Deux jours après le report de la présidentielle au 15 décembre 2024 adopté par le Parlement, les divisions se creusent au sein de la classe politique sénégalaise entre partisans et opposants à un report de ce scrutin. Des divisions qui se retrouvent jusque dans le camp du pouvoir. Après la démission dès samedi soir du secrétaire général du gouvernement, c'est au tour d'autres de marquer leur désapprobation.
C'est par la publication de sa lettre de démission adressée à Macky Sall qu'Awa Marie Coll Seck, ministre d'État et présidente de l'Initiative pour la transparence dans les industries extractive, a exprimé son désaccord avec le président. « Le Sénégal mérite de voir son calendrier républicain respecté », écrit l'ancienne ministre de la Santé dans ce courrier et ce même si « notre processus électoral reste à parfaire ».
Une façon de remettre en cause l'argumentaire utilisé par le président Macky Sall qui parle d'une crise institutionnelle grave due à des dysfonctionnements trop nombreux dans le processus électoral et qui mériterait donc que les élections soient reportées.
Une autre voix dissonante s'est fait entendre : celle de Zahra Iyane Thiam, la directrice de l'agence sénégalaise de promotion des exportations qui s'était pourtant battue aux côtés du président de la République Macky Sall lors de son élection en 2012. Mardi, elle a rompu avec son camp. « J'estime que l'acte posé ce jour (le report de la présidentielle, NDLR)» est « une violation flagrante de notre charte fondamentale ». « Quel gâchis ! », écrit-elle encore sur Facebook.
Enfin, lundi soir, une députée a voté contre le projet de loi de reporter la présidentielle. Il s'agit d'une parlementaire de la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yakaar. Autant de signes qui montrent que le report du scrutin est loin de faire l'unanimité et risque même diviser un peu plus le camp de la majorité.
D'autre part, d'autres ont félicité le report du scrutin, comme le Parti démocratique sénégalais (PDS). Pour Mamadou Lamine Thiam, président du groupe parlementaire du PDS, il n'était pas possible de faire autrement au vu des nombreuses irrégularités qui ont marqué le processus de sélection des candidats. Selon lui, il faudrait même aller plus loin et établir un nouveau Conseil constitutionnel.
Ces défaillances étaient de nature à compromettre l'intégrité, la démocratie et l'inclusivité de l'élection qui aurait conduit le pays dans le chaos si elle avait été maintenue.
La Cédéao hausse le ton
La Commission de la Cédéao a publié mardi soir un nouveau communiqué dans lequel elle déconseille toutes actions qui pourrait aller à l'encontre de la Constitution du pays et encourage de « toute urgence des mesures nécessaires pour rétablir le calendrier électoral ».
Le ton de ce second communiqué est jugé par bons nombres d'observateurs, y compris au sein de l'institution, nettement plus ferme et tranchant que le premier. Il faut dire qu'entre le 3 février, date de la première missive, et ce mardi, la communauté ouest africaine n'avait pas encore assisté au spectacle de parlementaires vigoureusement chassés de l'Assemblée nationale par les forces de l'ordre.
Abuja n'avait pas encore saisi, non plus, que le vote des députés de la majorité présidentielle et de ses alliés de circonstance permettrait à Macky Sall de prolonger son mandat jusqu'au 15 décembre 2024.
Dans son nouveau communiqué, la Commission tente malgré tout de ménager les susceptibilités des deux camps qui s'opposent à Dakar en proposant d'accompagner le Sénégal à maintenir sa tradition démocratique. Mais une source au siège de la Commission indique que celle-ci ne peut se permettre un nouvel échec après le camouflet de la scission de l'Alliance des États du Sahel. Ce jeudi, une réunion des ministres des affaires étrangères de la Cédéao devait initialement se pencher sur le cas du Mali du Burkina et du Niger. Le Sénégal vient de s'ajouter au programme