Burkina Faso: Exploitation minière à Ouadaradouo - La recherche de l'or étouffe la rivière Poni

6 Février 2024

Depuis un certain temps, dans le village de Ouadaradouo situé dans la commune rurale de Gbomblora, province du Poni (Gaoua), le climat n'est pas au beau fixe entre la société minière « LSM Gold Corporation » et les populations de la localité. Les activités de cette société sont décriées. Le motif, l'exploitation menacerait le lit de la rivière Poni, un affluent du fleuve Mouhoun qui traverse le village. Nous sommes allés au constat.

Les populations, notamment les jeunes, du village de Ouadaradouo situées dans la commune rurale de Gbomblora, province du Poni, exigent le départ de la société d'exploitation minière LSM Gold Corporation des abords du cours d'eau le Poni qu'ils tiennent pour responsable des dégâts environnementaux. En effet, ces jeunes ont manifesté leur colère, le lundi 8 janvier 2024 dans ledit village. Selon l'explication des jeunes, la société s'est implantée depuis presque sept mois dans la zone et n'aurait pas de documents officiels qui l'autorisent à exploiter l'or.

Pour le président du conseil communal de la jeunesse de Gbomblora, Kermouté Kambou, la société doit suspendre ses activités. « Nous en avons marre », lance-t-il. Il ajoute qu'il est inadmissible de mener des activités d'une telle nature dans le lit d'un fleuve. « Nous avons demandé à la société de déguerpir des lieux », insiste M. Kambou. De son avis, le fleuve est un patrimoine sacré et toute la forêt située le long du cours d'eau a été détruite. De plus, les villageois installés à proximité ne peuvent plus consommer cette eau.

« Voyez vous-même l'état de l'eau. Actuellement, l'eau est trouble. Il faut mettre un peu de cendre et la laisser se stabiliser avant de boire », explique Miahanami Kambou, une ressortissante du village de Ouadaradouo, non loin de Gbomblora. Cette dernière est venue donner un coup de main aux femmes qui s'attèlent à creuser une tranchée pour le passage de l'eau bloqué par les monticules de terres entassés par la mine. « Comme vous pouvez le constater, la mine a bouché le passage », présente-t-elle.

La cohésion sociale menacée

Le président du Conseil villageois de développement (CVD) de Ouadaradouo, Tinoté Hien, renchérit que le point d'eau est toute la « force » du village. « Nous buvons l'eau. Nous abreuvons nos animaux ici et avec les travaux de la société minière, plus rien de cela ne sera possible », souligne-t-il. Et d'insister que les activités de la mine sont en train de détruire l'âme du village en plus de causer des dangers à ses habitants. « Si demain, la population tombe malade, la société sera tenue pour responsable », prévient-il.

Vu l'ampleur des dégâts, le président CVD exige aussi que la mine réhabilite tout l'écosystème qu'elle a détruit afin que le fleuve recommence à couler normalement. « Nous exigeons aussi qu'on nous réalise des forages pour notre eau de consommation parce que l'eau du fleuve a été polluée par les travaux de la mine », affirme Tinoté Hien. A en croire le président du conseil communal de la jeunesse de Gbomblora, Kermouté Kambou, des démarches ont été entreprises auprès des autorités pour comprendre les conditions (ndlr : la légalité) de l'implantation de la société.

« Mais elles disent n'être pas au courant de la société », précise-t-il. D'où l'opposition de la population à l'exploitation du site par la société. « En tant que CVD, je suis allé m'entretenir avec les travailleurs de la société minière pour leur faire part du mécontentement et demander de ce fait l'arrêt des travaux. Ils avaient donc suspendu les travaux et puis à ma grande surprise, les travaux ont repris et cette fois sous escorte des forces de l'ordre », informe Tinoté Hien. A la recherche d'une solution, Kermouté Kambou dit être rentré en contact avec les autorités. Mais, il ne cache pas sa déception suite à ses multiples démarches qui sont restées vaines. Selon lui, il avait bon espoir que le premier responsable de la province prendrait une décision pour mettre fin à ce désastre écologique en cours.

