Dimanche 28 janvier, le Mali annonçait son retrait de la Cédéao, conjointement avec le Niger et le Burkina. Une décision qui a pris tout le monde de court et qui suscite depuis de nombreuses inquiétudes, chez les citoyens maliens ou parmi les chefs d'entreprise. Dans les rangs de l'opposition malienne, à Bamako, beaucoup affirment que cette décision hautement stratégique a été prise de façon brutale et sans préparation.
Premier élément : l'absence totale de tout débat public, y compris au sein du Conseil national de transition, qui fait pourtant office d'organe législatif et de représentation populaire en remplacement de l'Assemblée nationale. Plusieurs responsables politiques ont déjà dénoncé ce fait. Certaines personnalités, s'exprimant sous le sceau de l'anonymat, y voient carrément la preuve que la décision de quitter la Cédéao a été prise en petit comité, au plus haut sommet de l'État, et sans la préparation nécessaire.
Mercredi dernier, les opérateurs économiques étaient reçus par le Premier ministre Choguel Maïga. Lequel ne leur a présenté aucun dispositif d'accompagnement, se bornant à rappeler, selon le communiqué officiel de la Primature, qu'un comité de pilotage serait mis en place pour définir les « opportunités » de ce départ. Face à cette absence de mesure concrète, le patronat n'a pu que « présumer » - c'est le terme employé -, que les enjeux de cette « décision politique » avaient été « bien analysés ». Une formulation qui respire davantage le dépit que la confiance. Le patronat malien a promis de faire remonter au plus vite ses propres préoccupations. « C'est le signe que les conséquences économiques de ce départ ne sont pas encore connues », estime un ancien ministre, qui se désole de voir que des membres du gouvernement malien font la promotion de décisions pour lesquelles ils n'ont pas eu leur mot à dire.
« Ils ne savent pas où ils vont »
Le soir même, trois jours après l'annonce officielle donc, le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop expliquait sur la télévision nationale ORTM que même après la création de l'Alliance des États du Sahel, le Mali restait bien membre de la Cédéao. L'émission avait en fait été enregistrée le 11 janvier, et diffusée sans retouche. Ce qui indique tout de même que, deux semaines et demie avant l'annonce, la décision de quitter la Cédéao n'avait pas encore été prise. Ou alors que le chef de la diplomatie malienne n'en était pas informé. Sollicité par RFI, le ministère a confirmé la date d'enregistrement, sans apporter davantage d'explication.
Plusieurs opposants pointent enfin certaines approximations et incohérences qui dénotent également, à leurs yeux, une décision prise « à la va-vite ». Comme l'annonce d'un départ à « effet immédiat », alors que le règlement communautaire prévoit un préavis d'un an, ou encore les arguments brandis pour justifier cette décision. « Ils parlent des sanctions de la Cédéao ou de sa manipulation par la France, s'étouffe un autre ancien ministre, mais ils restent dans l'UEMOA qui a mis en oeuvre ces sanctions et qui est directement liée à la France avec le CFA ! Ce qui n'est pas le cas de la Cédéao ! » Et de conclure, en parlant des dirigeants de la Transition : « ils ne savent pas où ils vont, et ils prennent des décisions dont les Maliens subiront les conséquences. »
Pour les différentes personnalités d'opposition jointes par RFI, le véritable objectif de ce départ de la Cédéao serait, pour « les militaires qui dirigent le pays », de se débarrasser de toute contrainte sur un calendrier électoral et de se maintenir au pouvoir.