Ethiopie: Soutenir les survivantes d'agressions sexuelles et empêcher la violence de naître

Ayantu* avait 14 ans lorsqu'elle a été trahie par quelqu'un à qui la société lui avait appris à faire confiance.

Une nuit de février 2021, cette adolescente originaire de la ville de Bule Hora, dans le sud de l'Éthiopie, a quitté son domicile après une violente dispute avec sa famille. Souhaitant trouver de l'aide auprès d'une personne qu'elle connaissait dans un bureau administratif local, Ayantu s'est finalement retrouvée seule, car cette personne était absente.

La nuit commençait à tomber et des agents de police présents sur place lui ont proposé de se réfugier dans le bâtiment. Ayantu leur en a été très reconnaissante, jusqu'à ce qu'au milieu de la nuit, l'un des agents entre dans sa chambre et l'a agressée sexuellement.

Dans le monde, 6 % des femmes rapportent avoir survécu à une agression sexuelle de la part d'une personne qui n'était pas leur partenaire. Ce chiffre est cependant très probablement inférieur à la réelle prévalence de ces agressions, puisque la stigmatisation et la peur des représailles empêchent les survivantes de signaler ces actes criminels.

Les recherches montrent ainsi que dans 44 pays, la moitié des survivantes de violences physiques ou sexuelles n'en ont jamais parlé à personne ni n'ont demandé de l'aide.

Lorsqu'Ayantu a fini par retourner chez elle, traumatisée et ne sachant pas quoi faire, elle n'a pas parlé de son agression. Elle a dit à sa famille qu'elle avait dormi dans les bois.

« J'étais terrifiée et j'avais mal. J'avais l'impression que c'était ma faute, que si je n'avais pas quitté la maison, cela ne me serait pas arrivé. La culpabilité et la honte m'ont submergée », explique-t-elle.

Soutenir les survivantes

De nombreuses survivantes choisissent de ne pas porter plainte pour violence sexuelle car il est fréquent qu'elles soient victimes de stigmatisation ou que la faute soit rejetée sur elles, des comportements souvent perpétués par les autorités, les prestataires de santé, et même les ami·e·s ou la famille.

Heureusement, cela n'a pas été le cas pour Ayantu. Lorsque les femmes de son foyer ont remarqué ses bleus et ses vêtements tachés de sang, elles s'en sont inquiétées et lui ont tout de suite apporté leur soutien quand elle a raconté ce qui s'était passé.

La famille d'Ayantu l'a accompagnée au bureau administratif de Kebele afin de porter plainte pour agression sexuelle. L'agent de police responsable des faits a rapidement été arrêté et interrogé, et a avoué son crime.

Parallèlement, la police a orienté Ayantu vers l'unité de soins relatifs à la violence basée sur le genre de l'hôpital universitaire de Bule Hora, que l'on appelle aussi « centre polyvalent ». Cet établissement soutenu par l'UNFPA propose aux survivantes de violence basée sur le genre un espace sûr où elles peuvent recevoir des soins médicaux et bénéficier d'une aide psychosociale ainsi que de services de santé sexuelle et reproductive.

Tout le personnel a été formé à la prise en charge des cas de violence basée sur le genre afin d'assurer que les survivantes comme Ayantu ne subissent pas un deuxième traumatisme et ne soient pas tenues pour responsables de leur agression. C'est également un lieu où la police, le ministère public, les prestataires de santé et les assistant·e·s sociales et sociaux peuvent se réunir pour travailler ensemble sur les dossiers, et où les survivantes peuvent bénéficier des services dont elles ont besoin.

« Ce centre polyvalent est entièrement équipé et intégré à l'hôpital ainsi qu'au ministère de la Justice. La police et le ministère public sont sur place à plein temps afin d'aider les survivantes », explique Tariku Gari, médecin responsable du centre. « Savoir que justice sera rendue procure un véritable soulagement aux femmes et aux filles. »

Prendre en main son avenir

Grâce au soutien de sa famille et de professionnel·le·s dévoué·e·s au centre de santé de Bule Hora, et à présent que son agresseur est sous les verrous en attendant son procès, Ayantu a commencé à reconstruire sa vie. « J'ai repris mes études », déclare-t-elle.

Tandis qu'elle poursuit sa guérison, d'autres membres de sa communauté ont choisi d'agir pour empêcher la violence basée sur le genre de survenir.

Deux fois par semaine, le programme Her Space (« Son espace ») rassemble à l'école primaire de Bule Hora 48 filles de 11 à 14 ans pour des discussions et des sessions d'information autour de la santé sexuelle et reproductive, de l'égalité des genres et de l'autonomisation des femmes. Ce programme, financé par la République de Corée, vise à aider les participantes à se protéger de la discrimination, de la violence et de l'exploitation, et à exercer leurs droits et faire leurs propres choix.

« Je suis enseignante depuis 30 ans et je constate que ce programme est le plus efficace pour autonomiser les filles et les encourager à s'exprimer et à planifier leur avenir », affirme Misrak Takele, responsable de Her Space et enseignante à l'école de Bule Hora.

L'une des participantes, Hana, qui a 14 ans, précise : « Nous avons appris que c'est à nous de faire en sorte que la société et nos familles nous traitent comme des membres à part entière, et croient en nous. »

* Le prénom a été changé pour garantir l'anonymat et la sécurité.

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