Qu'à cela ne tienne, il réitère son plaidoyer auprès des autorités administratives à prendre des mesures « vigoureuses et urgentes » afin d'éviter le pire. Même son de cloche pour Miahanami Kambou qui affiche son amertume du fait que les travaux se poursuivent dans un « silence total » des autorités. « Le village a été fondé par nos ancêtres parce qu'il y avait un point d'eau. C'est inimaginable qu'aujourd'hui, on vienne troubler notre quiétude au point de supprimer ce point d'eau », lâche Miahanami Kambou, avec un air de colère. Le représentant de la jeunesse de Gbomblora, Kermouté Kambou confiera que depuis l'installation de la société dans le village, le vivre-ensemble et la cohésion sociale sont mis à mal. « La société est arrivée à diviser le village qui comprend quatre hameaux de culture. C'est incompréhensible », s'insurge Kermouté Kambou. C'est pourquoi, il souhaite la résolution des différends avec la population riveraine de Ouadaradouo et les villages qui partagent la rivière Poni. Nos tentatives de rentrer en contact avec les responsables de la société minière sont restées vaines.

Boureima Savadogo, gouverneur du Sud-Ouest

« Il y a eu des complicités au niveau de la localité »

Le gouverneur du Sud-Ouest, Boureima Savadogo, s'est prononcé sur la situation, à l'occasion d'une rencontre avec la presse de la région, le 15 janvier 2023.

«C'est un problème qui nous a été soumis depuis juin 2023. On nous a signalé qu'il y avait des machines aux bords du fleuve Poni pour une exploitation minière et qui causeraient des dégâts. A l'époque, j'ai appelé le haut-commissaire du Poni et le préfet de Gbomblora pour voir s'ils étaient au courant de cette affaire. Apparemment, ils n'étaient pas au courant à l'époque. J'ai instruit le préfet de Gbomblora de faire le constat et surtout de faire suspendre les travaux. Dès juin, le préfet a adressé une lettre au promoteur afin qu'il suspende les travaux et se conforme à la règlementation.

Depuis juin, il y avait un calme momentané. Mais le problème est que des populations locales ont été complices de cette exploitation parce que le promoteur a signé une convention avec la population afin de procéder à cette exploitation contre la réalisation de certaines infrastructures. Ce qui n'est pas normal. Il a fallu au niveau de Gbomblora que des jeunes se lèvent pour poser le problème et réclamer l'arrêt des travaux. Si les populations étaient contre cette exploitation depuis le départ, elles allaient nous signaler la situation. Nous avons vu des conventions où des propriétaires terriens ont donné leur accord pour l'exploitation. Il y a eu des complicités au niveau de la localité.

Quand les jeunes nous ont signalé le problème, nous l'avons pris à bras le corps. Les jeunes n'ont pas eu la bonne démarche. Ce qui nous revient, c'est qu'ils ont organisé une rencontre et ont invité le préfet à venir s'expliquer. Ce qui ne doit pas se faire. C'est comme s'ils convoquaient l'autorité. Le préfet n'a pas assisté à la rencontre. Conséquences, quand le préfet a organisé la rencontre avec les acteurs des services techniques, les jeunes ont refusé d'y participer. Comme le préfet est submergé, j'ai dit au haut-commissaire de se saisir du dossier. D'abord la première chose, faire suspendre l'exploitation. Le haut-commissaire a fait un autre communiqué qui rappelle au promoteur la suspension des activités minières sur le site. Mieux, il a organisé une rencontre pour discuter autour de ce phénomène. A l'heure actuelle, même si sous votre maison, il y a de l'or, vous ne pouvez l'exploiter, car cela ne vous appartient pas. C'est l'Etat seul qui peut autoriser l'exploitation ».

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