pas au courant. Qu'il y avait peut-être plus que cette plainte pour harcèlement contre sa colocataire Sarah.

Dans ce foyer pour étudiantes, l'ordre public imposé à la société est remis en question par deux choses : d'abord par l'histoire d'amour de Radwa avec son ami, mais surtout par le comportement étrange de sa colocataire Sarah, considérée comme une lesbienne depuis qu'on a trouvé dans son armoire un t-shirt arc-en-ciel, le symbole de la communauté LGBT. Ces thèmes, peuvent-ils être discutés ouvertement en Égypte ?

D'abord, nous ne pouvons pas vraiment dire que Sarah est homosexuelle. Rien ne le prouve. Il ne s'est rien passé. Elle a juste un t-shirt. Et avoir un t-shirt ne veut rien dire. Mon film parle surtout d'incertitude. Il y a de l'incertitude à différents niveaux. Il n'est pas facile de discuter de tels sujets en Égypte. C'est un tabou. On ne peut pas parler ouvertement et franchement de ce genre de sujets en Égypte. Avec le scénario, j'ai trouvé une façon de raconter cette histoire sans aborder directement ce sujet très sensible et dangereux. C'était primordial pour moi de trouver une manière subtile de raconter cette histoire. Et une fois trouvée, j'ai réalisé le film.

La colocatrice Sarah est le deuxième personnage principal du film, malgré le fait qu'elle n'apparaît jamais à l'image. En même temps, au générique, vous avez dédié ce film de fiction « à Sarah ». Sarah, a-t-elle réellement existé ?

Oui.

Vous avez écrit et réalisé ce film donc à partir d'une histoire personnelle ?

Oui, le film est inspiré de faits réels, même s'il n'est pas basé sur des faits réels.

Quand allez-vous projeter le film en Égypte ?

Je ne sais pas quand je montrerai le film en Égypte, mais j'espère que je le montrerai dans mon pays.

Vous avez des doutes qu'il puisse y être montré ?

Oui, je doute fortement qu'il soit projeté en Égypte, parce que c'est un sujet qui n'est pas facile à accepter pour la société et pour le bureau des autorisations des films.

Le film a été tourné en Égypte, monté en France, le son a été réalisé en Suède. Y a-t-il une raison particulière pour cette démarche internationale de votre production cinématographique ?

C'est venu comme ça. Mon producteur est en France, j'ai tourné en Égypte, mais j'avais peur de continuer avec la postproduction en Égypte. J'ai pris tout le matériel et fait le montage en France et le son en Suède. Ce n'était pas prévu, mais c'est ce qui s'est passé.

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